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« La dégringolade européenne et comment l’éviter » : le livre à méditer avant les élections
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Vu d’Outre-Manche

Pour Giles Merritt, auteur de "La dégringolade européenne et comment l'éviter" publié aux éditions Marie B, la déliquescence de l'Europe n'est pas encore inévitable, mais le temps presse. Entretien.

Giles Merritt

Giles Merritt

Giles Merritt est un ancien journaliste du Financial Times et le fondateur de l'association Friends of Europe.

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Atlantico : Dans votre livre, "La dégringolade européenne et comment l'éviter" publié aux éditions Marie B, vous faites l'analyse suivante : l'Europe a perdu de son influence en abandonnant ses monopoles au fil de l'histoire. Qu'est-ce qui vous amène à faire ce constat ?

Gilles Merritt : J'avais lu un article d'Alain Frachon dans lequel il parlait de monopoles européens et je n'étais pas tout à fait à d'accord. En effet, on ne peut pas vraiment dire que l'Europe avait des monopoles. Il faudrait plutôt parler d'avantages. Ce que j'essaye de dire dans ce livre c'est que dernièrement nous avons perdu beaucoup de ces avantages. 

En outre, l'Europe a aujourd'hui de gros problèmes structurels. C'est-à-dire qu'à l'heure actuelle nous nous retrouvons confronté à d'important problèmes démographiques notamment le vieillissement de la population, des problèmes de productivité, des problèmes de compétitivité... Or, si nous devons faire face à tous ces différents problèmes, nous avons toujours tendance, malgré tout, à considérer que rien n'a changé. Ce qui est inquiétant d'autant plus que l'Europe se trouve actuellement confrontée à la montée en puissance des pays asiatiques -la Chine évidemment mais aussi bientôt l'Inde- et ne semble toujours pas avoir compris que le 21ème siècle sera bien différent du 20ème siècle. Et ceci est le constat du livre. Je ne dis pas que c'est perdu d'avance mais qu'il faut s'en rendre compte et faire face à ces défis. 

Le monopole du pouvoir politique et militaire fait l'objet d'un traitement particulier dans votre ouvrage. Vous dites notamment que l'Europe, en partageant son pouvoir avec les Etats-Unis, a cédé du terrain...Est-ce le seul phénomène qui explique cette dégringolade de l'influence militaire et politique de l'Europe dans le monde ? Notre incapacité à imposer nos normes artistiques, juridiques, politiques, technologiques joue-t-elle un rôle dans cet effacement ? 

Intéressons-nous d'abord à la question de la défense et de la sécurité. Personnellement, je ne partage pas vraiment l'opinion répandue selon laquelle nous serions mauvais élèves en matière de défense. Il y a actuellement une tendance qui consiste à dire que nous avons laissé aux Américains le rôle de leader de l'Otan et d'autres organisations centrales. Pour ma part, je n'y adhère guère. Je pense que notre réel problème est d'avoir mal compris quels sont nos défis sécuritaires. A mes yeux, les risques sécuritaires ne viennent pas de la Russie mais davantage du sud. Et si les Français semblent l'avoir compris, les européens du Nord s'obstinent à rester le yeux rivés sur la Russie. Ils n'ont pas changer de regard sur ce pays depuis la Guerre Froide. 

Or, là n'est pas le problème. L'Europe doit se réveiller, et doit accorder bien plus d'importance à son rôle de gendarme de l'Afrique du nord notamment en raisons des pressions migratoires et de la forte croissance de la population africaine et arabe qui devraient doubler dans 30 à 40 prochaines années. Ce doublement de la population est une pression énorme qui risque de créer bien des problèmes migratoires. 

A mon avis les européens feraient bien de s'en rendre compte. La Russie n'est pas une réelle menace mais l'arrivée massive de migrants en est une. Bien sûr que l'on peut en accueillir un certain nombre mais on doit avant tout s'assurer qu'ils seront à même de s'adapter à nos sociétés et qu'ils seront suffisamment formés pour se joindre à notre main d'oeuvre. Une main d'oeuvre dont nous avons besoin à vue de nos taux de natalité très faibles. 

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je trouve que sur le plan culturel nous avons su garder une grande avance. Bien entendu la concurrence américain -Hollywood notamment- est rude mais je constate que sur le plan artistique -bien plus que sur la culture de masse- l'Europe a toujours beaucoup d'avance et joue encore un rôle primordiale pour les sociétés en voie de développement.

En ce qui concerne les autres domaines que vous mentionnez, là il est certain que nous avons un problème. Nous subissons d'ores et déjà de fortes pressions en provenance de pays tels que le Brésil, la Chine, l'Inde ou encore la Russie qui voudraient que nous adaptions les règles qui ont été créées à la fin de la deuxième guerre mondiale (les accords de Bretton Woods, le FMI, le règlement des banques, les échanges..). Or, il me semble que l'Europe pourrait jouer un rôle très important si nous étions un peu plus fermes avec les américains. D'autant plus que nous avons beaucoup d'expérience au sein de l'UE sur la manière de trouver des compromis. Une expérience qu'il faudrait mettre en oeuvre dans nos rapports avec les Etats-Unis. Nous avons été trop dociles, il faut à présent ouvrir un nouveau chapitre.

Comment peut-on donc "sauver l'Europe" de ce lent effacement dans les relations mondiales ? 

Sauver l'Europe dans la conjoncture actuelle semble assez difficile davantage encore depuis que Donald Trump est à la tête des Etats-Unis. Mais, il ne sera pas président éternellement. De fait, ce qu'il faut faire c'est établir un nouveau mécanisme au sein duquel les pays industrialisés parleraient davantage avec les nouveaux géants. Le G20 n'est pas très adapté mais pourrait peut-être servir de base à de nouveaux rapports avec la Chine et l'Inde. Nous devrions notamment aborder la question des défis auxquels nous faisons face ( le réchauffement climatique, l'explosion démographique dans les pays pauvres..). Face à ces grandes questions et à leurs impacts les Européens doivent préparer le terrain d'un nouveau dialogue avec le président américain qui succédera à Trump.

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