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Après les luttes sociétales, l’écologie comme seul ADN sera-t-elle le dernier clou dans le cercueil de la gauche socialiste ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Illusion vertes

Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a dressé ce lundi l'inventaire du quinquennat de François Hollande. Un "devoir" avant de se tourner vers les élections européennes.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Lors d'une interview donnée à Europe 1, Yannick Jadot a déclaré "La situation est dramatique dans les campagnes, pour les paysans et la nature, et on a peur quand on mange. Emmanuel Macron a une responsabilité criminelle au regard des effets démontrés sur la santé du glyphosate". De Benoît Hamon à EELV en passant par "Place publique" ou les autres mouvements politiques, la question écologique semble aujourd’hui dominer toute autre forme de positionnement politique. Comment expliquer cette logique, notamment au PS, d'un passage de témoin idéologique du prisme sociétal au prisme écologique ? 

Maxime Tandonnet : Le parti socialiste et la gauche en général ont connu une profonde mutation idéologique au cours des 40 dernières années qui s'exprime dans les rapports de Terranova. A la fin du XIXe siècle, et au cours du XXe siècle, notamment à travers la SFIO, ils se présentaient avant tout comme le parti qui défendait la cause de la classe ouvrière face au patronat et à la bourgeoisie. La lutte contre le chômage, pour les salaires et des conditions de travail était leur principale raison d'exister. Il est probable que les mutations en profondeur des sociétés occidentales ont favorisé une transformation profonde de la gauche: désindustrialisation, tertiarisation, robotisation, informatisation. A la défense de la classe ouvrière s'est substitué la prise en compte des préoccupations d'un milieu urbain plutôt instruit et privilégié très attaché à des enjeux individuels liés à la qualité de la vie en particulier les questions de santé et d'environnement. Le phénomène est de nature idéologique. Nous assistons sans doute à un recul des grandes causes collectives qui mobilisaient la gauche traditionnelle comme l'anticolonialisme ou le tiers-mondisme au profit de préoccupations centrées sur l'épanouissement individuel.

Olivier Faure dressait ce lundi soir l'inventaire du PS dans un objectif avoué d'Union de la Gauche. Comment expliquer qu'une telle union ne semble pouvoir être réalisée que par ce prisme écologique ? 

Les marges de manoeuvre sur le plan économique et social sont réduites. Que peut encore promettre la gauche à cet égard? Depuis près de 40 ans elle échoue dans la lutte contre le chômage. Cette impasse avait été le drame des années Mitterrand de 1981 à 1995. Elle n'a jamais pu tenir ses engagements à cet égard. Puis il y eut l'échec du gouvernement Jospin sur ce thème entre 1997 et 2002. Récemment, entre 2012 et 2017, le président Hollande ne cessait d'annoncer une amélioration qui n'est jamais venue. Nul n'a jamais trouvé la recette miracle, à droite comme à gauche, pour renouer avec une marche vers le plein emploi. La gauche évite donc de remettre cette question qui la renvoie à l'histoire de ses échecs au coeur de son discours. Elle peut difficilement parler de la sécurité ou de l'immigration, sachant que ces sujets préoccupent l'opinion publique et qu'un discours d'angélisme lui serait fatal. Il reste l'écologie, la défense de l'environnement et de la santé publique, commun dénominateur à l'ensemble des Français sur lesquels elle peut facilement se retrouver sur un mode consensuel.

Une telle stratégie n'est-elle pas autant une impasse que le prisme sociétal dans l'objectif d'une reconquête de l'électorat ?

En effet, c'est assez probable. Les centres d'intérêt essentiel de la gauche d'aujourd'hui, sur les moeurs, les questions sociétales, l'écologie, concernent une frange de la population française en particulier la bourgeoisie urbaine progressiste qui défend ces valeurs. Mais ils ne sont pas prioritaires au regard des préoccupations de la France dite périphérique, la plus touchée par le chômage, les fins de mois difficiles, le prix de l'essence, les inquiétudes liées à la scolarité des enfants, l'insécurité. La droite non plus n'a pas trouvé le bon ton pour restaurer la confiance auprès des couches populaires qui se retrouvent dans le vote protestataire, l'abstentionnisme, ou le soutien aux Gilets Jaunes. Le devoir d'inventaire dont se réclame M. Faure se rattache un peu à cette logique. Pourqui avons-nous échoué? Il est improbable qu'il suffise à ramener la confiance. Pour toucher de nouveau la France populaire, il faudrait que la gauche change profondément et trouve les mots pour parler à ceux qui se sentent abandonnés par la France dite d'en haut. Nous en sommes très loin...

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