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Beyond Epica : le projet d’extraction de carottes glaciaires qui nous révélera un million et demi d’années d’histoire du climat... et ce qui nous attend demain
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La plus vieille glace du monde

Beyond Epica a annoncé mardi vouloir forer en Antarctique pour prélever un échantillon de glace susceptible de nous donner des informations cruciales sur le passé et l'avenir du climat.

Amaelle Landais

Amaelle Landais

Directrice de recherche au CNRS - Spécialiste de paléoclimatologie et de glaciologie au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement

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Atlantico : Quels sont les principaux objectifs du projet "Beyond Epica - Oldest Ice", projet qui voit collaborer en Antarctique des scientifiques de 10 pays européens ? 

Amaelle Landais : Le principal objectif du projet « Beyond EPICA – Oldest Ice » était de trouver l’endroit où forer en Antarctique pour remonter à la surface de la glace d’1.5 millions d’année. En Juin 2019 commencera le projet « Beyond EPICA – Oldes Ice Core » dont l’objectif est de remonter cette carotte de glace qui couvrira l’histoire climatique et environnementale des derniers 1.5 millions d’années.

Nous savons déjà que le climat a varié pendant cette période de temps, oscillant entre période chaude interglaciaire (comme la nôtre) et période froide glaciaire (comme il y a 20 000 ans, la température moyenne annuelle étant d’environ 5°C plus froid que l’actuelle à cette époque et d’énormes calottes de glace couvraient le Canada et la Scandinavie). L’alternance entre périodes interglaciaire et glaciaire s’est fortement ralentie entre 1.2 million d’années et 700 000 ans avant aujourd’hui passant d’une périodicité de 40 000 ans (c’est-à-dire occurrence d’un interglaciaire durant de 10 000 à 20 000 tous les 40 000 ans) à 100 000 ans (c’est-à-dire occurrence d’un interglaciaire durant de 10 000 à 20 000 tous les 100 000 ans). La cause de ce changement de périodicité est encore inconnue. Un des responsables pourrait être la diminution progressive de la concentration en gaz à effet de serre (notamment le dioxyde de carbone). Les carottes de glace sont les seules archives climatiques permettant d’enregistrer ces variations de gaz à effet de serre, l’enregistrement le plus ancien obtenu actuellement couvrant « seulement » les derniers 800 000 ans (carotte obtenue dans le cadre du projet européen EPICA d’où le nom du projet actuel).

En résumé, le but ultime de ce projet de recherche est de comprendre l’origine de l’alternance des périodes glaciaires et interglaciaires.

Grâce à de nombreuses mesures radar et études de modélisation de l’écoulement de la glace, le projet Beyond EPICA – Oldest Ice a permis de localiser l’endroit où forer. Maintenant, il s’agit de forer cette carotte de glace qui fera près de 3 km en tout et de l’analyser pour en extraire le maximum d’informations climatiques et environnementales.

Quels sont les indices qui permettent de savoir si le climat était plus ou moins chaud, une fois une de ces carottes extraite ?

Beaucoup d’indices permettent de reconstruire la température du passé sur une carotte de glace. Le plus simple à mettre en œuvre et le plus direct est la mesure de la composition isotopique de l’eau, c’est-à-dire le rapport entre nombre de molécules d’eau lourde et molécules d’eau légère dans les échantillons de glace. Plus ce rapport est faible, plus la température était basse au moment où la neige maintenant archivée dans la carotte de glace est tombée.

On parle de glace contenant de l'air datant d'il y a 1,5 millions d'années. A-t-on des indices aussi anciens sur l'état du climat dans un si lointain passé ? S'agit-il d'une terra incognita, ou ces nouvelles découvertes pourront-elles être croisées avec d'autres indices déjà découverts ?

Ce n’est pas une terre inconnue. Les sédiments marins remontés du fond de l’océan permettent déjà de décrire les grandes variations climatiques du passé sur plusieurs millions d’années. Ils sont une source primordiale d’information à croiser avec la nouvelle archive qui sera obtenue dans le cadre de ce projet. La valeur ajoutée des carottes de glace est qu’elles permettent d’isoler l’atmosphère du passé dans les bulles d’air piégé dans la glace et donc de reconstruire les concentrations de gaz à effet de serre. De plus, la datation des carottes de glace est souvent plus précises que la datation des sédiments marins et la résolution temporelle est plus importante.  

On parle d'une aventure scientifique devant durer jusqu'en 2021. Pourquoi le projet prend-il tant de temps ?

Le projet dure jusqu’en 2025. Le forage d’une carotte de glace est très long. En effet, la carotte sera forée sur le plateau Est Antarctique, à des températures moyennes de -55°C. La logistique extrême à mettre en œuvre dans cette région fait que le forage n’est possible que l’été austral (les pièces électroniques et mécaniques ne tiennent pas en-dessous de -40°C et aucun acheminement n’est possible en hiver). Il faudra donc plusieurs étés de suite (au minimum 4) pour forer les 3 km qui séparent la surface de la calotte du socle rocheux. La glace la plus importante à analyser, la plus vieille, est au fond de la calotte, près du socle rocheux. Il faudra donc attendre la fin du forage pour pouvoir faire les analyses les plus importantes, celles qui dévoileront les variations climatiques et de concentration en gaz à effet de serre sur la période couvrant de 1.5 millions d’années à 800 000 ans avant aujourd’hui.

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