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Pourquoi le cœur d’un nageur ne ressemble pas au cœur d’un coureur à pied
©Patrick Smith / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Exercice physique

Un exercice physique régulier change non seulement l'apparence mais aussi la manière de fonctionner du coeur des individus révèle une étude menée par des cardiologues.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : La pratique sportive aurait une influence sur l'aspect et la performance du cœur. Toutefois, une étude (voir article) tend à montrer que tous les sports n'ont pas le même effet sur le cœur. Un nageur très performant n'aura pas, par exemple, le même cœur qu'un marathonien d'élite. Comment explique-t-on ces différences?

Stéphane Gayet : On a peine à imaginer que ce petit organe de 300 grammes chez l’adulte, dont la forme et le volume sont proches de ceux du poing fermé, ait un compteur qui atteigne quelque 3 milliards de battements vers l’âge de 95 ans. On se demande bien comment il peut accomplir un aussi prodigieux service sans la moindre défaillance et c’est pourtant ce qui se produit chez une grande majorité de personnes. Le volume cumulé des quatre cavités cardiaques chez l’adulte est à peu près de 350 ml, soit la cylindrée d’une moto moyenne à petite. Cette double pompe aspirante-refoulante finit quand même par s’arrêter un jour et c’est alors tout l’être qui tire sa révérence car le cœur reste le chef : le cerveau lui doit énormément. Le cœur ravitaille en temps réel tous les tissus du corps en glucose et en oxygène, principalement.

C’est un muscle rouge strié, qui a des points communs avec les muscles volontaires dits squelettiques, ainsi appelés car ils s’accrochent aux os par des tendons. Le muscle cardiaque ou myocarde est rouge en raison de sa richesse en myoglobine, pigment protéique (chromoprotéine) qui est proche de l’hémoglobine, tout en ayant plus d’affinité pour l’oxygène qu’elle. En somme, avec son vigoureux réseau d’artères et de veines coronaires, le cœur de l’homme est manifestement taillé pour la compétition : son endurance est exceptionnelle et il est capable de sprinter d’une façon stupéfiante ; ainsi, à 40 ans, la fréquence cardiaque maximale théorique est de l’ordre de 180 battements par minutes, alors que la fréquence au repos se situe vers 60 à 65. Il s’agit donc chez un adulte d’âge mûr de tripler sa fréquence cardiaque de base (la fréquence cardiaque maximale peut être estimée par la formule : FC max = 207 – (0,7 x âge), formule plus juste que la classique : FC max = 220 – âge). Mais il est certain qu’à une telle fréquence, le cœur souffre et les valvules (l’équivalent des soupapes d’un moteur à essence) sont malmenées, tout comme le sont les soupapes d’un moteur à essence qui s’affolent souvent au-delà de 6000 cycles ou tours par minute avec un risque d’usure anormale.

Mais comme tous les organes du corps humain, le cœur est doué d’adaptabilité et la sienne est tout à fait remarquable.

On connaît bien l’adaptabilité à court terme du cœur. Tout un chacun en a fait l’expérience. Lorsque l’on a couru, que l’on a monté des escaliers rapidement ou que l’on a fait un autre effort physique inhabituellement important, le cœur s’accélère. Nous avons vu la formule permettant d’estimer la fréquence maximale théorique en fonction de l’âge. Cette accélération du cœur a pour but d’augmenter le débit cardiaque et donc le débit sanguin dans les organes concernés par l’effort, ici les muscles rouges striés ou squelettiques et les poumons : en augmentant sa fréquence, le ventricule gauche apporte plus de glucose et d’oxygène aux muscles et en même temps le ventricule droit apporte plus de sang à l’échangeur pulmonaire. Car le ventricule gauche et toutes les artères dites systémiques (aorte et l’ensemble de ses branches) qui représentent le secteur vasculaire à haute pression est naturellement toujours synchrone du ventricule droit qui lui appartient au secteur à basse pression ainsi que les artères pulmonaires, les veines pulmonaires et les veines dites systémiques (l’ensemble des veines du corps). Cette élévation du débit cardiaque est le phénomène majeur d’adaptation à un effort physique aigu et important.

