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Robots payeurs : mais que s’est-il vraiment passé sur la cagnotte de soutien aux policiers ?
©Thomas SAMSON / AFP

Astroturfing

44% des donateurs de la cagnotte Leetchi, mise en place pour contrer celle appelant à aider financièrement le boxeur poursuivi pour avoir attaqué des policiers dans le cadre d'une manifestation des gilets jaunes, ont donné plusieurs fois.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : 44% des donateurs de la cagnotte Leetchi, mise en place pour contrer celle appelant à aider financièrement le boxeur poursuivi pour avoir attaqué des policiers dans le cadre d'une manifestation des gilets jaunes, ont donné plusieurs fois. En quoi cette récurrence est-elle surprenante ?

Fabrice Epelboin : Cette récurrence est surprenante parce que dans ce type de cagnotte il est peu courant de voir des gens donner plusieurs en fois en l'espace de 48h. L'explication de Leetchi est que leur site avait des problèmes et que donc les donateurs s'y prenaient à plusieurs fois pour faire des dons. Il est difficile de se prononcer sur la véracité de cette explication mais ce qui est clair, c'est qu'elle survient au milieu d'une séquence de communication cataclysmique. Ils ont fermé la cagnotte du boxeur sans donner de réelles explications et dans un contexte où l'un des principaux actionnaires du site est l'une des grandes banques françaises (le Crédit Mutuel), il n'y a pas besoin d'être complotiste pour imaginer des connexions avec le pouvoir.

Leetchi est à l'origine de cette communication catastrophique. Moralement, on peut tout à fait réprouver la première cagnotte mais d'un point de vue légal, c'est assez arbitraire. La seconde cagnotte est la cible de nombreuses critiques et peut avoir été victime de bidonnage. C'est donc le contexte qui est problématique. Si la cagnotte du boxeur était restée en place, il y aurait eu un concours de « qui a la plus grosse » et on aurait eu le résultat. Là, la compétition est biaisée. Il n'y a donc pas de sérénité et de confiance prévue.

L'étude du Cévipof parue vendredi souligne ce manque de confiance envers les institutions. Dans le meilleur des cas, nous avons à peine 25% des Français qui ont encore confiance dans la présidence ou le Parlement.

Quelles sont les possibilités que cette cagnotte soit "bidonnée" ?

Selon les dernières études du MIT, la moitié du trafic internet est « faux ». Il y a une multitude de faux avec une multitude d'objectifs différents. Une grosse partie de ces faux sont des robots qui truquent par exemple les revenus publicitaires des sites, comme les médias. Il y a également certains bots qui vont cliquer artificiellement sur des articles de presse. Soit parce que certains vont « acheter » de l'audience pour se mettre en avant, soit parce qu'il y a une volonté de piloter la ligne éditoriale des médias. Si vous gonflez l'audience de certains articles plus que d'autres, vous pouvez inciter certains médias à traiter d'un sujet plutôt que d'un autre les jours suivants. En ciblant certains sujets et en les rendant artificiellement populaires, vous pouvez au bout d'un moment influencer de façon majeure la ligne éditoriale d'un magazine. Les services anglais se sont fait avoir au moment de l'affaire Snowden à utiliser ce type d'outils très simples à utiliser.

Le faux est donc quelque chose d’extrêmement courant sur Internet. C'était il y encore peu de temps qualifié de complotisme mais depuis l'affaire Cambridge Analytica, c'est devenu admis. Seulement à force d'avoir rejeté cette menace auparavant, on a perdu un temps phénoménal dans la lutte contre ce problème, la responsabilité est collective. La presse notamment a particulièrement critiqué ceux comme moi qui tentaient d'alerter et traitait tout ça de conspirationnisne.

Désormais, on en est là. La majorité d'Internet est dominé par le fake, l'élection de Donald Trump s'est basée sur du fake, le vote du Brexit et Boslonaro également. La démocratie est réellement menacée par ce problème.

On peut tout truquer sur Internet. Ensuite truquer une cagnotte, si c'est le cas, c'est à ma connaissance une première mondiale. Mais on se rend désormais compte de l'immensité de la tromperie sur Internet qui est bien supérieure à celle de la propagande qu'on rencontrait auparavant. C'est désormais ce que j'appelle de la « propagande algorithmique » qui consiste à cibler et à délivrer un discours spécifique à chacun.

On a aucune preuve que ça a été truqué, mais nous avons des signes extérieurs qui peuvent laisser penser qu'il y a eu un vrai problème. Leetchi le justifie par un problème technique mais il faut les croire sur parole et qui va croire une banque sur parole actuellement ? Les banques sont juste au-dessus des politiques dans l'indice de confiance... Mais l'on peut malgré tout être certain que ça n'est pas le fait de Leetchi directement. S'il y a eu trucage, Leetchi est une victime. S'ils en avaient été complices, ça aurait été fait de manière beaucoup plus discrète et efficace.

Pour avoir la certitude du trucage, il faudrait un audit indépendant, chose que Leetchi ne voudra jamais, ils ont autre chose à faire. On risque donc de ne jamais avoir le fin mot de l'histoire.  

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