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Vague mondiale d'endettement : sommes-nous confronté à une situation inédite ?
©Reuters

Terra incognita

Dans le Washington Post, Robert Samuelson s'inquiétait récemment de l'accumulation spectaculaire de la dette depuis une dizaine d'années dans le monde.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Sommes-nous vraiment confrontés à une vague mondiale d'endettement ?

Jean-Paul Betbèze : Oui, mais ce n’est qu’une partie du problème. Oui, d’abord, la dette mondiale ne cesse de monter, toutes les instances mondiales de mesure en conviennent, FMI, BRI notamment. L’IIF, l’Institut International de Finance vient ainsi d’ajouter sa pierre à l’édifice et de calculer qu’en septembre 2018 la somme totale de la dette mondiale, privée et publique, atteignait 244 trillions de dollars, soit 3,2 fois le PIB mondial.

Comme à chaque fois, les messages rassurants abondent : cette dette est très répartie dans le monde, les pays en difficulté sont connus et aidés, comme l’Argentine, d’autres se sortent peu à peu d’affaire, comme la Grèce. Le pays en difficulté extrême est le Venezuela. Il est soutenu en fait par la Chine, qui prend ses risques, sans que l’on puisse penser à un effet domino mondial quand l’insolvabilité du pays aura été officiellement reconnue par les autorités.

D’autres messages « apaisants » mettent en avant le fait que c’est surtout la dette publique qui a monté dans les pays mûrs, comme les Etats-Unis ou la France, et par « mûrs », il faut sans doute entendre : « sûrs ». En même temps, on nous dit que la dette privée a certes partout monté, mais relativement moins que la dette publique, à la fois pour les ménages (elle est multipliée par 2,7 sur la période, passant de 17 à 46 trillions) et pour les entreprises. Pour ces dernières, elle est multipliée par 3, passant de 24 à 73 trillions, mais on nous dit que c’est l’effet d’un usage plus répandu de la dette privée dans les pays émergents, où elle a soutenu la croissance. Au fond, les états s’endettent dans les pays vieux, et les entreprises dans les jeunes.

Ajoutons alors que ces dettes ont des contreparties : des actifs, bien sûr. Un travail du FMI sur 31 pays, représentant 61 % du PIB mondial montre un actif net positif… sauf la plupart des pays du G7 dont les États-Unis, où l’actif net est de -16,7% du PIB ! C’est donc sérieux, malgré tout.

La préoccupation est-elle le ralentissement de la croissance qui rendrait les services de la dette plus ardus ?

Oui, c’est le risque majeur avec le ralentissement économique mondial en cours, aux États-Unis (avec en plus le shutdown), en Chine, pour partie en liaison avec le ralentissement dû aux tensions avec les États-Unis, et en zone euro (avec l’Allemagne et la France qui inquiètent, l’Allemagne pour ses exportations et la France pour ses « gilets jaunes »). Aujourd’hui, le risque majeur est donc bien celui du ralentissement. Il peut affecter surtout des entreprises trop endettées (qui avaient profité des taux bas, alors qu’elles étaient fragiles, dans l’espoir de se refaire) et donc aussi les banques : c’est bien le signal envoyé par les bourses.

Il y a quelques mois, on pensait à un risque inverse : la croissance américaine ferait monter les taux court et longs dans le monde, ce qui pèserait, par la hausse des taux, sur les entreprises trop endettées !

Y a-t-il un risque de crise financière ? Qui est aujourd'hui particulièrement concerné ?

Le cycle mondial s’est retourné depuis six mois, en liaison avec la politique américaine qui inquiète, après avoir suscité un boum boursier grâce à la baisse des impôts. Le passage de l’euphorie à l’inquiétude a lieu sous nos yeux, empêchant les hausses de taux. Il n’y en aura pas en zone euro, peut-être une seule aux États-Unis, alors que la Fed parlait de 3 il y a six mois ! Les pays les plus fragiles sont déjà ceux en ralentissement et en chute boursière, comme la Turquie, pour des raisons politiques. De manière générale, ce seront les pays émergents qui vont inquiéter, avec 2 trillions de dette qui arrivent à échéance (1 en dollar, le reste en monnaie locale) qu’il faudra refinancer. C’est là le problème majeur : le ralentissement, pas la hausse des taux. Quant aux pays du G7, ils serviront de refuge. Les bons du trésor à 10 ans sont à 2,7% aux États-Unis, à 1,3% au Royaume Unis (les marchés ne croient plus au Brexit ?), 0,2% en Allemagne, en France (les « gilets jaunes » n’inquiètent pas !) et à 2,8% en Italie (où tout le monde se rue !).

Bref dans un monde qui se rend compte qu’il est surendetté parce qu’il n’est pas sorti de la crise, même si les taux ont été très bas, et qu’il ralentit, c’est surtout la dette des émergents qui inquiète. 

La tribune de Robert Samuelson

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