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Et l’Europe se tira une balle dans le pied en nommant au poste de de superviseur bancaire européen le lobbyiste en chef d’une des plus grande banque du monde
©DOMINIQUE FAGET / AFP

Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ?

José Manuel Campa, diplômé de Harvard, travaillant auparavant de la Banque Santander au poste de responsable mondial des affaires réglementaires, vient d'être désigné à la présidence de l'EBA, l'autorité bancaire européenne.

Benoit Lallemand

Benoit Lallemand

Benoit Lallemand est analyste senior pour Finance Watch, spécialisé dans les marchés financiers. 

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Atlantico: Comment évaluer la nomination de José Manuel Campa ?

Benoit Lallemand: Dans le contexte actuel, c’est une très mauvaise nouvelle de voir que, de fait , quelqu’un issu d’une des 30 banques considérées par le Financial Stability Board comme trop grosse pour faillite (too big to fail), c’est à dire d’importance systémique, qui étaient au cœur de la crise que nous avons connu il y a 10 ans, prend la place du superviseur en chef européen. Le facteur aggravant est que cette personne n’était pas véritablement un banquier, mais occupait un poste qui correspond à celui de lobbyiste en chef de la banque Santander. Ce qui permet de contrer l’argumentaire qui voudrait avancer l’idée que la finance est un secteur complexe, ce qui justifierait cette nomination. Son métier était de défendre les intérêts d’une banque trop grosse pour faire faillite auprès des différentes instances réglementaires nationales et européennes pour éviter que la rentabilité ne soit affectée. C’est un expert de l’influence dans les décisions réglementaires. C’est précisément le rôle inverse qu’il doit occuper aujourd’hui. Il est extrêmement difficile de croire, et ce n’est absolument pas une attaque personnelle, d’imaginer un virage mental à 180 degrés dans un temps si court. Surtout en considérant les passerelles qui existent dans les deux sens, parce qu’il sera intéressant de voir ou il termine sa carrière. Cela est donc un signal désastreux.

De plus, nous sommes conscients de la nécessité de penser autrement le secteur financier, cela relève du sens commun plus de 10 années après la chute de Lehman Brothers. Il y a un consensus général, y compris chez les économistes les plus conservateurs, sur le fait que la finance n’a pas été remise au pas. Le système financier a besoin d’être repensé et là nous assistons au message inverse.

Comment comprendre une telle décision dans un contexte de défiance de plus en plus importante concernant le secteur financier européen, et dans un moment caractérisé par les défis du Brexit et de la lutte anti-blanchiment ?

Il faut souligner que José Manuel Campa a subi une audition ce mardi 26 février par les parlementaires du comité ECON, et ces derniers ont approuvé sa nomination, qui passera en plénière  du Parlement européen à Strasbourg le 11 mars prochain. Mais en général, les plénières entérinent ces décisions.

Je crains que cette décision ne soit le symptôme d’une sorte d’impunité totale concernant les relations incestueuses entre ces méga institutions bancaires, les superviseurs et les régulateurs. Pourtant, on voit bien les réactions de l’opinion publique, des économistes, qui réagissent et qui sont scandalisés. On pourrait se dire qu’ils auraient au moins pu faire semblant, qu’ils ne pouvaient faire une chose pareille, mais non, c’est le symptôme d’une sorte de morgue. Tout cela se fait de façon complètement naïve, sans que personne ne semble vouloir voir un problème. Cela montre aussi une sorte de toute puissance. Il y a déconnexion totale entre ce monde là et un monde de sens commun qui comprend bien qu’il y a un énorme problème avec le secteur financier, et que la prochaine crise financière nous pend au nez. Cette déconnexion était typique des années pré-crises, ce monde là est sourd des réalités. La situation est loin d’être parfaite aux Etats-Unis, mais il faut quand même remarquer que depuis la crise, le total des amendes distribuées par les agences américaines et payées par les banques entre 2009 et 2016 a été de 320 milliards de dollars, contre 21 milliards en Europe.

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