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Gérald Pandelon : “50% des avocats galèrent sur le plan financier car il est devenu de plus en plus difficile de faire payer le client en contexte de crise”
©Reuters

La robe aujourd'hui

Maitre Gérald Pandelon publie dans la fameuse collection "Que sais-je" un ouvrage sur le métier d'avocat. Petit tour avec lui de l'état de la profession.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Vous publiez "Le métier d'avocat en France" aux éditions "Que sais-je". Selon vous, comment a évolué la perception du métier d'avocat depuis le début de votre activité professionnelle ?

Gérald Pandelon : Il s'agit d'abord d'une profession qui s'est largement féminisée, comme d'ailleurs l'évolution du nombre des femmes magistrats. Une deuxième évolution, à mon sens, réside dans le fait qu'il s'agit d'un métier où nous plaidons de moins en moins. En effet, au civil comme d'ailleurs de plus en plus au pénal, au nom du désengorgement des juridictions, la place de la plaidoirie tend à s'amenuiser, c'est en toutes hypothèses, ma perception. Dernière évolution, la relation au client qui s'est compliquée. Aujourd'hui le client veut tout, tout de suite, il oublie que derrière une robe d'avocat il existe un être humain, qui a ses propres contraintes, et qui n'est pas un Dieu. 

Qu'est ce qui peut motiver un jeune bachelier à s'orienter vers des études de droit afin de devenir avocat ?

L'avocature demeure une belle aventure car cette profession est merveilleuse. Elle peut procurer des joies immenses. Néanmoins, c'est aussi une des seules professions où vous pouvez vous retrouver le même jour plusieurs fois au paradis et en enfer...

N'y a-t-il pas un réel écart entre la perception et la réalité des choses ?

Oui. J'y vois l'influence des émissions de TV américaines où les avocats sont souvent présentés comme des millionnaires cupides et sans morale. Chez nous, les choses sont très différentes. Seuls 1 % des 66958 avocats de France gagnent très bien leur vie. Et 50 % d'entre eux galèrent sur un plan financier car il est devenu de plus en plus difficile de faire payer le client dans un contexte de crise, et ce, même les résultats de l'avocat sont excellents. Pourtant les problèmes sont de plus en plus nombreux...

Quel regard portez-vous sur l'évolution du métier d'avocat dans sa pratique depuis vos débuts ?

On est passé de l'"avocat-roi", celui qui avait sous la III ème République un prestige considérable, à l'"avocat-servant", presque l'esclave de son client, lequel oublie que nous n'avons qu'une obligation de moyens et non de résultats, et qui a tendance à menacer son conseil d'une réclamation à son encontre portée devant le bâtonnier de son ordre à la moindre difficulté, le plus souvent pourtant sans importance. Quelle "progression"....

Avec le développement des "legal tech" et la robotisation croissante des pratiques, se dirige-t-on inévitablement vers une justice de plus en plus déshumanisée ? 

Oui, inévitablement. D'ailleurs, au-delà de cette "ubérisation" croissante du droit et des pratiques, avez-vous constaté que nous plaidons de plus en plus par visio-conférence, s'agissant de contentieux aussi importants que ceux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction ou statuant sur la question d'un aménagement de peine. Comment voulez-vous toucher le coeur d'un juge lorsqu'en réalité vous ne vous adressez plus directement à lui mais à une caméra,  puisqu'en toutes hypothèses il ne pourra capter les émotions inhérentes à ce type de "débats" ? Où se loge la part d'humanité de l'institution lorsque tout est fait pour l'en priver ? D'ailleurs, si la justice pénale est de plus en plus sévère s'agissant des auteurs majeurs d'infractions, même lorsqu'elles ne sont pas d'une particulière gravité, ces dispositifs n'y sont pas étrangers. 

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