Avec son entretien à la télévision italienne, Emmanuel Macron lance mollement sa campagne en Europe et tente de rassembler les europhiles<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Avec son entretien à la télévision italienne, Emmanuel Macron lance mollement sa campagne en Europe et tente de rassembler les europhiles
©ANDREAS SOLARO / AFP

Campagne d'Italie

L’interview d’Emmanuel Macron par Fabio Fazio, animateur de l’émission dominicale, Che Tempo Che Fa, de la première chaîne de la télévision publique italienne (RAI), ne restera sans doute pas dans les annales.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Voir la bio »

L’interview d’Emmanuel Macron par Fabio Fazio, animateur de l’émission dominicale, Che Tempo Che Fa, de la première chaîne de la télévision publique italienne (RAI), ne restera sans doute pas dans les annales, ni pour l’audace des questions posées, ni pour l’originalité des réponses données. Plutôt qu’un entretien contradictoire, c’est surtout une tribune qui lui était ainsi offerte pour mieux se faire connaître du grand public italien et pour réaffirmer ses positions en matière de politique européenne. Il devrait d’ailleurs publier une tribune dans la presse européenne ce mardi.

L’entretien a été filmé dans une des antichambres du palais de l’Elysée, probablement pour lui donner une tonalité plus informelle et directe. Emmanuel Macron semble avoir voulu apaiser les choses en ne citant nommément aucun de ses adversaires politiques italiens (Matteo Salvini ou Luigi di Maio en particulier). Les récents événements (dont la visite de Luigi di Maio à des « gilets jaunes et le rappel de l’Ambassadeur de France à Rome qui s’en est suivi)  ont été renvoyés d’un revers de main au statut de péripéties d’une relation franco-italienne fondamentalement positive et émotionnellement forte.

Fort classiquement pour un responsable français voulant se faire apprécier en Italie, il s’est ainsi montré féru de culture italienne et des villes et régions les plus remarquables du « Bel Paese » (Naples en l’occurrence). Il n’a pas négligé de rappeler l’apport des Italiens à la construction européenne (avec Altiero Spinelli). Il a annoncé avoir décidé avec le Président de la République italienne, Sergio Mattarella, une rencontre sous leur patronage le 2 mai prochain de jeunes italiens et français à l’occasion des célébrations des cinq cents ans de la mort de Leonard de Vinci. Il a admis que l’Italie avait été laissée seule par l’Europe à affronter les migrations en Méditerranée. Il a souligné que le sort des migrants était lié à l’existence de maffias les incitant à tenter la traversée. Il a enfoncé la porte ouverte de migrations africaines provoqué par le sous-développement de l’Afrique.

Cette volonté d’apaisement ne l’a pas empêché de réaffirmer sa foi du charbonnier européiste et de mettre en lumière, sans surprise aucune, qu’aucun pays européen ne pourra se sortir seul des défis de l’heure. Il a prôné ainsi pour un système européen d’asile sans entrer plus avant dans les détails. De même,  il a plaidé pour la réalisation du nouveau tunnel ferroviaire franco-italien, qui fait tant débat ces jours-ci entre les deux partenaires de l’actuelle coalition gouvernementale en Italie, la Ligue et le M5S, réalisation qui peut, selon lui,  concilier « en même temps » écologie et économie.

La perception de cette intervention, fort classique par son contenu pour un Emmanuel Macron héraut d’une Union européenne rénovée, par le public italien sera sans doute parfaitement alignée avec les convictions politiques des uns et des autres. Pour les électeurs et sympathisants des  partis européistes (Parti démocrate, Forza Italia, petits partis centristes), Emmanuel Macron représentera sans doute l’espoir en Europe. Beaucoup auront apprécié dans cet entretien sa culture et sa hauteur de vue. Pour les électeurs et sympathisants des partis nationalistes, eurosceptiques ou eurocritiques (Ligue, Frères d’Italie, M5S), ce ne sera sans doute là qu’hypocrisie, double langage bien «français » et fausse profondeurd’un poseur.

Quoiqu’il en soit de ces perceptions par le grand public italien, avec cet entretien, Emmanuel Macron lance vraiment l’aspect européen de sa propre campagne électorale pour les élections européennes du 26 mai prochain. Cette européanisation, moins agressive dans la forme que ses interventions précédentes, mais ne changeant rien sur le fond, parait logique et nécessaire pour un dirigeant français qui prétend bouleverser par son action et sauver ainsi l’Union européenne. Aussi cadrée soit-elle par une communication au demeurant fort classique, aussi vague soit-elle sur le détail des propositions portées à ce stade, c’est là une correction de trajectoire bienvenue, car, pour changer l’Europe, il lui faudra nécessairement des alliés ou tout au moins des partenaires. Et, sur ce point, il a raison : la France et l’Italie comme économie et comme société n’ont pas des intérêts intrinsèquement différents et incompatibles.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !