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Brexit : rien n’est joué pour le royaume-Uni même en cas de sortie sans accord
©Tolga AKMEN / AFP

Keep calm

A l’heure où la plus grande confusion règne sur la question du Brexit, quelques vérités doivent être rétablies.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Le rejet sans appel le 15 janvier de la proposition d’accord de sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni conclu par le gouvernement de Theresa May et les Européens a provoqué une avalanche de commentaires mi-sardoniques, mi bien-pensants, soulignant le caractère insoluble du Brexit et le confort douillet du maintien dans l’Union.

Disons-le tout net, telle n’est pas notre vision.

D’abord, le vote de la chambre des Communes du 15 janvier n’est pas une catastrophe. Il était anticipé. Il n’a pas provoqué de panique financière (la livre est même remontée face à l’euro). Il reste du temps pour faire voter un accord acceptable au parlement britannique et un report de l’échéance du 29 mars est parfaitement envisageable pour éviter un « no deal » brutal.

En réalité, la confusion apparente autour des conditions de sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni n’a rien de surprenant. Cette démarche inédite vise à détricoter les liens juridiques très denses tissés depuis 1972 entre le pays et les institutions européennes. Elle a des effets sur des flux commerciaux et financiers massifs. Elle a le potentiel de remettre en cause les fondements des accords de paix irlandais si durement acquis après un long conflit. Surtout, aucune réflexion sérieuse n’avait été menée sur le processus concret permettant de mettre en œuvre l’article 50 du traité européen prévoyant la sortie d’un Etat membre. Les « élites » portent ici une responsabilité : à force de considérer comme nulle et non avenue toute tentative de faire des choix européens (ou politiques, économiques) différents, on interdit tout débat et toute réflexion pratique sur les moyens de conduire un changement de cap le jour où le peuple en déciderait démocratiquement autrement.

Le processus du Brexit va donc se poursuivre, dans un chaos apparent, mais aussi dans un respect qu’il faut saluer des grands principes de la démocratie politique. L’appel à un second référendum par les belles âmes françaises a quelque chose d’écoeurant. C’était le même qui, en 2007, appelait les irlandais à revoter après le rejet du traité de Lisbonne. Il faut dire que les élites françaises ont depuis bien longtemps laissé libre cours à leurs instincts anti-démocratiques au nom de la « dictature du bien ». A cet égard, la volonté de Theresa May de respecter la décision prise en 2016 par le peuple britannique, quoi que l’on pense au fond de cette décision, est une leçon qu’il serait temps d’apprendre. Au Royaume-Uni, le vote populaire a une valeur sacrée. La souveraineté du parlement aussi. Laissons à la grande démocratie britannique le temps de chercher sa voie.

Il faut en outre examiner en détail les raisons du blocage politique. Contrairement à ce qui est trop souvent dit, cette situation ne signifie pas qu’une sortie de l’Union européenne est en elle-même difficile voire impossible. Elle ne dit pas non plus que le vote britannique de 2016 était infondé. Sur le papier, un terrain d’entente entre L’Union européenne et le Royaume-Uni était assez facilement imaginable à partir de quelques principes simples : le retour de la souveraineté britannique sur l’immigration (le sujet majeur de 2016), la négociation d’un accord de libre-échange spécifique permettant de conserver un libre-échange quasi-total pour les échanges de marchandises, la capacité retrouvée par le Royaume-Uni de négocier ses propres accords commerciaux.

Si un accord est si difficile à trouver, cela tient d’abord et avant tout à la question irlandaise qui, il faut bien l’admettre, n’avait été envisagée par personne en 2016. C’est au nom de l’absence de frontière physique entre l’Irlande et l’Irlande du nord, d’une part et entre le Royaume-Uni et l’Irlande du nord d’autre part que Theresa May n’a eu d’autre choix que d’accepter le deal actuel, c’est-à-dire le maintien de l’ensemble du RU dans l’union douanière européenne le temps de déterminer un système douanier soutenable à long-terme.

Si un accord est difficile à trouver, il tient aussi à la position assez irresponsable du parti travailliste et de son leader Jeremy Corbin. Très cyniquement, le Labour a voté massivement contre l’accord proposé par le Premier ministre avec comme seule vraie motivation celle de provoquer sa chute et de nouvelles élections pour lui permettre de reprendre le pouvoir. A l’heure d’une décision historique pour le pays, on aurait pu attendre de la part de la gauche un positionnent plus patriotique. La proposition de Mme May est pragmatique, constructive, et soutenue par l’ensemble des Européens. Elle n’est pas parfaite, elle donne du temps avant de déterminer des relations de long-terme, mais elle assure la continuité des échanges et le respect de la demande populaire britannique. Le refus des « hard brexiters » de soutenir cet accord est maximaliste, mais il répond à une logique politique et idéologique irréfutable (le souhait d’une souveraineté digne de ce nom, c’est à dire intégralement retrouvée). La position du Labour, au contraire, est politicienne. Elle n’est pas à la hauteur de l’enjeu. L’adoption en dernier instance de la proposition de Mme May avec le soutien d’un parti travailliste ayant retrouvé le sens de ses responsabilités reste encore une possibilité.

Au final, l’histoire n’est pas encore écrite. Le Royaume-Uni peut encore conduire un Brexit ordonné et démontrer qu’une voie nationale prospère et souveraine est possible hors de l’Union européenne. Car le Royaume-Uni a toutes les cartes en main pour réussir mieux en dehors de l’Union européenne. Nation au rayonnement mondial, place commerciale et financière majeure, pays de science, d’industrie et d’innovation (la part de l’industrie est supérieure dans le PIB au RU qu’en France !), démocratie forte, pays fier de son histoire, de sa culture et de ses institutions, le pays disposera demain de marges de manœuvre réelles pour trouver sa voie propre dans le monde, tout en maintenant des liens étroits avec tous ses voisins à commencer par la France. Nous lui souhaitons bonne chance !

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