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Pourquoi l’Europe n’a toujours rien compris aux racines réelles du Brexit
©Ben STANSALL / AFP

Leçons du Brexit

Intervenu au cours de l'année 2016, le Brexit continue de rythmer l'agenda britannique et européen dans le cadre d'interminables négociations.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico: Au regard des origines du référendum britannique, une révision de l'approche des négociations ne pourrait-elle pas prendre forme ?

Nicolas Goetzmann: Le Brexit est intervenu suite à la promesse faite par David Cameron de renégocier la position britannique dans l'Union européenne, notamment sur des questions de régulation économique mais principalement sur celle de la mobilité des personnes, et donc de l'immigration. Mais les avancées obtenues alors n'ont pas été jugées suffisantes pour éviter la mise en place du référendum. Puis, le vote en faveur du Brexit s'est formé sur une volonté de la majorité des britanniques de "reprendre le contrôle", une recherche de souveraineté, aussi bien économique que migratoire. Mais la composition du vote a aussi fait apparaître une structuration sociale qui peut être mise en lien avec le vote de Maastricht en 1992 en France, c’est-à-dire une opposition par catégories de revenus et de diplômes, entre un Royaume Uni du haut, et celui du bas. Une opposition retrouvée également dans le vote Trump ou dans le mouvement des Gilets jaunes en France. Ce qui signifie que le Brexit n'est pas un affront à l'Europe en tant que tel, le Brexit devrait plutôt servir de leçon à l'Union européenne, non pas pour s'autodétruire, mais pour évoluer dans un sens qui est partagé par les populations européennes. La politique d'accompagnement du Brexit par Theresa May est quand même l'exemple de la prise en compte des aspirations populaires par un parti de gouvernement. La fin de l'austérité (monétaire ou fiscale), la prise en compte de l'ensemble de la population dans un projet économique commun, et non plus réservée à quelques-uns, et une maitrise raisonnée des flux migratoires. Il est tout de même compliqué de dénoncer l'illégitimité de ces thématiques. On pourrait peut-être critiquer les résultats obtenus, mais les discours de Theresa May vont clairement en ce sens. En faisant la guerre frontale au Brexit, l'Europe rate le coche. Parce que l'enjeu européen aurait justement été de reprendre à son compte les aspirations dévoilées par cet événement. Comme si les pays européens étaient immunisés de ce que sont les demandes de la population britannique, alors qu'elles sont identiques à ce qui est demandé sur le continent. Les dernières données relatives au vote Brexit montrent une corrélation avec un faible niveau d'éducation, le chômage, l'emploi manufacturier, ou un manque de qualité des services publics. Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec le phénomène des Gilets jaunes.

Qu'est-ce que les européens auraient à apprendre du Brexit lui-même, en lieu et place d'y voir un affront existentiel ?

Il suffit de regarder ce que propose Theresa May quand elle n'est pas engluée dans les négociations du Brexit. L'enjeu pour elle est de trouver une alternative à un modèle économique qui repose avant tout sur la finance londonienne. A cette fin, Theresa May a dévoilé toute une série de mesures sur la question de sa politique industrielle, de la recherche et du développement, du partenariat entre les entreprises et les universités sur ces questions d'innovation, ou encore des dépenses d'infrastructures sur l'ensemble du territoire britannique. Cette approche découle notamment des travaux de Marianna Mazzucato, qui démontre l'importance des États dans le domaine de l'innovation. Parce que le secteur privé n'accepte d'investir qu'à partir du moment où un acteur étatique a déjà pris tous les risques dans le domaine de la recherche. Ce qui rappelle les travaux de Robert Gordon à la fin des années 90, qui soulignait l'importance des partenariats publics privés dans la croissance de la productivité américaine. En projetant ainsi un nouveau modèle de croissance dont l'objectif est de remplacer la finance comme moteur de l'économie britannique, Theresa May ouvre simplement la voie à un capitalisme plus intégré que ne l'était celui de la finance. L'enjeu est d'inclure la plus grande partie de la population, de faire croître la productivité, et donc le niveau de vie de la population. L'Europe pourrait s'inspirer de ces pistes pour retrouver le chemin de la croissance, tout comme elle pourrait prendre en compte les aspirations de ses populations les plus fragiles sur les questions de niveau de vie, ou encore sur les questions migratoires. Mais pour le moment, c'est l'opposition radicale qui domine. 

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