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"Collabeur", "bougnoule", "arabe de service" : le racisme intracommunautaire décomplexé
©FETHI BELAID / AFP

Intolérance

"Collabeur", "bougnoule", "arabe de service" sont quelques exemples d'anathèmes racistes lancés contre des Français d'origine maghrébine (musulmans ou pas) par les ultras identitaires musulmans. Leur conception du monde, de la "race" et de la religion les positionne à l'extrême droite de l'échiquier politique. Ces insultes, contre ceux qu'ils perçoivent comme des traîtres, en sont une des formes d'expression.

Naëm Bestandji

Naëm Bestandji

Écrivain/essayiste, Naëm Bestandji est un laïque et féministe engagé. Il a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers populaires. Il y a toujours vécu et a été très tôt confronté à la montée de l'intégrisme religieux.

Il a publié de nombreux articles sur l’islamisme politique.

Son site internet : https://www.naembestandji.fr/

Il est l’auteur d’un essai remarqué, pour tout comprendre sur le sexisme politique du voile : « Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis, novembre 2021).

Voir la bio »

Article initialement paru sur le blog de Naëm Bestandji 

Les discriminations et propos racistes intracommunautaires sont fréquents. Mais ils ne font l'objet d'aucune étude (à ma connaissance) ni d'aucun projet pour lutter contre ce fléau. Une forme de tabou s'est installée à mesure que la stratégie victimaire s'est développée. Une partie de la sociologie actuelle est trop occupée à détourner sa fonction scientifique pour militer en faveur de "l'intersectionnalité" et des "études décoloniales". Ouvrir un boulevard à l'intégrisme musulman et au racisme victimaire anti "blanc" semble être plus gratifiant que d'étudier les mécanismes du racisme intracommunautaire. Si ce racisme était étudié, donc mis en lumière, cela entacherait l'image orientaliste des éternelles victimes que seraient les "Arabes"/musulmans. Ces derniers subissent effectivement des discriminations en raison de leur religion et/ou de leurs origines ethniques. Mais depuis des années, cela est instrumentalisé par les islamistes et indigénistes. Ils surfent, en profitent pour dénoncer des situations imaginaires, amalgamer la critique d'une religion (et de ses dérives extrémistes) avec les attaques contre des individus. C'est le cœur de leur stratégie victimaire : culpabiliser la société, annihiler toute opposition pour mieux faire avancer leur idéologie totalitaire. Le terme "islamophobie" est leur arme rhétorique principale. C'est à cela que se consacre une partie de la sociologie actuelle. Non pour étudier la stratégie que je viens d'énoncer, mais au contraire pour la valider et la soutenir. En se penchant sur le racisme intracommunautaire, cette frange militante de la sociologie craint de freiner la lutte contre la "blanchité". Elle se conforme ainsi au principe de "l'intersectionnalité" : à l'intersection des discriminations, les victimes intracommunautaires (femmes, gays, apostats, etc.) doivent céder le passage à la lutte contre "l'islamophobie".
L'islamophobie est la peur, la crainte de l'islam. L'exprimer, critiquer, déclarer ne pas aimer cette religion, la caricaturer ou s'en moquer relève de la liberté d'expression, tout comme l'islamophilie. Cette liberté est aussi celle de blasphémer. De plus, le blasphème ne concerne que les croyants. Pour un athée, cela n'a aucun sens.
Or, pour une partie de la population, dont des musulmans, seule l'islamophilie aurait droit de cité. Créer des sites internet, des pages Facebook et des comptes Twitter à la gloire de l'islam, déclarer que c'est une religion de paix et d'amour, twitter toute la journée des versets du Coran, professer constamment les "bienfaits" du sexisme du voile pour amener au "libre choix", ne posent pas de problèmes aux commerçants religieux ni à leurs soutiens. En tant que démocrate et militant laïque, je n'y vois aucun problème non plus. Leur liberté d'expression est garantie par les lois républicaines.
