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Et François Hollande et Nicolas Sarkozy réapparurent : mais au fait, qui du PS ou des LR s’en sort le mieux dans le nouveau monde
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Petite finale

Alors que Nicolas Sarkozy était aux côtés d'Emmanuel Macron sur le plateau des Glières hier, une interview de François Hollande était publiée dans le Parisien.

Samuel Pruvot

Samuel Pruvot

Diplômé de l’IEP Paris, rédacteur en chef au magazine Famille Chrétienne, Samuel Pruvot a publié "2017, Les candidats à confesse", aux éditions du Rocher. 

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Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Atlantico  : Face à LREM et aux Gilets Jaunes qui séduisent une partie de leur électorat, Les Républicains qui avaient été quelques peu absents au début de la crise des Gilets Jaunes sont revenus sur le devant de la scène avec une stratégie identitaire. Celle-ci peut-elle leur permettre de séduire davantage et de reprendre du terrain sur LREM ?

Frédéric Mas : Les Républicains semblent encore avoir du mal à se remettre du choc de l’élection présidentielle, et partent aux élections européennes sur la défensive plus qu’en position de reconquête. En choisissant FX Bellamy comme tête de liste, le centre-droit rassure la fraction la plus conservatrice de son électorat au détriment des segments plus populaire et plus centriste. C’est la fraction politique la plus fidèle au sein de sa coalition électorale, et par conséquent la moins susceptible de suivre Marine Le Pen ou Emmanuel Macron.

Face aux Gilets jaunes, la droite joue aujourd’hui la partition conservatrice, après avoir espéré voir dans le mouvement une jacquerie anti-fiscale et anti-macron. Hier, Laurent Wauquiez portait un gilet jaune, aujourd’hui, LR joue la carte de l’autorité : on pense par exemple à la proposition de loi du député Arnaud Viala, qui vise à suspendre le RSA pour les personnes impliquées dans les dégradations des Gilets jaunes.

LR semble avoir totalement abandonné, du moins face à l’échéance européenne, l’idée de reprendre du terrain face à LREM. Ils semblent plus soucieux de reconquérir l’électorat qui est aujourd’hui séduit par le national-populisme du Rassemblement national. Sa défense de l’identité nationale, son discours sécuritaire et son peu de réaction face aux atteintes aux libertés publiques (loi anti-fake news, taxe sur les GAFA) laisse à la formation présidentielle le monopole du discours réformiste, ou du moins ce qu’il en reste.

Samuel Pruvot : Reprendre du terrain sur LREM, cela n’est pas certain. Le travail de François-Xavier Bellamy me fait penser à celui d’un cultivateur. Il sème dans l’espoir d’une moisson abondante. Mais la moisson ne sera pas immédiate comme s’il suffisait de tirer sur les épis. Bellamy sème aujourd’hui son blé d’hiver. Contrairement au PS qui semble totalement dépourvu face aux mutations dramatiques du continent, le logiciel de Bellamy semble plus adapté au nouveau climat européen. Face notamment aux migrants ou à la quête d’identité. Cette stratégie que vous qualifiez d’identitaire est peut-être tout simplement une stratégie de survie. Elle peut trouver un écho dans l’inconscient de bon nombre de Français. Chez tous ceux qui s’effraient du déclassement de la France et qui redoutent le syndrome de la Grèce. On ne passe pas de Périclès à Tsipras sans broncher.

Dans une interview publiée ce dimanche dans Le Parisien François Hollande déclare que face à la marginalisation de l'extrême gauche et l'attente de justice mise-en-lumière par la crise des Gilets Jaunes, une reconquète des électeurs de la gauche est possible. Alors que le PS a été très largement absent de la crise des Gilets Jaunes et qu'il fait lsite commune avec Place Publique pour les élections européenne, une telle pensée est-elle réaliste ? 

