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La République en Marche a-t-elle hérité d’un des pires défauts de la gauche ?
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Intimidation morale

Le retour des procédés d'intimidations morales démontrent la vacuité idéologique et politique de ceux qui y ont recours.

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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Atlantico : Invité sur Public Sénat ce mardi 19 février, le député LREM Sylvain Maillard a déclaré "le RN et LFI portent des racines antisémites très claires". Dans quelle mesure est-on en train d'assister, dans le contexte actuel, à une reprise par LREM de la stratégie de la condamnation morale, utilisée auparavant par la gauche ? 

Paul-François Paoli :  Ce qui est grave dans cette affaire, c'est l'instrumentalisation politique de l'antisémitisme. L'affirmation de M. Maillard est d'une extrême gravité, il est indéniable que nous assistons à une désinhibition de l'antisémitisme en France, mais affirmer que la France Insoumise et le Rassemblement National ont des racines antisémites relève de la calomnie et non de l'analyse, et ne peut que faire du tort aux Juifs de France. Cette déclaration tranche d'ailleurs avec la modération dont a fait preuve Alain Finkielkraut, modération qui l'honore. L'agression qu'il a subie est grave, car elle témoigne d'un climat de haine qui couve depuis longtemps dans certains milieux islamophile, qui font des juifs français les responsables de la politique israélienne. Quand 20 % des habitants de ce pays affirment dans un récent sondage qu'il existe un complot sioniste à l'échelle mondiale, on mesure à quel point le conflit israélo-palestinien pèse sur la politique française. C'est cela qu'il faudrait dénoncer en l'occurrence. Nous sommes pris en otage par un conflit qui n'est pas le nôtre. Cette instrumentalisation manichéenne montre le fossé qui existe aujourd'hui entre une gauche radicale islamophile, dont font effectivement parti certains cadres de la France Insoumise, et une gauche libérale macronisée qui a recourt à des procédés d'intimidations morales, qui ne font que démontrer sa vacuité idéologique et politique.

Comment expliquer cette filiation stratégique entre LREM et la Gauche - dans cette thématique du "camp du bien" et de l'incarnation de la raison- dans un contexte marqué par le mouvement des Gilets jaunes ? 

L'extraordinaire habileté d'Emmanuel Macron ne peut camoufler le fait que République en Marche est un parti dont la légitimité est très affaiblie. Si des élections législatives avaient eu lieu, on se rendrait compte, sans doute, que ce parti ne représente plus grand-chose en France. Quand on perd pied, on a plus souvent recours à des simplifications manichéennes. Affirmer représenter le "camp du bien" est un vieux filon que la gauche a utilisé des décennies durant, notamment en instrumentalisant l'antiracisme. Je doute fort que ce procédé soit efficace. Chacun sait en outre que le mouvement des Gilets Jaunes est très hétérogène. Il exprime des tendances et des sensibilités très diverses, d'où d'ailleurs l'incapacité de ce mouvement à se structurer en une force politique cohérente.

Comment expliquer le paradoxe d'un parti qui se fait l'héritier d'une telle stratégie, et qui tente pourtant d'attirer à lui - avec un certain succès- les électeurs de droite ?  

Macron est un homme très intelligent qui a compris que la droite modérée, dite "orléaniste", pouvait lui servir de support pour gagner les prochaines élections. Il va tenter de constituer une synthèse entre la gauche libérale et le centre-droit. Il pourrait réussir au vu de l'inconsistance de ses adversaires. Le parti de Laurent Wauquiez est quant à lui miné par la contradiction, tenaillé qu'il est entre son pro-européisme libéral et son positionnement identitaire droitier. Il faudra bien que la droite choisisse un jour entre le mouvement de fond qui submerge l'Europe, aussi bien en Italie que plus à l'est, et le statut quo dont se plaignent tant d'électeurs de droite. À quoi bon élire un président de droite si c'est pour faire la même politique qu'Angela Merkel ?

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