En revanche, l'islamophobie est condamnée par ces mêmes commerçants et soutiens. Déclarer que l'islam est une religion de haine et belliciste, dénoncer les versets violents envers les femmes et les non musulmans, le sexisme du voile, se moquer de l'islam et caricaturer le Prophète devraient être un délit puni par la loi, selon eux. Ces personnes sont anti démocrates par définition.
Toute idéologie politique, philosophique, religieuse est soumise aux mêmes règles de critique que les autres. Les religions sont tout autant soumises à la critique et à la moquerie que le capitalisme, le communisme, un film, un roman, une chanson, une émission culinaire ou Picsou magazine. En démocratie laïque, Moïse, Jésus et Mohamed ne sont pas plus sacrés que Batman, Harry Potter, Jules César ou Napoléon. Mais pour les partisans du terme "islamophobie", l'islam devrait avoir un statut particulier, un privilège d'intouchabilité. Tout obstacle à l'expression de cette religion, même à ses dérives, serait un délit "d'islamophobie". Mais pour la délictualiser, il faut en détourner la définition pour en faire une forme de racisme. On transforme alors l'islam en race, génétiquement incluse en chaque musulman "de naissance". Le musulman, fidèle d'une religion censée être choisie, devient le Musulman, membre assigné à un peuple imaginaire.
Ainsi, toute critique ou moquerie du dogme est déclarée être une attaque contre les croyants. De plus, les intégristes musulmans seraient des musulmans lambda. Toute critique de l'islamisme devient alors une attaque contre l'ensemble des musulmans, donc de "l'islamophobie", donc du racisme... même si ces critiques et moqueries émanent d'autres musulmans. Lutter contre le sexisme du voile n'est pas une attaque contre les femmes voilées et encore moins contre l'ensemble des musulmans. Sinon, cela ferait des musulmans rationalistes, qui luttent contre l'islamisme, des délinquants "islamophobes". Dans les pays musulmans, le terme "islamophobie" n'est pas utilisé. On use d'expressions équivalentes : "atteinte à la religion", "blasphème" voire "apostasie" (rejeter l'extrémisme serait, pour certains, rejeter l'islam tout court).
Ce dévoiement du terme "islamophobie" est le fait des islamistes. Le CCIF, idéologiquement la branche juridique des Frères Musulmans en France, tente depuis des années de faire croire que c'est un délit, quitte à contredire le code pénal. Ce faux racisme en cache un vrai, pratiqué en "interne".
Les commerçants identitaires que sont les islamistes et "décoloniaux" usent des mêmes codes et mécanismes intellectuels que l'extrême droite traditionnelle. Ils font de leurs origines et leur islamité l'alpha et l'oméga de leur identité. Ils ramènent toujours les individus à leurs origines ethniques et à une islamité censée être innée et incrustée dans les gènes. La critique de l'islam(isme) par un musulman, et pire encore l'apostasie, sont ainsi perçues comme des attitudes contre nature qui se paieront un jour ou l'autre par un châtiment divin (ce qui ne veut rien dire pour un apostat). A court terme, ces récalcitrants doivent s'attendre à subir des tentatives de culpabilisation pour être remis sur le "droit chemin", des insultes, des intimidations et des menaces. Voilà la définition islamiste de "la liberté de croire et de ne pas croire, de changer de religion ou de ne pas en avoir". La laïcité est un outil de promotion de leur islamité, pas un principe qui permet réellement d'accéder à la liberté de conscience. Une liberté rejetée par ces identitaires, sauf lorsqu'il s'agit de conversions à l'islam(isme).