Si cette adaptation du cœur à un effort physique à court terme est déjà remarquablement efficace, son adaptation dans la durée en cas d’efforts intenses et régulièrement répétés est tout aussi remarquable. Chez les personnes qui pratiquent de façon régulière et soutenue un sport demandant d’importants efforts physiques, le cœur se façonne de manière à pouvoir répondre efficacement aux besoins inhabituels qui se répètent. Et en fin de compte le fonctionnement du cœur au repos y gagne, ce qui constitue une amélioration de l’état de santé. En moyenne, les sportifs de haut niveau vivent sept ans de plus que les autres personnes vivant dans des conditions par ailleurs comparables. Mais nous faisons abstraction ici des dégâts que peut provoquer le sport de compétition sur les os, les cartilages, ménisques articulaires et disques intervertébraux, les nerfs et sans oublier le système nerveux central dont le cerveau les boxeurs…

Le cœur ne travaille pas de la même façon dans tous les sports de haut niveau et de ce fait il ne se façonne pas non plus de façon identique. On peut distinguer schématiquement le coureur de fond, le rameur d’aviron et le nageur.

C’est le coureur de fond qui est celui dont l’activité sportive est la plus proche de la vie courante : il est en position verticale, doit porter son corps, fait travailler presque tous ses muscles et n’a que l’air ambiant pour évaporer sa sueur. Le corps est soumis à rude épreuve, c’est une souffrance mais à laquelle on s’habitue assez bien. Le corps du rameur d’aviron travaille différemment : il est assis et n’a donc pas à supporter la totalité de son poids, il fait travailler beaucoup de muscles mais de façon fort inégale et moins variée ; sa respiration est ample et régulière, rythmée par les mouvements du corps qui ne sont pas d’une grande rapidité ; en outre, il bénéficie de la relative fraîcheur apportée par la masse d’eau, ce qui est appréciable quand on doit évacuer la chaleur produite par l’activité musculaire. Quant au nageur de compétition, il fait travailler son corps dans des conditions artificielles : le corps est non seulement toujours allongé, mais il est porté par l’eau ; sa sueur est éliminée au fur et à mesure qu’elle est produite ; sa respiration est ample, mais assez rapide et avec des phases d’apnée.

Comme on le voit, le corps travaille dans des conditions fort différentes selon les sports pratiqués. Le régime de pressions vasculaires (artérielles et veineuses) diffère dans chacun de ces trois sports. Le cœur s’habitue au type de sport. On observe en effet des différences sensibles sur le tracé électrocardiographique (ECG), à l’échographie ainsi qu’à l’échodoppler. Chez le nageur de compétition, le cœur s’adapte à la nage de compétition qui n’a pas grand-chose à voir avec la vie courante ; il en résulte que son cœur est moins bien adapté à la vie que celui du coureur de fond dont le cœur évolue d’une façon tout à fait favorable. Le cœur du rameur évolue encore différemment. Voilà l’explication des différences.

Toutefois, le cœur, s'il est un muscle, ne grossit pas. Comment, dès lors, améliore-t-il sa performance?

Le cœur est tout sauf un muscle strié banal. Son caractère involontaire et jamais au repos explique sa constitution très particulière (commande électrophysiologique assurée par le tissu nodal et résistance exceptionnelle). Chez les sportifs de compétition, on constate que le cœur se renforce de façon à être plus efficace en cas d’effort important. Les différentes modifications que l’on peut constater constituent ce qu’il est convenu d’appeler le « cœur d’athlète ». Contrairement aux biceps d’un haltérophile qui sont d’autant plus puissants qu’ils sont gros, le cœur du sportif de compétition grossit peu. Ceci est lié au fait qu’il est déjà optimisé par nature, que sa loge médiastinale (sa place entre les poumons) n’est pas très extensible et qu’une augmentation de son épaisseur (myocarde) nuirait à sa souplesse (car lorsqu’il se contracte pendant la systole, le cœur fait un petit mouvement hélicoïdal qui demande suffisamment de déformabilité). On constate toutefois une petite augmentation de l’épaisseur du myocarde ; mais elle est bien différente de l’augmentation d’épaisseur qui est observée en cas de maladie cardiaque chronique (hypertrophie cardiaque pathologique). Chez le sportif, l’augmentation d’épaisseur constatée est à la fois modérée, homogène, musculaire et associée à une augmentation du réseau vasculaire coronaire. Au contraire, au cours de l’hypertrophie cardiaque pathologique, l’augmentation d’épaisseur est importante, hétérogène au sein des différentes parties du cœur, fibreuse et sans augmentation du réseau coronaire.

