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Guerre commerciale avec les Etats-Unis : pourquoi la stratégie d’Emmanuel Macron inquiète les autres capitales européennes
©JACQUES DEMARTHON / POOL / AFP

Docteur Folamour

La France s’oppose au lancement d'une négociation commerciale avec les États-Unis en raison de leur retrait de l’Accord de Paris sur le climat.

Iana Dreyer

Iana Dreyer

Iana Dreyer est Fondatrice de Borderlex.net, le site d'information leader sur la politique commerciale en Europe. 

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Atlantico : "Nous défendons une Europe exemplaire pour le climat. La France s’oppose au lancement d'une négociation commerciale avec les États-Unis qui se placent en dehors de l’Accord de Paris". Alors que les négociations étaient en cours depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron a refusé d'apporter son soutien au mandat qui sera délivré à la Commission pour négocier les termes d'un accord commercial avec les Etats-Unis. Quels sont les enjeux de cette négociation et de la position française ?  

Iana Dreyer : Il faut déjà noter que les conditions de départ de cette négociation n'étaient pas très bonnes. Il y a un désaccord sur les attentes des uns et des autres, entre les deux côtés de l'Atlantique, concernant les objectifs de cette négociation. Les Etats-Unis veulent un accord beaucoup plus ambitieux que les Européens, et la menace des droits de douane automobile plane toujours sur les européens, dont la décision dépend exclusivement du caprice de Donald Trump. L'administration, aux Etats Unis, n'est pas très favorable à ces droits de douane et la rumeur veut que le secrétaire d’Etat au commerce, Robert Lighthizer lui même, y soit également opposé. Tout dépendra de l'humeur du président Trump. Ce que les européens cherchent à faire, et j'ai pu parler à plusieurs capitales, est vraiment d'essayer de ne pas donner d'excuses ou de munitions à Donald Trump, de ne pas le provoquer pour éviter d’en arriver là. Tout le monde sait que, probablement, ces négociations ne vont pas aboutir à grand chose. Il s'agit surtout de continuer le processus qui avait été lancé en juillet dernier après la rencontre entre Donald Trump et Jean-Claude Juncker, c'est à dire de mettre en place un processus d'engagement structuré constructif et d'arriver à quelques accords.

C'est là ou la position française inquiète les autres capitales, parce que la position d'Emmanuel Macron donne à Donald Trump toute justification pour réagir, alors que l’objectif était de ne pas provoquer. Cela ne veut pas dire qu'elles sont prêtes à tout donner, parce que là, la France n'est pas seule dans son refus, notamment dans le domaine de l'agriculture. Plusieurs Etats membres n'ont pas plus envie que la France que l’agriculture soit incluse dans les négociations.

Atlantico : Certaines réactions aux propos d'Emmanuel Macron ont pointé une décision dictée par son agenda électoral national, plutôt que par l'intérêt européen. Cette vision de l'action de la France est-elle partagée en Europe ?

Iana Dreyer : Effectivement. Le reproche que je sens dans les autres capitales est déjà de donner une image de non- unité européenne, et alors là, les Etats-Unis s'en régalent. Cela n'aide pas. Et dans tous les cas, que l'on négocie ou pas, la position européenne s'en trouve affaiblie, l'image donnée n'est pas bonne. Cela est un peu malheureux de ce point de vue là, même si on peut comprendre la position de principe de ne pas vouloir être obligé de négocier sous le menace. C'est un vrai enjeu de débat.

Atlantico : L'opposition française à l'inclusion de l'agriculture dans les négociations peut-elle résister à la volonté allemande de protéger son secteur automobile ? Cette question est-elle exclue, ou est-elle simplement repoussée à une période post-électorale ?

Iana Dreyer : Cela fait de nombreuses années que je suis les relations transatlantiques et je ne pense pas qu'il puisse y avoir un aboutissement à cette négociation, en tout cas sur l'aspect des tarifs douaniers. Le deuxième mandat sur le "confirmity assessment" pourrait aboutir parce que cela est indépendant des grands désaccords de fond qui existent depuis des années.

Cela ne pourra sans doute pas aboutir parce que ce sont les mêmes thèmes de discussion que pour le TTIP qui était aussi une tentative de régler des problèmes qui préexistaient. L'Union européenne a toujours voulu, par exemple, avoir un meilleur accès aux marchés publics américains, ce qui n'a pas abouti au moment du TTIP. Et déjà à ce moment là, cela était une négociation entre marchés publics américains contre agriculture européenne. La question est donc toujours présente, et quand on est pas dans un contexte de confiance, de coopération et de bonne volonté des deux côtés, ce genre de questions ne peut être réglée.    

Atlantico : Quelles pourraient les conséquences de la décision française ?

Iana Dreyer : Si la décision française contribue à provoquer Donald Trump, pour aboutir sur des tarifs douaniers sur le secteur automobile, cela sera toxique pour l'Union européenne. Cela va sentir mauvais au niveau des relations franco-allemandes, et cela sera même plus large que cela, parce que pratiquement tout le monde est derrière une position qui veut que l'on donne des gages de sérieux, de crédibilité. Il s’agissait de donner l'impression à Donald Trump que les européens font des efforts de leur côté. C'est le discours que j'entends de la part des Autrichiens, des Néerlandais, des Polonais, ou encore des Suédois. Tout cela n'est pas très bon pour la position de la France à moyen terme dans l'Union européenne.

Cependant, il se peut que les européens accordent quand même ce mandat le lundi 15 avril, parce qu'ils peuvent procéder par un vote à la majorité qualifiée, la France se trouverait alors isolée. Les dernières informations montrent que les Européens veulent toujours arriver à une forme de consensus, il y a eu beaucoup d'amendements au texte du mandat pour essayer d’accommoder la position française sur le climat ou sur les réserves sur les importations de produits à forte intensité énergétique, ce qui est une façon de répondre à la question climatique. Des efforts ont été faits pour la France, donc si tout ce processus aboutit tout de même à des droits de douane, la position de la France sera fragilisée dans l'Union européenne. C'est clair.  

Atlantico : Comment expliquer que ces questions commerciales n'aboutissent pas à des remises en cause macro-économiques en Europe, alors que les origines de la discorde entre Etats-Unis et Europe se trouvent principalement dans les excédents commerciaux européens, et principalement allemands ?

Iana Dreyer : C'est effectivement étonnant. C'est un débat qui est très difficile en Allemagne. Cela commence à peine. Quelques think-tanks commencent à écrire en ce sens en montrant que le problème fondamental est là. Mais cela est aussi un problème de l'administration Trump parce qu'en fait l'administration Obama avait commencé à parler de cette question sous cet angle, cela était un dialogue macroéconomique, parce que cette question est macroéconomique et elle renvoie à la zone euro elle même, à sa gouvernance et au rôle de l'euro. Et effectivement, il y a ici un vide, ce qui est dommageable.

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