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Kalé, avocats, goji : les secrets pour devenir un ingrédient star de notre alimentation
©wikipédia

Vegan de toi

Avocats, Kale, baies de Goji ou graines de Chia, les "super food" ont le vent en poupe et sont très populaires. Mais quel est leur réelle valeur ajoutée ?

Béatrice  de Reynal

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal est nutritionniste Très gourmande, elle ne jette l'opprobre sur aucun aliment et tente de faire partager ses idées de nutrition inspirante. Elle est par ailleurs l'auteur du blog "MiamMiam".

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Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

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Atlantico: Avocats, Kale, baies de Goji, graines de Chia... Ces aliments constituent-ils les bases d'un régime alimentaire sain ? 

Béatrice de Reynal : Les « super food » ont un succès médiatique incroyable. On les pare de toutes sortes de vertus, toujours exceptionnelles. A se demander comment on a pu survivre avant leur apparition. 

Car il s’agit bien d’apparition soudaine, un peu comme ce moment magique où la star entre en scène.

Mais vous le savez bien, avant même de lire ces lignes : votre bon sens vous l’a déjà dit. Les aliments magiques n’existent pas. 

Aucun de ces super aliments n’est exceptionnel ou incontournable. 

En revanche, c’est vrai : la nature a doté certaines plantes de principes actifs ou de propriétés spécifiques qui peuvent nous être très précieuses, surtout aujourd’hui alors que l’alimentation industrielle qui nous entoure est souvent appauvrie ou pauvre en nutriments. 

Un légume qui a été pelé, lavé et relavé, bouilli, surgelé, … aura moins de nutriments qu’un légumes frais cueilli et dégusté dans la foulée. Mais qui peut encore avoir accès à un approvisionnement de ce style ? Très peu de gens.

Aussi, savez vous qu’il y a 3 fois plus de vitamine C dans un poivron que dans un kiwi ? Le poivron est un « super aliment » qui s’ignore … eh oui ! Il n’a pas bénéficié d’une attachée de presse -, lui. Pas comme la graine de chia, qui a, certes, des Oméga 3, mais sous sa dure écorce, difficile d’y avoir accès. En manger revient à restituer aux goûts des précieux nutriments. Dommage. Vous aviez cru bien faire. 

Comment est-ce que ces aliments venus d'ailleurs sont devenus, ces dernières décennies ? Qu'est-ce qui explique leur succès dans l'alimentation quotidienne des Européens notamment ?

Bruno Parmentier : C’est une erreur de penser qu’on mange la même chose qu’avant ! Si on mangeait comme au Moyen-âge, on s’ennuierait beaucoup en mangeant essentiellement du pain avec nos seuls choux, pois, fèves, lentilles, artichauts, fraises, etc. La plupart de nos aliments actuels ne sont pas d’origine européenne ! On en a conscience pour les produits tropicaux dont on sait qu’ils ont beaucoup voyagé avant d’atterrir dans nos assiettes, comme la banane, l’ananas, la mangue ou l’avocat, mais parfois moins pour ceux que nous avons acclimatés, comme la pomme de terre, le potiron, le piment ou le tabac, qui viennent du Pérou, ou la tomate, la courgette, le poivron, le haricot et le maïs, originaires d’Amérique centrale.

Le riz, le sarrasin, la pêche, l’orange, le coing et l’abricot viennent de Chine ; le concombre, l’aubergine, l’épinard, la noix, le citron et le poivre d’Inde ; cerises et poires sont nées au Caucase ; oignons pistaches en Asie centrale ; le blé, le seigle, la carotte, le chou, le petit pois, la laitue, le melon, l’amande, le raisin et le pois chiche au Moyen-Orient.

Donc on continue à s’enticher de nouveaux végétaux, rien de nouveau sous le soleil ! On aime toujours être surpris et se régaler à table. Le kiwi et l’avocat par exemple, sont devenus de consommation courante (et effectivement ils sont très bons !), et on commence à manger régulièrement du quinoa. Gageons que, si on trouve enfin le moyen de la faire voyager à moindre coût et en gardant toutes ses saveurs, la mangue, un des meilleurs fruits qui existent sur Terre, garnira couramment nos corbeilles dans quelques années !

Rappelons qu’Ève, si elle avait existé au Moyen-Orient, n’aurait pas pu manger de pomme, puisque ce n’est qu’avec la « route de la soie » qu’elle est arrivée d’Asie au Moyen-Orient, puis en Occident. La Bible dit qu’elle a mangé le fruit « de l’arbre du milieu du jardin », l’arbre de la « connaissance du bonheur et du malheur » et se garde bien de qualifier l’espèce coupable en question, alors que quelques versets plus loin elle parle bien du figuier qui a fourni opportunément des feuilles pour couvrir la nudité du couple (et qui existe effectivement au Moyen-Orient depuis au moins dix mille ans). En fait, ce nom vient du mot latin pomus, fruit ; la déesse romaine des fruits est Pomona, et on retrouve cette utilisation générique du fruit dans les associations pomme de pin ou pomme de terre. En revanche Newton, lui, a parfaitement pu recevoir une pomme sur la tête dans la campagne anglaise en 1666 avant d’inventer la loi de gravitation universelle.