Le dévoiement du terme "islamophobie" par les islamistes, et validé par une partie des intellectuels, cache ainsi une islamophobie bien réelle de la part de ces mêmes islamistes. Toute critique de leur radicalité par d'autres musulmans, toute approche rationaliste et progressiste de l'islam, sont violemment combattues par les intégristes et leurs soutiens identitaires "Arabes" (ces derniers sont moins accro à la religion mais tout autant obsédés par l'aspect identitaire de l'islam). Cette peur et ce rejet d'un islam éclairé est la définition exacte de l'islamophobie. Cela pourrait rester au niveau du débat d'idée. Chaque interprétation de l'islam pourrait répondre à une autre par des arguments théologiques, linguistiques, etc. Mais, par définition, les islamistes ne sont pas très branchés "débats d'idées". Ils basculent donc facilement de l'islamophobie vers les actes et propos anti musulmans contre ceux qui ne leur conviennent pas.
Les obsédés de l'assignation identitaire font des musulmans un groupe monolithique. Ils insultent, voire menacent, toute personne qui tenterait de s'émanciper de sa communauté religieuse et/ou ethnique, voire seulement se montrerait trop critique envers sa "communauté". Tous les français d'origine maghrébine concernés sont traités de la même manière. Qu'ils soient apostats ou pas, ils sont victimes des mêmes propos racistes justifiés par la religion de "paix, d'amour et de tolérance". Voilà comment salir l'islam en prétendant le défendre. Sous le couvert hallucinant d'antiracisme, car exprimé par des éternelles "victimes", ce racisme décomplexé est en constante augmentation. Un racisme aidé par des non musulmans, toujours en quête condescendante d'opprimés à défendre, quitte à défendre les pires idéologies. Ces non musulmans rejettent l'affirmation identitaire et religieuse "judéo-chrétienne" mais glorifient celle qui sent bon l'exotisme. C'est le cas de journalistes comme Edwy Plenel, de sociologues comme Vincent Geisser ou de féministes comme Christine Delphy. Grâce à ces soutiens de poids qui légitiment cet ultra identitarisme, dont le racisme est une conséquence, tout français musulman/d'origine maghrébine est susceptible d'en être victime. Celles et ceux médiatiquement exposés par leurs activités politiques, journalistiques ou artistiques sont les plus touchés.
Le comédien et humoriste Malik Bentalha victime du racisme intracommunautaire
Le comédien et humoriste Malik Bentalha n'est pas épargné par le racisme intracommunautaire
Pour mesurer le degré de racisme de ces insultes, il est nécessaire d'en connaître les définitions et la motivation de ceux qui les expriment.
Le plus connu est "bougnoule" : "terme injurieux et raciste pour désigner un Arabe" (Larousse). Son origine est incertaine. Plusieurs théories se côtoient. Mais nous savons qu'il est né lors de la période coloniale et pouvait autant désigner un noir qu'un Maghrébin. Cela évolua pour ne plus désigner de façon injurieuse que les Maghrébins, identifiés par leur apparence physique, leur faible maitrîse du français et leur fort accent.
Nostalgique de la période coloniale et du sentiment de supériorité civilisationnelle apporté par l'Empire français, l'extrême droite perpétua l'usage de ce terme raciste pour désigner l'immigré d'Afrique du nord et sa descendance. L'extrême droite musulmane entra dans la danse en se l'appropriant à son tour.
Pour les ultras identitaires musulmans, on est "arabe"/musulman avant d'être français. Tout individu de cette "communauté" qui afficherait une forme d'émancipation de son groupe sera considéré comme un traître. Sa trahison serait motivée par le désir de ressembler aux "blancs"/Français car il aurait honte de ses origines. Il renierait ce qu'il est censé être : un "Arabe" avec tout le package identitaire qui doit être affiché.
Pour les deux extrêmes droites, la période coloniale est toujours vivante. Ils baignent dans une forme de nostalgie. Les premiers rêvent de revivre cette époque "bénie" de domination et voient dans les français d'origine maghrébine uniquement des citoyens de papier, de seconde zone, des Maghrébins. Aujourd'hui, par la fausse racialisation de l'islam créée par les islamistes, un glissement sémantique s'est opéré des Maghrébins vers les "musulmans".
