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Populistes ou progressistes, tout le monde patauge dans la même impasse : faut-il maintenant défoncer le mur ou faire marche arrière ?
©Reuters

L’horreur historique

Comme un air "d'Horreur économique" version Viviane Forrester. Emmanuel Macron se trouve confronté au mouvement des Gilets jaunes, Theresa May fait face au rejet de son accord concernant le Brexit, tandis que Donald Trump est absorbé par le shutdown et Angela Merkel est en prise avec une situation de quasi-récession.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico: En quoi progressistes et populistes se trouvent finalement confrontés aux mêmes problématiques ?

Edouard Husson: Nous sommes dans une phase de transition, qui rappelle le tournant du début des années 1980. Rappelons-nous, Margaret Thatcher avait été élue en 1979 et Ronald Reagan fin. 1980. Ils se heurtaient à une très forte résistance de l’establishment politique de leur pays. L’Occident commençait à sortir de 50 ans de politique social-démocrate ou socialiste. La France se distinguait déjà par un choix électoral à rebours de la tendance de l’époque: elle installait un président socialiste au pouvoir, exactement comme elle a élu, voici deux ans, le dernier des néolibéraux.

Les blocages dont vous parlez, aux Etats-Unis ou en Europe, sont le produit de la résistance des néolibéraux à l’avènement d’une politique conservatrice. Le parti démocrate américain résiste au populisme conservateur de Donald Trump et le bras de fer cristallise symboliquement sur la question du contrôle des frontières. En Grande-Bretagne, nous avons une situation différente: Theresa May n’a pas osé aller au bout de la logique conservatrice du référendum de 2016; son gouvernement avait toutes les cartes en main et s’est paralysé lui-même. Emmanuel Macron a décidé de mettre en oeuvre une politique néolibérale radicale au moment où ces politiques suscitent largement le rejet des sociétés et il en subit l’effet boomerang. Quant à Angela Merkel, elle paie largement son refus de faire un compromis avec le monde qui advient: si l’Allemagne avait cherché un accord équilibré sur le Brexit et accepté l’évolution de la zone euro vers une politique monétaire au service de la croissance et de l’emploi, l’Allemagne ne verrait pas sa croissance chuter.

Comment comprendre cette situation particulière pour chaque pays mais finalement générale dans le blocage ? Faut-il y voir une trop place des Etats sous ses différentes formes par rapport au politique, ou plus globalement à une forme de perte de pouvoir des politiques ?

Le problème est à la fois politique et économique. Etats-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne ont choisi, en gros, depuis des années, une baisse des prélèvements obligatoires, une dérégulation du marché du travail et une absence de contrôle de l’immigration. Il en résulte une croissance non négligeable mais avec l’apparition de fortes inégalités: c’est sans doute en Allemagne que l’apparition des «MiniJobs » est la plus spectaculaire, depuis les années Schröder. La France, elle, a maintenu un taux de prélèvements obligatoires de dix points au-dessus de la moyenne de l’OCDE; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle une politique néolibérale a tant d’attraits sur les élites économiques françaises, alors que cette politique a montré ses limites ailleurs. On ajoutera cependant un point qui est commun aux quatre pays: la révolution numérique conduit, dans un premier temps au moins, à la concentration de la décision, de plus en plus loin des citoyens. Ce qui caractérise l’évolution des opinions publics, c’est à peu près partout l’envie de relocaliser la décision: pas simplement au niveau national, aussi au niveau local; en fait, au plus près de l’activité. La révolution numérique, c’est aussi le smartphone et le développement horizontal des réseaux sociaux. Le contresens d’un Macron, lorsqu’il parle de rétablir la « verticalité » du pouvoir ou qu’il supprime la taxe d’habitation, c’est qu’il ne sent pas que le pays a besoin au contraire d’une réappropriation de la décision politique par les citoyens et les collectivités locales. De même, l’Allemagne ne supporte plus les décisions solitaires d’Angela Merkel. C’est aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne que le mouvement du « take back control » a le mieux exprimé les choses. Dans le cas britannique, cela inclut de redéfinir les relations entre Londres, l’Angleterre et les autres nations du Royaume-Uni de Grande-Bretagne.

Quels sont les enjeux politiques qui en découlent ? S'agit-il de choisir de revenir "en arrière" ou plutôt d'affronter l'impasse actuelle en s'affranchissant du cadre établi ?

Tout d’abord, tout dépend de la qualité des leaders qui portent la nouvelle politique. Exactement comme Reagan, Donald Trump est sous-estimé et méprisé par une grande partie des élites; or son bilan est d’ores et déjà impressionnant: recul du chômage, renégociation d’accords commerciaux, évaluation plus réaliste que celle de ses deux prédécesseurs sur la fragilisation de l’Empire américain. En revanche, en Grande-Bretagne, Theresa May se révèle une conservatrice « wet », très hésitante alors qu’elle avait toutes les cartes en main fac à l’UE. En Europe de l’Ouest en général, c’est le manque de personnalités capables de porter le conservatisme en train d’advenir qui est le plus flagrant.  

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