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Dégressivité des allocations chômage pour les cadres : ceux qui vivraient très bien avec et ceux que cela toucherait durement
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

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Suite à l'incapacité des partenaire sociaux à trouver un accord concernant la question de l'indemnisation chômage, le gouvernement étudierait la question de la dégressivité des allocations pour les cadres

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Une proposition qui se justifierait par la bonne santé de l'emploi pour cette catégorie de population qui bénéficie d'une situation de "quasi plein emploi". Géographiquement, et en fonction des profils, comment dresser le portrait de ces cadres qui n'auront pas à souffrir d'une telle réforme ? 

Michel Ruimy :

La théorie économique, comme les études empiriques, tendent à montrer que la durée et le montant de l’allocation versée ont une incidence sur la vitesse de retour à l’emploi des demandeurs d’emploi. Une allocation plus élevée ou versée pendant un temps plus long peut induire, en théorie, chez certains demandeurs d’emploi, une baisse de l’intensité de recherche d’emploi et une hausse du salaire de réservation. C’est pourquoi, les arguments en faveur d’une dégressivité des allocations chômage sont nombreux. 
Au regard de ses voisins européens, la France apparaît particulièrement généreuse dans ce domaine en raison de conditions d’accès favorables à l’indemnisation du chômage et de durées d’indemnisation élevées au regard des pratiques européennes, notamment pour les demandeurs d’emploi âgés. 
Par ailleurs, notre pays se distingue par le haut niveau de l’allocation maximale : pour des niveaux de salaires élevés avant la perte d'emploi, les demandeurs d’emploi français bénéficient du plus haut taux de remplacement net. Dans les faits, le plafond d’indemnisation se situe entre environ 60% à 75% du salaire journalier de référence et la durée du versement peut atteindre jusqu’à 36 mois, pour les plus de 55 ans (24 mois pour les moins de 52 ans).
Il n’en demeure pas moins que les cadres d’entreprises privées risquent d’être la catégorie la moins touchée par cette disposition gouvernementale. En effet, jusqu’il y a encore quelques mois, alors que l’activité était vigoureuse, nombre d’entre eux, majoritairement du secteur tertiaire, étaient à l’écoute du marché de l’emploi. Ceux qui travaillaient dans les banques et compagnies d’assurance, notamment dans les fonctions commerciales, ceux qui tenaient des postes dans les cabinets de conseil en lien avec la transformation numérique des entreprises étaient recherchés. Parmi les secteurs qui recrutaient, il y avait aussi l’information et les télécommunications. Ils n’étaient pas les seuls. L’actualité en matière de ressources humaines avec la loi Travail, les « ordonnances Macron », les ruptures conventionnelles collectives… a poussé les offres d’emploi à la hausse. Quant au « bâtiment et les travaux publics », durement touché pendant la crise, il enrôlait, entre autres, des conducteurs de travaux et des directeurs de programmes immobiliers. 
Par ailleurs, après 10 ans de quasi-stagnation, l’économie européenne a été dynamique. Les embauches ne se sont plus limitées à Paris. L’ensemble du territoire français a profité, dans une certaine mesure, de la reprise. 
Ainsi, nous pourrions tracer, dans une première approche, le profil d’un « cadre protégé » : « quinqua », urbain, ayant une grande agilité et des compétences / qualifications en lien avec la conjoncture économique, juridique, financière… A l’avenir, les profils les plus expérimentés, ceux qui permettront aux entreprises de revoir leur modèle de fonctionnement et les aideront à prendre le virage du numérique, seront particulièrement recherchés. 

A l'inverse, quels sont les profils qui pourraient être touchés par une telle réforme, notamment d'un point de vue géographique, ou encore d'un point de vue de la classe d'âge (puisqu'en 2017, seuls 52% des cadres étaient en activité au moment de prendre leur retraite) ? 

Au-delà du problème soulevé par votre question, il s’agit de savoir quelle place l’ensemble des acteurs du marché du travail souhaite donner aux cadres « seniors ». Car ces profils attirent et inquiètent à la fois. D’un côté, leur expérience est louée, de l’autre, on s’inquiète de leur productivité. Ainsi, nous arrivons à une situation dans laquelle les entreprises ont exclu jeunes et seniors : les jeunes, par manque d’expérience et les seniors, par manque de dynamisme, de forces de proposition. 
Car l’âge est un des facteurs discriminants de chômage le plus cité, devant l’origine, une situation de handicap ou le sexe. C’est pourquoi, le gouvernement devrait davantage s’atteler à casser les préjugés qui entourent cette catégorie de travailleurs. D’autant qu’avec l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite, il va être de plus en plus difficile d’atteindre le quota d’annuités pour avoir une retraite complète. En outre, une étude, parue en 2014, de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, montrait que contrairement aux représentations, les pertes de capacités physiques ou cognitives dues au vieillissement naturel restent modérées jusqu’à 65-70 ans et qu’elles sont compensées par l’expérience. Enfin, la culture d’entreprise française est un facteur défavorable. Les dirigeants, les Directeurs de ressources humaines devraient davantage accepter la diversité. Ils sont trop frileux et oublient ce qui compte vraiment en entreprise : le savoir-faire et le savoir-être. L’âge, c’est dans la tête.
En fait, pour les cadres, comme pour l’ensemble des salariés, la meilleure façon de rester employable ou d’envisager une reconversion consiste à se former tout au long de sa carrière. Pourtant, seulement 5% des salariés de plus de 50 ans suivent une formation. Manque d’informations, doute sur les conséquences concrètes en termes de carrière, moindre investissement professionnel... Près des trois quarts des seniors déclarent ne pas souhaiter suivre une formation.

Quelles sont les difficultés particulières que pourraient rencontrer ces cadres de plus de 50 ans, notamment au regard des dépenses auxquels ils sont confrontés ? 

Pour certains, la retraite est devenue, ces dernières années, synonyme de parenthèse enchantée au point de déséquilibrer les comptes publics des pays vieillissants. Désormais, les nations réagissent et les quinquas sont la première génération à en faire l’expérience. Il y a trois ans, ils faisaient valoir leurs droits à la retraite à 60 ans. Maintenant, ce sera 62... ou plus. En Irlande, c’est déjà à 66 ans, en Allemagne, 67 ans.
Et les bouleversements continuent. Les quinquas évoluent dans un nouveau monde où, plus de 40% de l’économie européenne est numérique. Un monde où les entreprises pyramidales doivent travailler en réseau, où les logiciels d’accès libre s’imposent. Une société connectée dans laquelle les quinquas peuvent plutôt se targuer d’être la génération « juste avant » le grand nombre de transformations sociétales majeures rendant la vie plus simple, rapide, trépidante ou... l’inverse. Ils ont dû s’adapter une bonne partie de leur vie professionnelle pour « rester dans le coup ».
Avec l’âge, nombre de cadres, investis dans leur travail, n’ont pas préparé le troisième tiers de la vie, plus particulièrement s’ils se retrouvent au chômage. Depuis quelques années, sur le million de dossiers de surendettement déposés, de plus en plus l’ont été par des seniors. L’endettement est de plus en plus souvent causé par les dépenses liées au logement avant même les dépenses de consommation voire de subsistance. Environ un quart des surendettés sont âgés de 55 ans et plus. La raison ? La faiblesse des ressources des personnes surendettées qui affecte les capacités de remboursement, le paiement du loyer et des charges locatives, la subsistance du débiteur et à celle de son foyer ainsi qu’aux différentes charges courantes.

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