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Philippe Juvin : « C’est une chose que de réclamer des références aux racines grecques, romaines ou chrétiennes de l’Europe, c’en est une autre de passer à l’acte »
©PIERRE VERDY / AFP

Entretien

Le député européen LR sortant Philippe Juvin a déposé sa candidature pour être tête de liste de son parti aux élections européennes. Ce mardi, la commission nationale d’investiture devra trancher entre sa candidature et notamment celle du favori, François-Xavier Bellamy.

Philippe Juvin

Philippe Juvin

Philippe Juvin est professeur de Médecine, chef du service des urgences, HEGP, Paris. Il est également député des Hauts-de-Seine et conseiller municipal de La Garenne-Colombes.

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Atlantico : Vous avez officiellement déposé votre candidature pour la tête de liste LR aux européennes dans une lettre adressée aux membres de la CNI. Quel projet voudriez-vous porter que n’incarnerait pas François-Xavier Bellamy, le candidat proposé par Laurent Wauquiez ? 

Philippe Juvin : Je pense que chez Les Républicains nous avons un avantage que les autres partis politiques n’ont pas. C’est-à-dire un nombre important de députés sortants qui ont de l’expérience et sont respectés au Parlement européen. 

Expérimentés, ces députés peuvent avoir une certaine influence, ce qui est un avantage considérable pour notre parti. Pour peser dans la balance européenne, cette expérience est absolument nécessaire. À titre d’exemple, pourquoi l’Allemagne a-t-elle tant d’influence au Parlement ? Parce que les Allemands prennent le parti-pris d’envoyer leurs députés y faire carrière, investir le Parlement et le maîtriser. En France, nous devons en faire de même.

Je me situe donc dans cette tranche. Ma candidature est celle d’un député expérimenté, qui a l’habitude de défendre les intérêts de la France.  

Sur qui pouvez-vous compter dans le parti ? Valérie Pecresse, Bruno Retailleau, Gérard Larcher ou autres, qui vous paraît le plus proche de la ligne européenne que vous voudriez incarner ?


Je ne peux pas répondre à cette question parce que selon moi, le choix des députés européens doit correspondre à une ligne politique bien définie. Il s’agit-là de choisir des personnalités expérimentées, qui seront à même de servir le pays. 

Cela dit, j’ai toujours été sarkozyste, car selon moi, le grand moment européen pour LR a été celui durant lequel la France présidait le Conseil. Là est ma référence politique.

Marine Le Pen expliquait ce week-end dans une interview au Point qu’elle voulait installer le duel entre ceux pour qui, comme elle, la politique se structure autour de la nation et de la protection et ceux comme Emmanuel Macron qui considèrent qu’elle se structure autour du mondialisme. Les Républicains peuvent-ils échapper à ce piège qui même s’il est contestable intellectuellement parle quand même à pas mal d’électeurs ?

C’est un piège qui rend Marine Le Pen et Emmanuel Macron complices. En effet, tous deux essayent de faire croire aux Français que le monde est partagé entre ceux qui croient en la nation et ceux qui croient en l’Europe. Moi, je crois aux deux. 

Je suis européen parce que je suis patriote. Si la France veut continuer d’éclairer le monde, ce que personnellement je souhaite, elle doit pouvoir compter sur un véhicule de puissance, ce qu’est l’UE. Seule, la France ne peut pas faire le poids face à des États continents, l'Union européenne est son seul moyen de continuer à peser dans la balance internationale. 

Les vrais patriotes, aujourd’hui, sont donc européens. Et d’ailleurs, je questionne cette notion de patriotisme si chère : il y a 10 ans, j’étais officier de l’armée française à Kaboul et je n’y ai aucun proche de Marine Le Pen.


La ligne LR sur l’Europe est devenue un peu difficile à suivre tant les zig zags ont pu paraître nombreux ces dernières années. Comment résumeriez-vous celle que porte Laurent Wauquiez ? Et comment définiriez-vous celle qui vous paraît souhaitable ?

