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Le primat du politique sur le droit : un risque toujours présent dans nos sociétés contemporaines
©FREDERICK FLORIN / AFP

Bonnes Feuilles

François Saint-Pierre dans "Le Droit contre les démons de la politique" publié aux éditions Odile Jacob analyse la viabilité des institutions juridique comme source d'opposition à un gouvernement qui déciderait de mettre en oeuvre une politique indigne, contraire aux droits fondamentaux. Extrait 1/2

François  Saint-Pierre

François Saint-Pierre

François Saint-Pierre est avocat. Il consacre son activité à la défense pénaleIl est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Le guide de la défense pénale (Dalloz), Avocat de la défense (Odile Jacob).

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Toute l’organisation judiciaire européenne contemporaine a été fondée en réaction à ce désastre, pour éviter qu’il se reproduise. Or il pourrait se reproduire à l’avenir, pas à l’identique, bien sûr, mais sous d’autres formes, avec des conséquences d’une extrême gravité. Une dénonciation par la France de la Convention européenne des droits de l’homme permettrait à un gouvernement malintentionné de mener des politiques contraires aux droits fondamentaux des personnes, que la Cour européenne ne serait plus en capacité de condamner. Ce n’était peut-être pas le dessein des candidats à l’élection de 2017 qui ont réclamé ce retrait. Mais cette décision, si elle devait être prise un jour, rendrait possible la conduite de telles politiques, qui sont déjà en germe. Le débat qui se tint à l’Assemblée nationale le 20 juillet 2016 en aura été l’augure. Quelques jours auparavant, un terrible attentat terroriste avait été commis à Nice. En réaction, le député Laurent Wauquiez prit la parole pour réclamer l’ouverture de camps d’internement des personnes suspectées d’islamisme, fichées par les services de police, pour une durée indéterminée. Le Premier ministre Manuel Valls s’y opposa fermement, invoquant un principe cardinal du droit, en France depuis 1789, comme dans toutes les démocraties, selon lequel nul ne peut être incarcéré sauf s’il est suspecté d’un crime ou d’un délit, sur la décision d’un juge. À cela, Laurent Wauquiez lui répondit sur le ton de l’imploration : « Mais changez la loi ! », et ses collègues de droite l’approuvèrent . Cette séquence est une parfaite illustration de notre propos. Le député ne se posa pas la question : que dit le droit ? C’est lui qui décida ce que devait dire le droit. La transgression qu’il réclamait ne le freina pas, au contraire. La loi devait être la traduction de sa pensée politique, et puisqu’elle ne lui convenait pas, eh bien, il fallait « changer la loi », afin de répondre à l’attente de l’opinion publique traumatisée. Et peu lui importait que cette mesure risquât de s’avérer fort dangereuse pour la sécurité publique, car l’internement de ces suspects ne pourrait que les radicaliser davantage, ou qu’elle produisît des effets dévastateurs sur leurs familles et les populations ciblées, issues de l’immigration, qui la vivraient comme une injuste discrimination . Laurent Wauquiez incarna cette tradition classique d’un pouvoir politique débridé, que le droit ne devrait pas limiter. Élu président du parti Les Républicains en 2017, il se plaçait à cette époque en situation d’être élu président de la République lors d’une prochaine élection – simple hypothèse pour la démonstration de ce livre. Pourrait-il dans ce cas mener sa politique sans que la justice s’y oppose ? Tout autre élu pourrait-il de même appliquer un programme dit de préférence nationale ouvertement discriminatoire, privilégiant les Français de souche, en soumettant les fraîchement naturalisés et bien sûr les étrangers même en situation régulière à des statuts administratifs et sociaux restreints ? Mais aussi, sur sa lancée, supprimer par exemple le secret des sources des journalistes, comme on l’entend ici et là, afin de brider la presse décidément trop libre ?

Extrait de "Le Droit contre les démons de la politique", de François Saint-Pierre, publié aux éditions Odile Jacob

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