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Progressistes pro-Europe contre populistes euro-critiques  : le match des vérités, des approximations ou des propos 100% faux
©OLIVIER MORIN / AFP

Faux amis

Alors que la polarisation politique s'accentue en vue des élections européennes, les camps "nationalistes" et "progressistes" s'affrontent pour le contrôle du "vrai".

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Dans la perspective des élections européennes, la polarisation politique continue de s'accentuer au travers de l'opposition entre une ligne incarnée par Viktor Orban et Matteo Salvini, et celle d'Angela Merkel et Emmanuel Macron. Bien que le camp des "nationalistes" soit régulièrement pointé du doigt concernant les approximations, erreurs, ou mensonges, en quoi ces reproches seraient-ils également légitimes concernant la ligne politique dite "progressiste" ?

Edouard Husson : Dans la Tribune sur l’Europe qu’il vient de publier, le président français explique que la liberté est un pilier de la “Renaissance européenne” qu’il souhaite voir mise en œuvre. Eh bien pour illustrer cet appel à la liberté, il appelle à créer une agence européenne de surveillance des élections ! Il semble ignorer que l’OSCE remplit très bien ce rôle, d’une part; d’autre part, c’est supposer que la démocratie n’est pas capable de se défendre elle-même dans chacun de nos pays. Toujours au nom de la liberté, Emmanuel Macron appelle à restreindre la liberté d’internet. Mais quelle est la crédibilité de dénonciation des “fake news” et des manipulations électorales quand on est soi-même obsédé par une menace imaginaire, la menace russe? Angela Merkel n’est pas différente d’Emmanuel Macron sur ce point. Elle est même plus radicale dans l’action: nombreux sont les comptes facebook ou twitter de journalistes qui ont été fermés, provisoirement ou durablement, par les entreprises concernées à la demande du gouvernement allemand. Le progressisme européen actuel est de mon point de vue bien plus “illibéral” que le conservatisme d’un Orban ou d’un Salvini. Ne serait-ce que parce que les progressistes tiennent encore de nombreux leviers du pouvoir et peuvent mobiliser l’Etat à leur service. La crise des Gilets Jaunes, avec les violences policières hebdomadaires et les comptabilisations sous-estimées du nombre de manifestants, en est une illustration flagrante. 

Comparativement, quels ont été les plus importants exemples de ces approximations, des erreurs, ou parfois des mensonges dans les deux camps ? 

On ne passe pas grand chose aux conservateurs et aux populistes. La moindre de leurs inexactitudes devient un scandale médiatique. Il arrive évidemment à Orban d’être aussi  borné que ses adversaires obsédés par Poutine, quand lui-même voit Soros partout. Quant à Matteo Salvini, il aime bien avoir Emmanuel Macron comme adversaire et l’accuser de renvoyer les migrants dont ne veut pas la France vers l’Italie. Cependant, les progressistes aussi sont capables de travestir la réalité. Rien ne le montre mieux que l’échange sur l’euro, lors du débat présidentiel de l’entre-deux-tours en 2017. Tout le monde est tombé sur Marine Le Pen, parce qu’elle n’avait pas su expliquer comment elle envisageait la transformation de l’euro en monnaie commune - une bonne idée sur laquelle elle a séché faute de préparation. Personne n’a relevé que le candidat Macron a lui, carrément dit une énormité: il a prétendu que le chômage était plus bas en 2017 qu’il ne l’était avant l’euro: pour la France, c’est le contraire !

Ne pourrait-on pas en conclure que le camp "progressiste", à trop vouloir polariser le débat, en est arrivé à utiliser les armes de l'adversaire ? 

Je ne suis pas sûr que l’origine se trouve dans l’affrontement entre progressistes et populistes ou conservateurs. Le libéralisme du dernier demi-siècle a eu une logique propre: d’abord libérateur, des années 1960 aux années 1980, il a succombé au triomphalisme après la chute de l’URSS et a commencé à devenir intolérant, à écraser ce qui n’était pas lui. Le libéralisme émancipateur de Margaret Thatcher ou Ronald Reagan s’est transformé en dogmatisme chez Tony Blair et George W. Bush. Avec Angela Merkel, il atteint son stade de fossilisation. Et même l’énergie toute gorbatchevienne d’un Emmanuel Macron ne pourra pas faire dévier le libéralisme mondialiste de sa trajectoire finale. Naturellement, plus le libéralisme, surtout dans son incarnation progressiste, se caricature lui-même, plus il suscite une réponse frontale et souvent caricaturale, elle aussi. Au discours de bisounours sur le monde ouvert panacée des maux de nos sociétés répond un discours symétrique qui explique que tout doit être résolu dans le cadre national. La symétrie joue d’une autre manière: le discours lénifiant des progressistes camoufle la violence du système mondialisé mis en place ces vingt-cinq dernières années; tandis que le discours populiste simpliste et quelquefois grossier camoufle souvent un manque d’ambition, une incapacité à s’emparer du pouvoir. La donne a changé à partir du moment où des libéraux-conservateurs comme Kurz ou Orban ont pris en main la droite, pour la porter au pouvoir. Le conservatisme populiste et entrepreneurial à la fois qui est à présent au pouvoir en Autriche, en Hongrie ou en Italie mène la vie dure aux progressistes; d’où leur agressivité croissante. 

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