La ligne LR sur l’Europe a été définie à Menton au mois de juillet dernier. Les axes principaux en sont les suivants :

Protéger l’Europe des agressions commerciales extérieures par une politique de préférence d’achat européen. Par exemple, quand le Premier ministre belge (grand allié d’Emmanuel Macron) achète un avion de combat américain, il trahit l’Europe. Au contraire, il faut protéger les intérêts européens, et en particulier l’industrie européenne. 

Faire en sorte qu’il n’y ait plus de concurrence déloyale entre les Etats membres à l’intérieur de l'Union européenne. Le fait que l’impôt sur les sociétés varie du simple au triple selon les Etats est contraire à l’esprit d’un marché unique. C’est pour ça que je souhaite voir une politique fiscale homogénéisée en Europe. 

Sur les questions de sécurité et de contrôle de l’immigration, nous devrions interconnecter les fichiers de Frontex et de Schengen qui sont aujourd’hui indépendants. L’UE doit également faire adopter des politiques identiques aux Etats en matière de droit d’asile. 

En matière de défense, la proposition d’armée européenne du président français est un coup de communication mais il faut absolument, en revanche, constituer une industrie de défense européenne qui puisse assurer notre souveraineté.

En matière d’agriculture, il faut bien évidemment ne pas brader la PAC comme l’a fait E. Macron jusqu'alors. Au-delà des emplois des agriculteurs, c’est notre indépendance qui en dépend. 


Au-delà de l’adhésion intellectuelle ou morale au projet européen, que pensez-vous de l’état réel de l’Europe ? Qui sont encore les alliés de la France et ceux qui pourraient nous aider à porter le projet qui est le vôtre ?


On est européen parce que l’on croit en un projet de civilisation, or ce projet, il faut le cultiver. C’est une chose que de réclamer des références constantes aux racines grecques, romaines ou chrétiennes ; s’en est une autre que de passer à l’acte. Ce que je souhaite, c’est que l’on apprenne aux écoliers la véritable histoire commune de l’Europe afin de faire naître un sentiment d’appartenance. 

Pour ce qui est des alliances, pour peser au sein de l’UE, il faut des alliées au Parlement européen ainsi qu’au Conseil. Emmanuel Macron, derrière son discours très europhile, nous a en réalité beaucoup isolé. En ce sens, il a abîmé notre relation avec l’Italie, la Hongrie, la Pologne voire même avec l’Allemagne en raisons de ses leçons de morale à Angela Merkel. 

Pour peser en Europe et tisser des alliances, il faut de l’humilité et de la vertu -au sens de capacité à gérer correctement son pays- deux choses que l’actuel président n’a pas.


À l’heure d’aujourd’hui, la réalité, c’est que nous n’avons plus d’alliés stables et que nous n’avons jamais été aussi isolés. Hormis des alliances ponctuelles avec des pays qui ne font pas partis des grandes puissances européennes -Portugal, Espagne- Emmanuel Macron s’est à mis l’Europe à dos.

La crise des Gilets jaunes qui aurait pu aider Les Républicains à retrouver le devant de la scène politique -ils sont quand même le premier parti d’opposition en nombre de parlementaires ou d’élus locaux dans le pays- les a au contraire enfoncé dans les profondeurs des enquêtes d’opinion. Quel projet politique devrait selon vous incarner les LR au niveau national pour ne pas être asphyxiés par le duel LREM/ RN ?

Il est vrai que LR n’a pas su bénéficier de la crise des gilets jaunes et c’est regrettable. Dans l’actuel "brouhaha" il est bien difficile d’afficher un message politique audible, or celui que LR se doit de diffuser est que le parti dispose de députés sortants expérimentés et respectés. 

Un certain nombre d’entre eux sont issus de la société civile et au-delà des sujets que nous serons amenés à développer durant notre campagne, c’est ce point -celui que je viens de développer- que l’on doit mettre en exergue. Le reste, ce n’est qu’une affaire de communication. L’important, ce sont nos députés. Des députés qui sont d’autant plus une force face aux amateurs de LREM. 

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