Frédéric Mas : Pour tenter de survivre après sa déconfiture historique à l’élection présidentielle, le Parti socialiste, tout comme LR, se cherche et tente de sauver les meubles en s’adressant à son cœur électoral, à savoir la petite bourgeoisie progressiste des centres-villes. L’alliance du PS avec Place publique a quelque chose de surréaliste, qui en dit beaucoup sur la coupure des élites du parti avec le reste du pays. Voilà que l’une des formations les plus importantes du pays en termes d’élus, qui jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron, occupait le devant de la scène dans le jeu électoral, accepte de partager l’affiche avec un groupuscule de formation récente dont la notoriété, bâtie à force de happenings calibrés pour les médias, ne dépasse pourtant pas certains arrondissements de Paris.

Le recentrage socialiste sur les centres-villes, au détriment des périphéries -et donc de la France des ronds-points- se ressent d’ailleurs dans leur discours aux Européennes : il joue à la fois sur la peur de la mondialisation économique jugée « sauvage » et la nécessité de la « justice climatique », c’est-à-dire la demande de règlementation écologique. On a un peu l’impression que les socialistes cherchent à transposer le programme électoral d’Anne Hidalgo à l’ensemble de la France, ce qui veut dire aussi qu’on est assez loin de la France qui prend la voiture, souffre de la pression fiscale ou de la disparition des services publics. 

Malheureusement, la partition progressiste dans le domaine sociétal et protectionniste dans le domaine économique est aussi celle de LREM, à quelques variantes près. Contrairement à la droite, qui peut vivoter grâce à la niche « conservatrice » entre populisme et centrisme autoritaire macronien, le PS est donc encore plus inaudible. Comme LR, le PS se replie aussi sur ses fondamentaux parce qu’il ne sait pas quel bénéfice électoral il peut tirer des Gilets jaunes. Comme l’a observé fort justement Denis Maillard dans un essai récent, ce mouvement social se caractérise essentiellement par son rejet de la représentativité, ce qui le rend stricto sensu irrécupérable pour les formations politiques classiques.

Croire comme François Hollande qu’il n’exprime qu’un désir de « justice sociale », c’est, comme disent les anglo-américains, faire du « cherry picking » politique, c’est-à-dire choisir les faits qui nous arrangent pour les coller à nos désirs idéologiques. Les Gilets jaunes expriment beaucoup de choses contradictoires, une sorte de malaise social diffus que le Grand Débat national peine à verbaliser réellement.

Samuel Pruvot : Le réalisme consiste à rester modeste... Un PS à hauteur de 6% à la veille des élections européennes ressemble à un nain. Il y a quelques années c’était un géant qui se promenait dans les allées du pouvoir. Si je vous dis que François Hollande sera capable de reconquérir demain le terrain perdu hier par la gauche, vous allez croire à un poisson d’avril… Et vous aurez raison !

François Hollande connaît l’état de santé déplorable de sa formation politique.  Ses amis aussi. « La question centrale est de savoir s’il va arriver au socialisme ce qui est arrivé au communisme il y a 30 ans » avoue Bernard Poignant. Ce très proche de François Hollande – il a déjeuné avec lui il y a quelques jours – a conscience du poids de l’Histoire. « Le PS, c’est une longue histoire qui a commencé il y a 150 ans en Allemagne et plus d’un siècle en France. Mais cette histoire peut-elle encore continuer ? » Cette angoisse, Hollande la partage en creux. Le socialisme peut-il avoir un avenir en France ? Partout en Europe il semble reculer, des Pays bas à la Grèce. François Hollande publie les jours prochains en poche son best-seller « Les leçons du pouvoir ». Il ajoute trois nouveaux chapitres à propos d’une « autre voie »… Bernard Poignant lui a fait part de son désarroi : « Tu sais François, il n’y a plus d’électorat socialiste, il y a un orphelinat socialiste ! »

Dans cette même interview, l'ancien président se montre alarmiste déclarant que "l'extrême droite arrivera un jour au pouvoir en France". Alors que le RN est toujours en tête des intentions de vote pour les élections européennes, PS et LR ont-ils réellement une chance de s'imposer d'autant que LREM malgré les critiques semble très largement parti pour arriver en tête ? 

