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Ce que Donald Trump et le secrétaire général de l’OTAN auraient à retenir des leçons de la guerre froide
©Reuters

Plaine, ma plaine

Deux jours avant les 70 ans de l'OTAN Donald Trump recevait Jens Stoltenberg à la Maison Blanche, pour évoquer notamment les questions des dépenses militaires allemandes, mais également le dossier Russe.

Mathieu Boulègue

Mathieu Boulègue

Mathieu Boulègue est associé au cabinet de conseil Aesma. Spécialiste du monde eurasien, il a co-écrit L'Ukraine : entre déchirements et recompositions (L'Harmattan, 2015)

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Atlantico: Comment évaluer les enjeux de la question des dépenses militaires des membres de l'OTAN, et plus particulièrement pour l'Allemagne, dans un contexte de tensions avec la Russie ?

Mathieu Boulègue : Les 2% sont plus une obsession trumpienne vis à vis du partage des tâches et du fardeau Otanien qu’à propos de la Russie. Donald Trump a une attitude vis à vis de Poutine et de la Russie qui est beaucoup plus conciliante que la ligne de base de l’OTAN. L’approche de Trump sur la question des 2% est beaucoup plus une approche “business” transactionnelle interne entre les membres de l’OTAN, ce qui n’est pas le cas d’autres alliés.  C’est le message qu’il faut retenir aujourd’hui, les désagréments internes sont plus le résultat des positions de Donald Trump que des divergences de point de vue à l’égard de la Russie. Cette question des 2% est interne à l’OTAN , et Donald Trump part du principe que les efforts doivent être réalisés à hauteur des capacités de chacun.

Tout le débat actuel sur la question de la cohérence des capacités OTAN porte sur la question de savoir s’il s’agit d’une logique économique ou d’une logique capacitaire, auquel cas, cela doit se faire selon les avantages comparatifs de chaque membre. On ne peut pas demander à l’Allemagne d’avoir le même effort capacitaire que la France ou les Etats-Unis pour des raisons historiques, économiques et pour des questions de placement de chacun des Etats en termes d’opérations interalliées. L’Allemagne est aujourd’hui un atout extrêmement puissant en matière de stabilisation, de reconstruction et de coordination interallié là ou les Etats-Unis ont une logique de fer de lance.    

Kay Bailey Hutchison, ambassadeur américain auprès de l'OTAN a déclaré : "Nous cherchons le moyen d'en faire plus dans la région de la mer noire", tout en précisant que les membres de l'OTAN discuteront des enjeux relatifs à la chute du traité INF (sur les forces nucléaires à portée intermédiaire). Quels sont les enjeux de cette réunion concernant la Russie ?

L’angle d’attaque de l’OTAN vis à vis de la Russie est défini par ce qui est appelé les trois D. (Défense, dissuasion, et dialogue). Dans cette logique, la part belle est faite aux deux premiers blocs, défense et dissuasion-  vus évidemment de façon négative par la Russie - alors que le troisième bloc, le dialogue, est extrêmement compliqué à mettre en place parce que le dialogue actuel avec la Russie a été relativement coupé et contraint par les événements de 2014. C’est une espèce de destruction progressive des lignes de dialogue et de communication que l’on a entre l’Occident et la Russie. Le problème aujourd'hui que l’on fait l’inverse de ce que nous faisions pendant la guerre froide. Plutôt que d’intensifier le dialogue avec la Russie et de rouvrir le maximum de lignes de communications, nous les avons toutes fermées. Pendant la guerre froide, pendant les crises les plus graves, le dialogue était à son maximum, le téléphone n’a jamais arrêté de sonner, et des adultes responsables étaient des deux côtés de la ligne. Aujourd’hui, à l’inverse, nous sommes dans une crise qui est quand même sérieuse, mais les deux parties ne se parlent plus, et lorsqu’ils se parlent, ce ne sont pas forcément des personnes responsables qui sont au bout de la ligne, des deux côtés.

Le problème est que la construction de la menace entre la Russie et OTAN permet de justifier un certain nombre de comportements en politique étrangère. Pour la Russie, cela permet de justifier une ligne politique de “Make Russia Great Again”, finalement, en se justifiant par un ennemi existentiel, alors que du point de vue de l’OTAN, cela justifie des budgets de dépenses et la présence continue de l’Alliance, sur le terrain européen notamment. C’est un cercle vertueux auto-entretenu parce que la perception de la menace s’est construite comme cela. Le dialogue serait ici primordial, mais le problème est que dans les faits, l’OTAN défend et dissuade plus qu’elle ne dialogue. Il est beaucoup plus difficile de dialoguer avec Moscou que d’accroître les capacités de tel ou tel pays.  Le problème est un problème de cohérence interne. Parmi les 29 membres, il existe 29 conceptions différentes de la place de la Russie dans le système, et donc 29 perceptions du “challenge” russe, selon la terminologie employée. La politique intérieure italienne n’est pas du tout la même que la politique intérieure britannique à l’égard de la Russie. A cela s’ajoute un problème de cohérence interne vis à vis de nos alliés, notamment la Turquie avec la vente des antimissiles russes S400.

L’OTAN veut en faire plus dans la mer noire, mais la question est de savoir comment convaincre la Turquie et la Bulgarie d’en faire plus, quand depuis le sommet de Varsovie, en 2016,  ces deux pays ont bien montré qu’une augmentation des capacités OTAN dans la mer noire n’était pas quelque chose qui les arrangaient. Le flanc est de la mer noire, où il faut faire quelque chose parce en comparaison des autres flancs, est délaissé. Mais pour cela, il faut être crédible. Dans un tel contexte, la question reste donc de savoir comment dialoguer avec la Russie alors que celle-ci ne veut plus dialoguer non plus. Et si le dialogue prend, il faut savoir à combien.

La perception que l’on a d’une Russie menaçante renforce les insécurités que l’on a de l’OTAN ou de l’Europe et de la place des Etats-Unis dans le système.

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