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La stratégie du chaos d’Emmanuel Macron, le Brexit et le risque de faillite italienne
©OLIVIER HOSLET / POOL / AFP

Brexit issue

Theresa May a obtenu un nouveau sursis pour faire passer un accord sur le Brexit. Ce délai va conduire à la tenue d'élections européennes en Grande-Bretagne et annonce le chaos.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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La stratégie du chaos d’Emmanuel Macron, le Brexit et le risque de faillite italienne

Ce sera donc, jusqu’à nouveau sommet, le 31 octobre. Theresa May obtient un sursis pour faire passer un accord sur le Brexit mais le délai n’a pas été aussi long que ce que souhaitait l’Allemagne, si l’on en croit les récits faits par les médias qui fréquentent les couloirs bruxellois, car le président français avait une position dure qui, paradoxalement, rejoignait la demande de Theresa May: pas de délai au-delà du 30 juin.  

En fait, quand l’on regarde bien, le délai est absurde. Les communiqués expliquent qu’à moins de sortir dans les prochaines semaines la Grande-Bretagne devra organiser des élections européennes. Or la seule organisation de ces élections européennes risque de casser en deux le parti conservateur britannique et de faire entrer au parlement européen des députés de UKIP en nombre important - ou de toute force politique recréée par Nigel Farage. Emmanuel Macron dit vouloir éviter cela à tout prix. C’est donc qu’il est prêt à un no deal. Tout ce qui a transpiré, ces derniers jours, donne à penser que le président français continue à jouer la politique du pire. C’est ce qu’il a fait tout au long des négociations du Brexit depuis qu’il a été élu, en ne cessant de répéter, en termes à peine dissimulés, qu’il s’agissait de punir la Grande-Bretagne. Et c’est ce qu’il continue à faire: il y aurait eu une position française consistant à demander aux partenaires européens de négocier, enfin, sur le backstop, pour permettre au compromis de Malthouse ou à l’amendement Brady d’être inclus dans l’accord final avec la Grande-Bretagne, aider Theresa May à sauver la face et produire une sortie par le haut. C’est la solution que réclamait Annegret Kramp-Karrenbauer et que Madame Merkel, que l’on surestime, n’a pas eu le courage d’imposer au président français car elle n’aime pas imposer elle-même un rapport de forces. Elle s’en remet toujours à d’autres qui, là, se sont tus. 

Mais non, Emmanuel Macron se comporte toujours de la même façon, qu’il s’agisse de se pousser à la présidence de la République en cassant le PS et LR ou de négocier le Brexit. On remarque chez lui une capacité peu ordinaire à détruire sans se préoccuper de ce qui suivra. En France, cette stratégie a semblé lui réussir, jusqu’à ce que la crise des Gilets Jaunes surgisse du vide laissé par la destruction systématique des partis politiques et des corps intermédiaires encouragée par le Président. A l’échelle européenne, cela pourrait avoir des conséquences encore beaucoup terribles encore. Les marchés britanniques sont restés clames jusqu’à présent mais comment vont-ils réagir à la probable confusion britannique qui s’installe? La zone euro et l’Union Européenne sont au bord de la récession. Peuvent-elles se permettre le moindre trou d’air commercial, monétaire, financier? Je veux bien que les adeptes de la ruse de la raison historique me répliquent qu’en fait le Brexit n’aura pas lieu. Mais c’est bien mal connaître l’histoire britannique de croire que cela pourrait se passer sans déstabiliser profondément la Grande-Bretagne. Celle-ci n’aurait, dans ce cas, pas d’autre choix que de réimporter en Europe son malaise politique. Les dirigeants européens ne voient pas qu’à force de donner l’impression qu’une sortie de l’UE est très difficile, voire impossible, ils déclenchent un phénomène de “cocotte minute” en Europe. C’est l’UE, c’est la zone euro qui vont entrer en turbulence faute d’avoir laissé sortir la Grande-Bretagne à temps et dans de bonnes conditions. Or, le sentiment que la question de la dette italienne devient insoluble se répand par ailleurs. Et toute turbulence dans les relations financières entre la City et le continent ne fera que la rendre plus probable. 

Hier, je suggérais que les dirigeants britanniques avaient largement contribué à ce qui leur arrive. Cela n’empêche pas, au lendemain du Conseil européen, de souligner que l’UE ne fait pas preuve de plus de maturité, loin de là. On est très loin de la rationalité économique ou politique. Et dans tout ce concert d’irrationalité, la palme va au président français. Sa stratégie du chaos, qui est visiblement sa seule méthode politique, en rendant le Brexit encore plus difficile, dans une situation par ailleurs explosive pour la dette italienne reviendra comme un boomerang sur notre pays: le peu de pouvoir d’achat accordé le 10 décembre 2018 pourrait être balayé par une nouvelle crise européenne. Il va falloir se préparer à bien des secousses. 

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