Frédéric Mas : Premièrement, j’avoue être sidéré d’entendre François Hollande se présenter comme une sorte de spectateur impartial et bienveillant nous mettant en garde contre la montée de l’extrême-droite. En tant que membre de longue date du PS, membre de ses instances dirigeantes, puis chef de la formation politique social-démocrate puis Président de la République, il a pleinement participé à la très ambivalente stratégie héritée des années Mitterrand visant à jouer l’extrême-droite contre le centre-droit, le tout pour se présenter comme le seul rempart démocratique contre le fascisme. Ce chantage à l’extrême-droite a permis de présenter pendant des années l’immobilisme économique et politique le plus mortifère comme la solution électorale la plus acceptable pour éviter le chaos. François Hollande a été un acteur majeur de la dégradation du débat public contemporain est fait plus partie du problème que de la solution.

C’est ce que fait aujourd’hui LREM, mais c’était aussi le discours du gouvernement Hollande : nous ne faisons rien de bien ambitieux, mais de toute façon, l’autre alternative, c’est Marine Le Pen. François Hollande va même dans son entretien jusqu’à se vanter de ses reculades successives, et suggère à Macron d’en faire autant sur l’ISF. Si Philippe Muray était encore parmi nous, il aurait pu en faire un portrait à la fois grinçant et désopilant.

LR et le PS sont encore traumatisés par l’élection présidentielle, et vont aux Européennes sur la défensive, se repliant chacun sur leur cœur de cible électoral. En d’autres termes, ils partent perdants à des élections qu’ils ne semblent pas vouloir investir totalement. Anticipent-ils déjà le peu de participation électorale ? Pensent-ils déjà aux élections d’après ? Peu importe, car quelle que soit la configuration, LREM garde la main. Malgré l’amateurisme de la liste Loiseau, la formation présidentielle apparaît comme la plus conforme à ce qu’on attend d’un scrutin européen, c’est-à-dire dont les thématiques dépassent les enjeux strictement nationaux. Emmanuel Macron a choisi d’incarner le projet européen, ce qui déplace le clivage droite/gauche vers celui européen/souverainiste, assurant aussi au Rassemblement national une visibilité accrue, là où le PS et LR restent moins visibles.

Samuel Pruvot : Le PS et LR semblent condamnés à jouer en seconde division. Parce que le paysage politique français a été bouleversé. Pour prendre une image géographique, les sommets alpins qui étaient détenus par le socialisme et droite classique sont devenus en quelques années de modestes collines. Cet arasement est aussi réel qu’humiliant. Ils se traduit dans les intentions de vote aux européennes. LR ne sont-ils pas crédités de 14% ?

La recomposition politique a pris la forme d’une « archipelisation ». Je fais mienne l’analyse de Jérôme Fourquet dans son dernier essai (L’archipel français Seuil). « Le paysage politique a implosé avec la culture française. L’ordre ancien était fondé sur l’affrontement entre la France catholique et la France laïque. Ce combat est terminé. » Résultat, la France n’est plus un corps électoral homogène avec deux poumons : la droite et la gauche. La France est en miettes. Ou plutôt composée de plusieurs archipels.

Le PS et LR apparaissent comme des forces politiques marginales. Elles sont rétrogradées en 3e ou 4e position comme jadis l’UDF ou le Modem. Des forces d’appoint qui n’ont plus de place à la table des vainqueurs. LREM a beau être une pyramide qui repose sur la pointe, à savoir le charisme d’Emmanuel Macron, elle tient bon. Car Macron a suscité un vaste bloc central qui attire désormais à lui de Raffarin à Valls en passant par Cohn Bendit.

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