Les seconds veulent éternellement rejouer les luttes anticoloniales. Leur racisme n'est pas basé sur la supériorité de leur ethnie (l'islam, racialisé, ferait partie de cette ethnie) mais sur la victimisation de celle-ci dont les oppresseurs seraient les "blancs", les Juifs, les "occidentaux". Le Maghreb est pourtant géographiquement en Occident. Les Maghrébins sont des occidentaux. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles ces ultras identitaires se définissent comme "Arabe" plutôt que comme Maghrébin. Se rapprocher de l'Orient par la négation de leurs origines permet de s'éloigner des "blancs" et de se rapprocher du berceau de l'islam. La religion vient s'y ajouter pour faire le lien entre la victimisation (aidée par le détournement du terme "islamophobie") et le suprématisme. En effet, les musulmans seraient d'éternelles victimes persécutées. Mais ils le seraient car, l'islam étant supérieur à tout, les musulmans auraient été désignés par Dieu pour diriger le monde. Cela ferait peur aux méchants "blancs"/Français. C'est l'idée développée notamment par l'ex directeur du CCIF, Marwan Muhammad. Cet affrontement raciste entre les deux extrêmes droites nourrit les motivations de l'une et de l'autre. Alors quand un Français d'origine maghrébine (forcément musulman aux yeux des extrêmes) s'émancipe de sa "communauté", préfère s'affirmer en tant que citoyen et ne pas faire commerce de son "arabité" ni de son islamité, il est perçu comme un traître. Quand il lutte contre l'islamisme (le sexisme du voile, l'utilisation de l'islam à des fins politiques), il est aussi perçu comme un traître. Les ultras identitaires musulmans les voient comme les larbins stupides imaginés par le racisme colonial d'antan.
Pour les deux extrêmes droites, la citoyenneté des français d'origine maghrébine n'est qu'administrative. Les deux les voient uniquement à travers leur "arabité" et leur islamité. Les uns les perçoivent en tant qu'envahisseurs, les autres en tant qu'éternelles victimes dont la citoyenneté "de papier" n'est qu'un moyen pour affirmer leur islamité. Comme l'avait écrit Marwan Muhammad, la carte d'identité ne serait qu'une "carte orange, qui facilite mon passage aux frontières et réduit les délais d’attente à l’aéroport. Ni plus, ni moins" (1). La démarche de ces extrêmes droites est la même. Seul l'angle est différent. Nombre d'entre eux nomment donc les traîtres de la même manière : "bougnoules".
Mohamed Sifaoui est régulièrement menacé et insulté en raison de sa lutte contre l'islamisme
Zineb El Rhazoui a reçu toutes les insultes racistes intracommunautaires imaginables
Cette traîtrise supposée rend fertile leur vocabulaire raciste. Divers termes se côtoient pour désigner le même type de personnes. "Bougnoule" est le moins créatif mais est celui qui fait la jonction entre les deux extrêmes.
"Arabe de service" est issu du racisme intracommunautaire noir ("noir de service", "nègre de maison"). Cette expression définit un "Arabe" qui serait au service de ses "maîtres", les "blancs"/Français. Ils se serviraient d'un "Arabe" comme alibi, une caution politique antiraciste. Il ou elle serait un pantin naïf. Concrètement, cela cible les Français(e)s d'origine maghrébine qui intègrent ou soutiennent les divers partis politiques traditionnels et deviennent visibles dans les médias. Certains concernés usent eux-mêmes de ce terme après avoir eu la sensation d'être utilisé comme alibi de la diversité. Ils tombent dans l'expression raciste pour exprimer l'injustice ressentie.
Mais cette étiquette est surtout posée par l'extrême droite musulmane. Malek Boutih, Fadela Amara, Lydia Guirous, Azouz Begag ou Rachida Dati sont parmi les plus connus de ces porteurs d'étiquette.
Des Dômes et Des Minarets et un de ces sites islamistes qui usent de propos racistes comme "arabe de service" pour cibler les "traîtres".
Des Dômes et Des Minarets et un de ces sites islamistes qui usent de propos racistes comme "arabe de service" pour cibler les "traîtres".
Cela concerne aussi les journalistes, comme Sonia Mabrouk par exemple, qui critiquent l'islamisme, le communautarisme religieux et ethnique.
Sonia Mabrouk victime de propos racistes intracommunautaires pour ses critiques envers le communautarisme et l'islamisme