Chez le sportif de haut niveau, les cavités sont légèrement dilatées, mais là encore de façon homogène. Il peut en résulter des perturbations bénignes de l’activité électrique du cœur, sans conséquence morbide. Au sujet des indicateurs de santé que l’on mesure couramment, le cœur d’athlète se caractérise par un pouls lent permanent et régulier (sinusal). C’est une bradycardie non morbide, adaptative, qui se situe souvent vers 50 battements par minute. Elle est l’expression du fait que le cœur est devenu plus efficient : avec 50 battements par minute au repos, il assure le même débit que celui qu’il assure chez les non sportifs ayant un pouls vers 60 à 65 par minute. Le cœur plus efficient se fatigue moins et peut donc mieux s’adapter en cas d’effort inhabituel. Parallèlement au pouls lent de repos, le cœur d’athlète se traduit par des chiffres de pression artérielle bas (au repos), ceci pour les mêmes raisons.

Les enregistrements fonctionnels du cœur d’athlète révèlent qu’il se remplit plus efficacement (plus rapidement et plus amplement) que le cœur du non sportif pendant la diastole ; qu’il se vide également (systole) plus vigoureusement.

En somme, le cœur d’athlète a un myocarde (muscle du cœur) un peu épaissi, mais uniquement avec un gain en bonnes cellules contractiles, efficaces (à la différence du gros cœur malade), des cavités un peu dilatées et un réseau vasculaire artériel et veineux (réseau coronaire) manifestement développé. L’ensemble de ces modifications anatomiques explique l’augmentation de son efficience et c’est un bénéfice incontestable pour tout le corps (y compris le cerveau).

Partant de ces conclusions, quels sports faut-il pratiquer pour avoir un cœur plus performant ? Et que faut-il au contraire éviter de lui faire subir?

Chaque sport a ses avantages et ses inconvénients. Si l’on considère uniquement l’aspect cardiaque, les sports d’endurance tels que la course de fond sont idéaux. Mais à la condition de s’échauffer, d’avoir des chaussures parfaitement adaptées et de bien doser les efforts et ainsi que leur progressivité. L’aviron et le cyclisme de longue distance sont eux aussi des sports d’endurance tout à fait bénéfiques pour le cœur.

Il y a un certain nombre d’erreurs à éviter pour le cœur. Les principales sont : commencer du sport d’endurance de haut niveau sans examen cardiologique approfondi ; ne pas respecter les contre-indications liées à une maladie cardiaque ; ne pas s’échauffer avant un effort intense ; effectuer des efforts violents par grand froid ou après un repas ; faire de gros efforts après avoir bu de l’alcool ; augmenter les efforts de façon non progressive ; continuer un tabagisme.

La Fédération française de cardiologie fournit des conseils clairs et simples.

Ce qu’il faut retenir : la sédentarité est néfaste pour notre corps ; notre cœur devient plus sain, plus efficace et se fatigue moins au repos lorsque l’on pratique une activité sportive d’endurance de façon régulière, ce qui est largement bénéfique ; le cœur est un organe merveilleux qui ne demande qu’à s’adapter et nous servir au mieux, mais il importe de le respecter, l’écouter et le ménager raisonnablement en fonction de notre âge et de notre état de santé.

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