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Libération sous condition pour Laurent Gbagbo : la Côte d’Ivoire face au risque d’embrasement
©Peter Dejong / ANP / AFP

Retour ?

La Cour Pénal Internationale a blanchi Laurent Gbagbo des accusations de "crimes contre l'humanité" relatifs à la crise ivoirienne de 2010-2011. Mais si la Côte d'Ivoire est en apparence pacifiée, les plaies sont encore vives entre le camp du président Ouattara et les pro-Gbagbo.

Antoine Glaser

Antoine Glaser

Antoine Glaser est un journaliste et écrivain.

Il est le fondateur et l'ancien rédacteur en chef de La Lettre du Continent, lettre confidentielle bimensuelle consacrée à l'Afrique.

Il est l'auteur de Comment la France a perdu l'Afrique (Hachette Littératures, 2006) et Sarko en Afrique (Plon, 2008)

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Atlantico : La Cour Pénal Internationale a blanchi Laurent Gbagbo des accusations de "crimes contre l'humanité" relatifs à la crise ivoirienne de 2010-2011. Un soulagement pour ses partisans qui clament son innocence depuis son arrestation. Cependant, même si la Côte d'Ivoire est en apparence pacifiée, les plaies sont encore vives entre le camp du président Ouattara et les pro-Gbagbo. Le retour de ce dernier au pays ne risque-t-il de provoquer des tensions pouvant déboucher sur un nouveau conflit ?

Antoine Glaser : Les tensions existent en Côte d'Ivoire, depuis le coup d'état contre Henri Konan Bédié en 1999 où Gbagbo et Ouattara s'étaient allié contre le président. Cependant les alliances sont changeantes, ainsi on a vu Alassane Ouattara soutenir Konan Bédié un peu plus tard. Actuellement le pays n'avance pas sur le plan politique, la Côte d'Ivoire est très divisée en son sein, et Laurent Gbagbo jouit encore de soutiens très importants. Mais il faut relever que l'affaire Gbagbo à la Cour Pénale Internationale était vicié dès le départ, Alassane Ouattara a tout fait pour envoyer son rival devant la CPI. Mais dans le même temps, pour des raisons de politique intérieure, il a refusé d''y envoyer l'ex première dame Simone Gbagbo, qui avait pourtant des fonctions politiques de premier plan du temps de son mari. Aussi la CPI réclamait à Ouattara certains de ses soutiens, notamment des commandants (pour la plupart anciens rebelles) qui avaient commis de terribles exactions envers le camp d'en face. Inutile de préciser que Ouattara a bien évidemment fait la sourde oreille. On est déjà dans une nouvelle situation tendue au plan politique, avec l'un des plus importants groupes ethniques du pays, les Bétés, qui soutientGbagbo. Alors que les ethnies du nord soutiennent Ouattara. On peut dire que l'on est dans un axe nord contre sud, de plus il n'y a pas eu de réconciliation nationale. Le pays se porte plutôt bien économiquement, mais la situation politique reste très tendue. Au-delà même du retour hypothétique de Gbagbo en Côte d'Ivoire, le pays avance vers une période très délicate. Pendant des semaines Ouattara a rencontré Konan Bédié pour essayer de s'entendre avec lui, et donc d'amoindrir les tensions, mais cela n'a rien donné. Pas étonnant, puisque Ouattara avait promis une alternance dans son gouvernement si Konan Bédié appelait à voter pour lui (en 2010 puis 2015), or Ouattara n'a pas respecté sa promesse.

La France avait été particulièrement active lors de la guerre civile en 2011-2012, et est accusée d'avoir délibérément soutenu Ouattara et aidé à évincer Laurent Gbagbo. Alors que le Président Macron a annoncé un changement de cap dans la façon dont la France pensait ses relations politiques avec l'Afrique. Le retour de Gbagbo pourrait-il être une épine dans le pied de la France ?

Pas vraiment, dans le sens où le voit bien qu'il y a une volonté d'Emmanuel Macron de faire "l'écho des savanes". La France défend ses intérêts stratégiques et ses entreprises, on l'a bien vu avec la construction du tramway d'Abidjan. Macron essaye de garder l'influence française en Afrique de l'Ouest, pas facile car en France il y a une diaspora africaine qui veut peser dans la politique africaine française. Pour la Côte d'Ivoire, ce sont les pro-Gbagbo qui sont à Paris. Cependant le président veut s'appuyer sur l'Union Africaine, c'est elle qui doit avoir le dernier mot. On l'a vu quand Jean-Yves Le Drian est allé au Burkina Fasso et en Centrafrique, furieux d'y trouver des Russes, Macron a dit qu'il fallait déléguer à l'Union. Il y a une volonté de la France de se désengager de son pré-carré africain. Mais si Gbagbo ne peut pas rentrer au pays, il est certain que ses partisans vont manifester à Paris en accusant la France d'avoir pesé pour qu'il reste en prison.

On a beaucoup accablé Laurent Gbagbo sur son bilan en temps que président de la Côte d'Ivoire. Cependant des observateurs avancent aujourd'hui que la corruption, et donc l'enlisement économique du pays, ne sont pas seulement imputable à sa présidence. Qu'en est-il ?

Tous le monde voyait en Ouattara un brillant économiste, ami personnel de Nicolas Sarkozy et de l'ancien patron du FMI Michel Camdessus, qui l'avait vanté dans les salons parisiens. Le pays a des infrastructures économiques viables, mais la corruption est endémique, d'ailleurs on s'en plait beaucoup dans les milieux d'affaires français. Laurent Gbagbo n'a jamais été un homme d'argent, il n'a jamais eu de compte en Suisse ou de biens mal-acquis, même si on peut le critiquer sur le plan politique. De fait on peut dire qu'il y a plus de corruption actuellement que du temps de Gbagbo.

Antoine Glaser est l'auteur de Nos chers espions en Afrique (Fayard) co écrit avec Thomas Hofnung

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