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Parents hélicoptères : comment l’angoisse des inégalités pousse les parents à surinvestir l’éducation de leurs enfants… tout en renforçant le mal contre lequel ils luttent
©Chris Delmas / AFP

Flopflopflop

Un parent hélicoptère désigne un parentui qui « plane » en permanence au dessus de son enfant pour l'orienter ou encore qui vole à son secours dès qu'un problème se présente.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : Dans l'objectif de comprendre le phénomène des parents hélicoptères -terme visant à décrire les parents qui se sur-investissent dans l'accompagnement éducatif de leurs enfants - les économiste Matthias Doepke (Université Northwestern) et Frabrizio Zilibotti (Université de Yale) mettent en évidence une corrélation entre le niveau d'inégalités rencontrées dans un pays et ce phénomène de parents hélicoptères. Une corrélation qui tendrait à démontrer que l'angoisse subie par une société inégalitaire pousserait ces comportements de la part des parents. Peut-on effectivement établir un tel lien ?


Pierre Duriot : Absolument, ce lien existe, mais il n'est pas le seul. Effectivement, dans nos sociétés modernes, de plus en plus inégalitaires, si on se base sur les écarts salariaux en augmentation au cours des dernières décennies, l'angoisse du déclassement a gagné le bas des classes moyennes dans un premier temps, jusqu'au haut de cette même classe dans un second temps. On en était resté, dans les Trente glorieuses et les quelques années qui ont suivi, à cette idée que les enfants faisaient toujours mieux que leurs parents dans l'échelle sociale et on travaillait, les enfants à l'école et les parents qui les portaient, pour s'élever dans l'échelle sociale. On fait la même chose maintenant, pour maintenir le niveau social, voire, pour limiter la descente, ceci bien sûr, dans une certaine angoisse. Ces parents hélicoptères, que l'on peut estimer, à la louche, entre 15 et 20 % des parents, se comptent principalement dans les classes moyennes, moyennes supérieures et supérieures, sont souvent des parents plus âgés que la moyenne et contribuent à la reproduction de la classe dirigeante, à une sélection renforcée sur le diplôme initial et à moins de porosité entre les classes sociales, ce qu'on appelle parfois le plafond de verre, pour certains étudiants suffisamment doués, mais ne disposant pas de la fortune parentale qui permet d'accrocher la très grande école susceptible de les propulser dans la classe sociale supérieure. D'une certaine manière, cela conduit effectivement à une inégalité des chances de plus en plus structurelle.


Les auteurs de l'étude montrent également que les enfants de parents hélicoptères parviennent effectivement à de meilleurs résultats, ce qui, in fine, renforcerait les inégalités existantes. Ce phénomène peut-il également se vérifier en France ?


Oui, il est valable dans tous les pays développés, y compris en Asie, où il n'est pas rare de voir des parents se saigner pour payer des cours supplémentaires, parfois dès l'âge de la grande section de maternelle. Et effectivement, les parents parviennent globalement à leurs fins, mêmes si on peut compter quelques dégâts, parfois, dans le développement psycho-affectif de ces enfants trop sollicités, en qui on place des ambitions trop grandes et trop tôt. Mais objectivement, ça marche et les enfants des classes supérieures arrivent à maintenir leur présence dans la classe sociale de leurs parents. Mais l'école n'est pas le seul facteur de ce maintien. La transmission familiale d'entreprises et les donations ou héritages, contribuent au maintien de la lignée. Cela renforce les inégalités existantes, mais également cloisonne un peu plus les couches sociales qui en plus d'être moins poreuses entre elles ne se rencontrent pas. Témoins, ces scènes d'incompréhensions actuelles sur les plateaux de télévision, quand des manifestants Gilets Jaunes, smicards, avec deux enfants à charge, tentent d'expliquer leurs conditions de vie quotidiennes à des journalistes vedettes qui non seulement ne peuvent pas les appréhender, mais rencontrent, souvent pour la première fois, des gens situés très loin de leur classe sociale à eux. D'autres études montrent bien ces pans de société qui vivent dans le même pays sans jamais se croiser physiquement ou géographiquement et ce depuis l'enfance, par la fréquentation d'établissements scolaires et de filières d'études, de quartiers, de lieux de vies et de vacances, très différents.


Pourrait-on en conclure qu'une société aux structures plus égalitaires permettrait, comme dans les pays du nord de l'Europe, d'apaiser les angoisses de ces parents hélicoptères, et ainsi de rétablir une plus grande égalité des enfants ?


Il n'est pas sûr que ce soit aussi simple. Même si les pays du nord sont moins touchés, ils vivent aussi les phénomènes anxiogènes qui touchent les autres pays d'Europe, délinquance, immigration de masse, confrontation à l'islam politique, baisse des prestations des états providences, stagnation des croissances, qui contribuent à créer des situations de précarité, des regroupements de populations dans des quartiers populaires et insécures ou gentrifiés et sécurisés, selon ses moyens. Le phénomène des « White flights », entendre la fuite des blancs fortunés depuis des quartiers populaires et métissés en direction de quartiers plus sûrs et plus rupins, a été largement théorisé. Il s'agit là d'un trait sociologique commun aux pays et aux populations les plus développés. Et par là même, on assiste à la montée de l'angoisse de ces parents hélicoptères qui font tout pour s'assurer que leurs enfants resteront dans la classe sociale à laquelle ils appartiennent. Reste à savoir si un retour à une société plus égalitaire est possible, entendre, une société dans laquelle, comme durant les trente glorieuses, l'écart entre les 10 % de salaires les plus élevés et les 10 % des salaires les moins élevés, était moins important : on n'en prend pas le chemin. Malgré les incantations et les discours, tout est mis en place, au contraire, pour que les pans de la société ne se rencontrent pas, afin même, qu'ils ne se retrouvent pas face à face, comme l'a expliqué le ministre de l'intérieur démissionnaire Gérard Collomb. Ces parents hélicoptères traduisent, à mon sens, plutôt une tentative désespérée de sauve qui peut individuel...

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