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Non, l’ascenseur social n’est pas en panne mais voilà pourquoi ceux qui en bénéficient restent souvent insatisfaits
©Reuters

Sinon il y a aussi l'escalier

L'image de l’ascenseur social en panne est fortement ancrée dans les esprits en France. Pourtant, la réalité est plus nuancée.

Olivier Galland

Olivier Galland

Olivier Galland est sociologue et directeur de recherche au CNRS. Il est spécialiste des questions sur la jeunesse.

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Atlantico : Le 8 mars dernier, vous publiiez un texte intitulé "Non, l’ascenseur social n'est pas en panne" sur le site académique Telos. Au travers de votre constat, comment expliquez-vous la "panne" de l’ascenseur social perçue par un grand nombre de Français ? 

Olivier Galland: C'est un fait que sur beaucoup de sujets économiques et sociaux, les perceptions des Français sont très éloignées de ce que disent les indicateurs statistiques. Les Français sont traditionnellement très pessimistes, c'est un trait culturel qui ne se dément pas. Cependant, plusieurs éléments objectifs peuvent alimenter leur pessimisme. Le plus important sans doute est le fait que le risque de déclassement social s'est étendu à des catégories qui en étaient préservées autrefois. Ce risque est alimenté par deux phénomènes : la précarité professionnelle et l'instabilité familiale. La précarité professionnelle est loin de toucher massivement le coeur du salariat (80 à 90% des salariés d'âge intermédiaire sont en CDI), mais elle se développe à ses franges et concerne notamment les jeunes. L'instabilité familiale par contre est un phénomène massif avec la montée de la divortialité. Les risques de combiner précarité professionnelle est isolement social, du fait d'une rupture familiale, se sont donc accrus. L'idée qui s'est imposée que plus personne n'est à l'abri d'un déclassement brutal, n'est donc pas totalement fausse, même si l'Europe est loin de connaître la situation des Etats-Unis où cette réalité est beaucoup plus largement répandue. 

Des dépenses contraintes, notamment immobilières, en passant par la crise de 2008, ou encore d'autres facteurs, quels sont les facteurs conjoncturels qui peuvent expliquer ce décalage entre réalité et perception ? 

La crise de 2008 a introduit une rupture inédite dans la progression du niveau de vie et cette stagnation a duré dix ans. Par ailleurs, effectivement, la part des dépenses contraintes (loyer, remboursements de prêts, abonnements, etc..) dans le budget des ménages, et notamment des ménages aux revenus modestes, s'est accrue. Les ménages aux revenus modestes ont donc eu le sentiment que non seulement les perspectives d'amélioration étaient bouchées mais qu'en plus leur liberté de choix dans l'organisation de leur vie se restreignait. Les diverses hausses de taxes et l'augmentation de la CSG pour une partie des ménages ont été, dans ce contexte, un élément déclencheur du mouvement de révolte. 

Si niveau de vie et mobilité sociale sont deux notions différentes, doit-en conclure que la perception de la mobilité sociale à sa juste mesure passe par une élévation concomitante des niveaux de vie ? 

Elévation du niveau de vie et mobilité sociale sont deux notions différentes. Il peut très bien se produire, en théorie, que le niveau de vie moyen s'élève sans qu'il y ait de mobilité sociale, si cette élévation provient d'une hausse proportionnelle du niveau de vie pour toutes les catégories sociales sans que la structure se modifie. Dans la réalité ce n'est pas ce qui s'est passé. Et, depuis la fin de la seconde guerre mondiale le niveau de vie moyen des Français a progressé de façon considérable. Le pays s'est globalement enrichi et la structure sociale s'est déformée vers le haut (plus de cadres moyens et supérieurs, moins d'ouvriers). Cette élévation du niveau de vie a profité à toutes les catégories sociales. Les conditions de vie d'un ouvrier aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec ce qu'elles étaient au lendemain de la guerre. La structure de la consommation des ménages s'est d'ailleurs considérablement rapprochée et à peu près tout le monde a accès aujourd'hui à des biens durables comme l'automobile et les biens d'équipement de la maison, alors que ce n'était pas le cas dans les années 50. Pour autant, la question de l'écart relatif entre les catégories sociales, en termes de niveau de vie ou de perspectives d'ascension sociale, est une question plus controversée. En effet, si tout le monde profite également de cet enrichissement et de cette amélioration des perspectives d'ascension sociale pour ses enfants, cela a pour conséquence que les écarts relatifs entre catégories ne se réduisent pas, ou très lentement. De récents travaux de l'OCDE (sur les revenus) montrent que cette réduction des écarts est effectivement lente en France.

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