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Les difficultés des médias traditionnels à s'adapter face au glissement des réseaux sociaux en médias sociaux
©LOIC VENANCE / AFP

Bonnes feuilles

Guillaume Klossa publie "Media for Good" chez Débats Publics éditions. A l'heure des Fake news et de la désinformation de masse, Guillaume Klossa est convaincu que nous avons besoin de médias exemplaires qui, plutôt que de nourrir les crises, aident les citoyens à comprendre les défis de notre temps. C'est la condition pour construire la démocratie du XXIe siècle. Extrait 2/2.

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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La clé de la confiance, c’est la qualité des contenus des médias et d’abord la qualité de l’information, et donc sa véracité, parce que le rôle historique des médias, avant d’éduquer ou de divertir, a été d’informer. Or, la perception dans l’opinion publique, à tort ou à raison, est que la qualité de l’information a décliné. Il y a plusieurs facteurs qui justifient cette perception.

On constate d’abord qu’existe le sentiment que l’information ne traite pas bien la réalité, que les journalistes ont du mal à saisir et à restituer les faits correctement et, surtout, à les mettre en perspective. Le monde s’est transformé très rapidement. Le monde actuel est pluriel, globalisé, en évolution de plus en plus rapide, les citoyens perçoivent que leur quotidien est affecté par des phénomènes qui dépassent largement le cadre national et les menacent (migrations, réchauffement climatique, rééquilibrage géopolitique…), phénomènes qui créent des peurs d’autant plus fortes qu’ils ne sont pas sûrs de les comprendre et qu’une partie croissante de la population voit l’avenir de manière anxiogène. Faute de comprendre, certains sont tentés par le repli et beaucoup plus sensibles aux stéréotypes et aux idées reçues qui deviennent de plus en plus difficiles à combattre. Le média du XXIe siècle doit vivre avec son temps et donc répondre à ces préoccupations nouvelles de mise en perspective, d’approche comparative, de fourniture de repères fiables pour comprendre des réalités de plus en plus complexes et se donner les moyens de combattre des stéréotypes qui peuvent s’enraciner rapidement dans les esprits ; il doit sortir de son marché historiquement national, se faire plus ouvert, traiter de la diversité, anticiper les phénomènes de société et être capable de montrer comment un fait s’articule dans une réalité locale, nationale, européenne ou globale, enfin donner des éléments de comparaison… Les technologies sont désormais là pour l’aider dans ces fonctions plus complexes à intégrer. J’avais animé dans le cadre du Prix Italia qui s’est tenu à Lampedusa une réflexion sur la manière dont les données extrêmement nombreuses disponibles sur les migrations et les technologies liées peuvent aider à mieux mettre en perspective des enjeux difficiles à cerner pour les citoyens. Beaucoup de journalistes réfléchissent à la manière de relever ce défi, souvent dans le cadre de collaborations avec des centres de recherche spécialisés et des experts de l’utilisation et de la mise en valeur des données. De nouveaux programmes d’information sont créés avec de nouvelles formes narratives. #DataGueule, par exemple, un programme de France Télévisions, qui vise à mettre en perspective un sujet à travers des faits et des données comparatives, est une source d’inspiration pour l’ensemble du secteur. C’est une première génération de programmes capitalisant sur l’utilisation des données disponibles sur un sujet particulier.

Ensuite, le développement des fake news, ou des infox, voire des fausses nouvelles d’État ou de groupes de pression privés, catégorie à part entière de désinformation, qui a été rendu possible par le succès des réseaux sociaux, a jeté un doute profond sur l’ensemble des médias d’information. Les réseaux sociaux sont devenus des médias sociaux par un glissement dans la perception des utilisateurs sur ce qu’est une information. Les commentaires et les avis des utilisateurs (et influenceurs) sont devenus informations, avec une propagation inédite des rumeurs, des hoax et des fake news. Dans le même temps, les médias traditionnels ont cherché à s’adapter à l’information numérique en mettant l’accent sur le gratuit et l’instantanéité, qui sont devenus des standards de l’information numérique. Mais l’information gratuite est souvent partielle, la mise en perspective étant réservée à des informations payantes à plus forte valeur ajoutée. Enfin, la course à la visibilité sur les réseaux sociaux favorise les informations les plus spectaculaires et les faits divers, brouillant les lignes entre informations importantes et secondaires. À l’heure de la concurrence entre les chaînes et les sites d’information, il faut être le plus rapide, le premier à tirer. Résultat, cette course à l’échalote a favorisé la multiplication des erreurs et des approximations au sein des agences de presse et dans les rédactions des médias traditionnels. En Suède, par exemple, pays où la population est hyperconnectée quelle que soit la génération, les médias sociaux semblent avoir joué un rôle majeur dans le sentiment d’insécurité du pays, alors que rien n’a substantiellement évolué depuis une dizaine d’années et que l’ensemble des indicateurs économiques est au vert. Force est de reconnaître que la contrainte budgétaire partout à l’œuvre dans les médias historiques a accru ces phénomènes. Plus d’information à vérifier, moins de moyens humains pour le faire, plus de façons de viraliser des informations. À l’heure du « tous connectés », cette combinaison peut être mortifère pour la crédibilité des médias et menace la démocratie.

Extrait du livre "Media for Good" de Guillaume Klossa, publié chez Débats Publics éditions.  

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