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Les vraies raisons pour lesquelles Carlos Tavares tacle aussi violemment les responsables politique européens
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico business

Si Carlos Tavares s’est mis en colère au salon de Genève, c’est pour dénoncer l’irresponsabilité des responsables politiques qui imposent des normes inapplicables sans se soucier de la casse sociale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Carlos Tavares, le PDG du groupe Peugeot- Citroën, a surpris tous les constructeurs automobiles. Ce PDG d’ordinaire si discret, si réservé, est sorti de ses gonds en se mettant en colère contre l’irresponsabilité des politiques qui, en Europe, prennent des normes et imposent des contraintes environnementales, sans précaution sur les effets économiques et sociaux.

Et Carlos Tavares a donné le ton. Il faut dire qu’avec l’absence de Carlos Ghosn, le monde de l’automobile a perdu une personnalité qui parlait fort et clair pour défendre les intérêts de l’industrie. On ne peut pas compter sur les patrons allemands qui défendent surtout l’industrie allemande mais qui n’aiment guère étaler leurs états d’âme devant les micros et les caméras du monde entier. 

Carlos Tavares n’a pas hésité. Tout en approuvant, bien sûr, la nécessité de la transition énergétique, la mutation vers des énergies propres et des voitures plus autonomes, il considère que toutes ces évolutions sont brutales et surtout non préparées.

Et sur ce thème, la grande majorité des constructeurs sont sur la même longueur d’onde que lui.

L’électrification à marche forcée de l’industrie automobile mondiale ne suffira pas à respecter les nouvelles normes édictées, notamment pasr les institutions européennes. Chaque constructeur s’est donc fait assigner un objectif d’émission de gaz carbonique par la Commission européenne pour 2020 et au salon de Genève, le grand jeu était de comparer ses notes. Un jeu dangereux puisque ceux qui ne respecteront pas l’objectif abaissé à 95G/km devront payer une amende.

Pour la plupart des constructeurs et notamment ceux qui rencontrent un vrai succès avec leur SUV, l’objectif sera bien difficile à atteindre. Les constructeurs français font d’ailleurs moins bien cette année que l’année dernière, ils sont tous entre 100 et 110 G/Km... Les Allemands sont encore plus mauvais mais ne disent mot.

Cela étant, Carlos Ghosn a voulu dire haut et fort ce que tout le monde ressent, à savoir que l’industrie automobile est contrainte de se transformer à marche forcée sous le diktat des politiques et sans prise en compte des effets économique et sociaux.

Lors du dernier forum de Davos (c’était fin janvier), le centre de recherche de Davos avait fourni aux participants une étude qui mesurait les effets de la robotisation et plus globalement de l’intelligence artificielle sur l‘emploi. Selon cette étude, les pertes d’emplois pourraient atteindre plus de 7 millions dans les deux ans, si on prend en compte les 2 millions de créations de nouveaux jobs liées aux nouvelles technologies, on perdrait quand même plus de 5 millions d’emplois. L’industrie automobile européenne serait évidemment parmi les industries le plus touchées.

Mais ce n’est pas tout, à Genève, lors du salon qui se tient cette semaine, les constructeurs n’ont pas été moins inquiets par les effets de la mise en place des normes environnementales.

Pour la majorité des constructeurs, il n‘y aura pas de miracle. Ces normes sont une réponse renforcée au dieselgate et visent à accélérer la disparition du diesel.

Alors les constructeurs vont évidemment obéir à cette obligation de mutation mais Carlos Tavares n’a rien fait d’autre que de prévenir les politiques des effets de la brutalité de cette injonction.

D’abord, cette mutation va couter très cher, sans pour autant apporter les résultats espérés en empreinte carbone. L‘électricité et son mode de production laissent une empreinte Carbone plus importante que les moteurs thermiques. Quant au diesel, il ne produit pas globalement plus de carbone que l‘essence puisque sa consommation au Km est beaucoup plus faible.

Ensuite, cette transition va entrainer une casse sociale à laquelle on ne s’est pas préparée. Selon l’Observatoire de la métallurgie, entre 10 000 et 15 000 emplois industriels sont menacés à horizon 2030, alors que la filière automobile compte 37 000 emplois dans cette gamme de véhicules.

Pour Luc Chatel, qui dirige la Plateforme automobile, un des commanditaires de cette étude, « il faudrait prendre en compte les évolutions survenues depuis 2016, comme la baisse des ventes des véhicules diesel ou l’impact des nouvelles technologiques dans les nouvelles motorisations... avant de fixer et imposer un calendrier »

Il est évident que le diesel va accélère son recul. Favorisé pendant des dizaines d’années par la fiscalité, les moteurs diesel représentaient plus de 70 % des immatriculations en 2010. Aujourd‘hui, cette part est déjà tombée à moins de 40%. Selon les experts du BIPE, cabinet d’étude pour l’observatoire, la part du diesel devrait tomber à 13% dans les années 2030. Au profit non pas de l’essence, mais de l’électrique et de l’hybride.

Il est évident que des pans entiers de la chaine de production vont être bouleversés. Dans la fonte d’acier et d’aluminium, dans la fabrication des pièces spécifiques au diesel, les commandes vont s’effondrer.

A plus long terme, cette évolution devrait les obliger à consolider encore davantage les systèmes de production et de distribution. Pour Luc Chatel, « la dynamique des marchés automobiles a atténué les effets de cette mutation, mais cette dynamique ne durera pas. D’autant que nous n’avons pas, en Europe, une filière capable de produire les batteries dont l’électrique aura besoin ». Actuellement, ce sont les Chinois qui ont un quasi-monopole des batteries.

En se mettant aussi fortement en colère, Carlos Tavares prévenait les responsables politiques certes, les salariés et les actionnaires, mais il s’inquiétait aussi du poids excessif des écologistes partisans d’une écologie punitive et adepte d’une non croissance.

Pour Luc Châtel, l’ensemble de la filière automobile va jouer sa survie dans les prochaines années... Mais pour beaucoup, cette évolution dépendra aussi du poids des mouvements écologistes en Europe.

Alors que beaucoup s’inquiètent de l'influence des forces populistes, les constructeurs automobile craignent davantage celle des forces écologistes.

Hasard du calendrier ou pas, mais au moment où Carlos Tavares publiait ses coups de colère, Yannick Jadot, la tête de la liste écologie les Verts aux européennes, se faisait littéralement conspué par des militants parce qu‘il expliquait que l’écologie doit être compatible avec l’économie de marché et la croissance... Beaucoup de ses amis pensent que le sauvetage de la planète passe par la non-croissance.

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