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Fabien Clain a-t-il été ciblé dans le cadre d’une opération d’élimination des cerveaux des attentats de 2015 ?
©OFF / AFP

Représailles

Le jihadiste français Fabien Clain aurait été tué sur le terrain syrien, ce mercredi 20 février, par une frappe aérienne de la coalition à Baghouz, après avoir été repéré - tout comme son frère - voici quelques jours dans la région. Les autorités françaises seraient dans l'attente d'une authentification ADN afin d'officialiser le décès.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Le jihadiste français Fabien Clain aurait été tué sur le terrain syrien, ce mercredi 20 février, par une frappe aérienne de la coalition à Baghouz, après avoir été repéré -tout comme son frère- voici quelques jours dans la région. Les autorités françaises seraient dans l'attente d'une authentification ADN afin d'officialiser le décès. Comment analyser la situation, les informations disponibles pourraient-elles laisser entendre que les autorités françaises ont choisi de suivre une stratégie "à l'israélienne" concernant les terroristes directement impliqués dans des actes sur le territoire national ? 

Alain Rodier : À l’heure où sont écrites ces lignes, la mort de Fabien Clain n’est pas encore confirmée officiellement. Même la ministre de la Défense, Florence Parly reste prudente dans ses déclarations : "Au cours des opérations de reconquête du dernier bastion de Daesh menées par la coalition, il est possible en effet que Fabien Clain ait été tué. Si c'est bien le cas, les Français qui se souviennent de ses appels au meurtre et de son rôle dans le pseudo-Etat islamique, en seront sûrement soulagés. Nous restons vigilants, cette information n'est pas confirmée".

En effet, dans le domaine de la guerre secrète, il est parfois utile de faire croire à sa propre disparition pour mieux réapparaître par la suite. A savoir que Fabien et son frère Jean-Michel font l’objet depuis le 28 juin 2018 d’un mandat d’arrêt international pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle et complicité d’assassinat". Leur passé "encombre aux archives" des services français depuis le début des années 2000. Résultat : ils sont recherchés par toutes les polices de la planète ce qui ne faciliterait pas le franchissement éventuel d'une frontière vers un autre théâtre d'opérations d’autant que Fabien est un homme qui ne passe pas inaperçu étant donnée sa forte corpulence (1,88 mètre, plus de 100 kilos).

Si l’information qui proviendrait de plusieurs sources - mais lesquelles ? - est confirmée, par exemple par l’analyse ADN de sa dépouille (mais alors qui détient le corps ?) ou, moins probant mais généralement exact, par un communiqué de Daech célébrant son "martyre", une autre question se posera : était-il personnellement ciblé où s’agissait-il d’un tir destiné à neutraliser des terroristes dans la région de Baghouz, dernier réduit géographique du pseudo-Etat Islamique ?

Certaines informations parlent de l’utilisation d’un drone armé. Cela appelle deux remarques :

  • l’objectif était bien "ciblé" même s’il n’est pas certain qu’il était parfaitement identifié (on parle d'interceptions téléphoniques mais dans les services, elles ont généralement bon dos pour cacher des sources humaines à protéger prioritairement) ;
  • la France ne met pas encore en œuvre ce type d’armement. Cela ne peut donc venir que des Américains ou, moins probablement, des Britanniques.

Toutes les nations participant à la coalition internationale anti-Daech ont bien sûr dans leurs tablettes la silhouette de Fabien Clain comme un des terroristes les plus recherchés par Paris. Mais ce n'est pas dans le cadre d’un "durcissement" de la position politique française mais une "routine administrative" qui l'inscrit sur une liste d'individus à "neutraliser". Ce mot ne veut pas automatiquement dire qu’il doit être tué. L’arrestation fait aussi partie de l’arsenal étatique. D’ailleurs, de nombreux observateurs soulignent qu’ils auraient préféré cette dernière solution afin d’obtenir son témoignage. C’est sans doute une précaution de langage car il est évident que ce genre d'activiste fanatisé, quand il est arrêté, délivre "son" discours sans rien révéler quoique ce soit qui puisse éclairer les enquêteurs et les familles des victimes sur les opérations dont ils avaient connaissance.

Peut on évaluer le nombre de jihadistes qui pourraient être ciblés de la sorte par les autorités françaises sur le terrain syrien ou irakien ?  

Le chiffre avancé est de 150 combattants français mais, là aussi, rien n'est sûr. Continuant à se battre les armes à la main contre la coalition internationale, ils sont susceptibles d'être tués à tout moment au combat. Cela ne veut pas dire que l'un sera éliminé par une opération homo et l'autre épargné pour être présenté dans l'avenir devant un juge. 

Officiellement, les autorités françaises souhaiteraient aujourd'hui que ces djihadistes français soient rapatriés et jugés en France. Officieusement, la problématique est plus compliquée car le retour de ces activistes se révèle être délicat. Curieusement, les responsables politiques et militaires français se sont posés moins de questions en 1945 sur la conduite à tenir vis-à-vis des traîtres ayant suivi les nazis. Je rappelle que le général Leclerc a fait fusiller sans jugement le 8 mai 1945 douze waffen SS français qui lui avaient été livrés par les Américains dans la région de Bad Reichenhall. Les exécutions extrajudiciaires ont été très nombreuses à l'époque comme au début des années 1960 au moment de l'OAS (en dehors de ces opérations clandestines alors menées par des "barbouzes", 3 680 personnes furent légalement jugées, 41 peines de mort prononcées dont quatre exécutées).

Alors oui, Fabien Clain est (ou était) un traître qui s’est félicité de la mort de citoyens français - et étrangers - lors des attentats du 13 novembre 2015 commis à Paris et à Saint-Denis. Malgré quelques erreurs dans son discours, il semblait parfaitement bien informé sur ce qui s'était alors passé en région parisienne ce qui laisse à penser qu'il était - au minimum - au courant de ces opérations bien en amont. 

Nombre de responsables politiques ont répété à l'époque que la France était "en guerre" contre le terrorisme islamique et Daech. Clain avait choisi son camp et il en a vraisemblablement subi les conséquences. De toutes façons, il est vraisemblable que suivant son idéologie salafiste-djihadiste, c'était là son souhait le plus profond : terminer en chahid.

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