Mais au-delà de la gastronomie et des saveurs exotiques, nous accordons dorénavant de plus en plus d’importance aux « aliments santé » et le marketing tente régulièrement de nous caresser dans le sens du poil en nous présentant des produits miracle comme l’algue spiruline, ou les baies de Goji et autres graines de Chia, parées de toutes les vertus. Elles seraient bonnes pour la vue, les cheveux, les os, la peau, la mémoire et le sommeil, anti-rides, anti-inflammatoires, anti-âge ; de plus elles réguleraient le taux de sucre, stimuleraient le système immunitaire et la fertilité, brûleraient les graisses, soulageraient les douleurs musculaires et articulaires et les rhumatismes, etc. !!! Un vrai condensé de nos peurs et de nos aspirations secrètes !

Mais attention ! Ces aliments miracles ont probablement des propriétés assez puissantes, mais du coup leurs inconvénients peuvent aussi l’être ! Si la baie de Goji est vraiment « l’aliment le plus complet, le plus nutritif et le plus anti-oxydant de la terre », elle peut également provoquer chez certaines personnes de fortes réactions allergisantes. Et sa production a cessé d’être artisanale.

Par quels aliments plus locaux peuvent-ils être remplacés ?

Béatrice de Reynal :  Ne cherchez pas loin ce que vous avez sous le nez. Vous recherchez des Oméga 3 ? Choisissez des graines de lin ou du chènevis (graines de chanvre), ou de l’huile de colza,  du pourpier, de la mâche ou de la roquette.

Vous pensez avoir besoin de fer ? La spiruline est là, oui, mais toutes les algues marines aussi, y compris celles qui poussent en Bretagne ou  ailleurs. Le fer aussi dans le cumin, le curcuma, les herbes aromatiques séchées, le cacao amer dégraissé, le gingembre, les graines de fenouil, le thym ou le carvi.

Vous souhaitez bénéficiez des glucosinolates du chou Kale, anti-cancer ? Vous en aurez tout autant dans les choux d’ici, y compris le chou frisé (traduction française de « chou Kale »).

Quant à la baie goji, elle est surtout riche en … pesticides et conservateur (sulfites). Laissez-là dans son pays natal à moins de la choisir Bio. 

L’avocat  est recommandé pour ses différents nutriments, mais en alternant avec d’autres fruits et légumes qui ont, eux aussi, beaucoup d’atouts. Il est riche en graisses mono-insaturées, donc pas en acides gras essentiels.

Les super food ? C’est une super variété ! La France, jardin potager et fruitier de l’Europe, a mille atouts délicieux à vous proposer : régalez-vous en suivant les saisons, car un fruit mûr naturellement est le meilleur des super aliments. 

Ces légumes, fruits et légumineuses ont souvent été associés à une consommation plus "saine", plus "verte", plus "éthique". Cependant, ces vertus sont remises en question depuis quelques années, notamment du fait des conditions de production et d'acheminement. Qu'en est-il réellement ?

Bruno Parmentier : Ce n’est pas parce qu’un aliment se retrouve soudain paré de plein de vertus diététiques qu’il n’est pas produit avec les méthodes du monde d’aujourd’hui ! Tant que la consommation est faible, la production peut rester artisanale, même si le transport de produits tropicaux sur de longues distances, souvent en avion, reste un désastre pour le climat.

Mais quand la consommation européenne d’avocats augmente de 65 % entre 2016 et 2018 pour atteindre environ 650 000 tonnes, et qu’en particulier les parisiens se mettent à en consommer chacun près de 3 kilos par an, on passe évidemment à l’agriculture industrielle, avec tous ses travers.

Le Mexique, premier producteur mondial, est un pays par ailleurs gangréné par les cartels de la drogue. Ils se sont évidemment intéressés de près à cette nouvelle source de revenus (le prix d’achat au producteur est passé en quelques années de 20 centimes à 3,5 € !). Les rackets de terres favorables à la plantation de cet arbre se sont donc multipliés, ainsi que les incendies et abatages sauvages de forêt vierge. La monoculture qui s’installe alors provoque alors une disparition progressive de la faune (oiseaux rares, pumas, coyotes, papillons monarques, etc.). Le sol est tamisé mécaniquement avant la plantation, car l'avocatier craint la pierraille. Le tronc est badigeonné afin de le protéger du soleil. On n’est pas vraiment dans de la bio !

D’autre part l’avocatier est un arbre du tropique humide, qui nécessite énormément d’eau (1 000 litres d’eau pour un kilo d’avocat, sept fois plus que pour un kilo de salade). Tant qu’on le cultive sous les tropiques, l’eau tombe du ciel, mais, naturellement, l’attrait de ce nouvel or vert a séduit des pays comme l’Afrique du Sud ou l’Andalousie en Espagne, nettement plus secs. On assiste alors à l’accaparement de l’eau, et à un asséchement accéléré des nappes phréatiques. Et on intégre des régions entières au commerce mondial (elles ne produisent plus de quoi nourrir leur propre population et doivent donc importer leur nourriture).

De plus, pour avoir des fruits réguliers et impeccables dans un univers chaud et humide favorable aux insectes et autres champignons, les arboriculteurs industriels ont souvent tendance à abuser des pesticides… dans des régions où la police et les contrôleurs sont moins efficaces. Logiquement, les nappes se polluent, les habitants attrapent des maladies et les consommateurs ingèrent des résidus de produits malsains.

Il faut enfin parler du transport, heureusement par voie maritime vu les tonnages : camion jusqu’au port, puis cargo transatlantique pendant un mois, dans des conteneurs maintenus à la température de 6° ; une fois en Europe, murissement pendant 6 jours dans des chambres qui passent de 6 à 25° et où on injecte de l’éthylène, puis emballage et camions de nouveau. Tout cela est très gourmand en énergie et producteur de déchets. Bienvenue dans le monde réel !

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