Cela concerne également des religieux musulmans qui seraient "trop ouverts". L'imam Chalghoumi est l'exemple le plus emblématique. Par ses prises de position clairement anti islamistes et de rapprochement avec les juifs et Israël, il dénote. Il est violemment attaqué par les ultras identitaires musulmans. Ils ne vont pas sur le terrain des arguments pour le critiquer sur le fond, sur sa vision de l'islam. N'oublions pas que nous parlons de l'extrême droite musulmane. Ils ne l'attaquent pas sur ce qu'il dit mais sur la façon dont il le dit et sur ce qu'il est. Ils se moquent de son accent et de son manque de maîtrise de la langue française. L'intérêt est de le rabaisser, le dénigrer. Ils le traitent alors de "bougnoule", motivés par les mêmes raisons de raillerie que des Français envers leurs parents ou grands-parents maghrébins il y a quelques décennies (l'accent et le manque de maîtrise de la langue). Certains le comparent à Tariq Ramadan pour mettre en valeur le contraste entre la crédibilité de l'un et le ridicule de l'autre. Il serait plus valorisant d'exprimer ses idées homophobes dans un français impeccable que d'exprimer la tolérance et l'ouverture dans un français approximatif.
Par son accueil dans les médias et par quelques politiques, le "bougnoule" Chalghoumi est considéré comme "l'arabe de service" par excellence. J'ai rarement constaté autant d'attaques racistes envers un Être humain. Des attaques qui ne sont pas commises par des "fachos blancs" mais par des personnes qui se définissent comme "Arabes" et musulmanes, dont certains se qualifient de… militants antiracistes. Et ce n'est pas le CCIF qui les attaquera en justice pour "islamophobie"…
Hassen Chalghoumi est une cible privilégié du racisme intracommunautaire
Cette étiquette de "Arabe de service" concerne enfin tout républicain d'origine maghrébine, militant laïque, antiraciste, féministe universaliste, qui dénonce l'intégrisme musulman et ses conséquences sur les femmes et la démocratie.
"Collabeur" est l'un des deux termes racistes les plus créatifs créé par les ultras identitaires musulmans. Il est la contraction de deux mots : "collaborateur" et "beur". Le premier est plus communément exprimé par "collabo". Il désigne les français qui avaient collaboré avec l'occupant nazi durant la Seconde Guerre Mondiale. Le second est un néologisme issu du verlan, créé au début des années 1980 : arabe=bera=beur. Il désigne familièrement les français dont les parents furent des immigrés maghrébins. En contractant ces deux mots, les ultra identitaires désignent un "Arabe" (forcément musulman) qui trahit son "peuple" en collaborant avec les "Français" par son émancipation de la "communauté" ou sa critique de l'islam(isme).
Les "collabeurs" sont donc différents des "Arabes de services". Ils ne sont pas naïfs. On ne les instrumentalise pas malgré eux. Ils sont conscients de leur collaboration avec l'ennemi, les "blancs"/Français, comme le furent les collabos avec les nazis.
Le Muslim Post est un média d'information en ligne issu des Frères Musulmans. Comme les autres sites islamistes, ils ciblent les Français d'origine maghrébine qui luttent contre les intégristes. Ils perçoivent ces Français comme des "collabos", avec souvent une dose d'antisémitisme.

Le Muslim Post est un média d'information en ligne issu des Frères Musulmans. Comme les autres sites islamistes, ils ciblent les Français d'origine maghrébine qui luttent contre les intégristes. Ils perçoivent ces Français comme des "collabos", avec souvent une dose d'antisémitisme.
Jamel Debbouze violemment insulté de "collabeur"
"Collabeur" est une des insultes racistes intracommunautaires les plus courantes
Taha Bouhafs est un ultra identitaire à l'insulte raciste facile. Membre actif de la France Insoumise, il est une des figures qui font la jonction entre les islamistes, les ultras identitaires "Arabes" (dont il fait parti), les "décoloniaux" et une partie de l'extrême gauche.
Taha Bouhafs se présente comme "militant des quartiers populaires". Il est surtout un ultra identitaire à l'insulte raciste facile. Il voit dans l'intégrisme musulman et les Indigènes de la République des partenaires de lutte. Membre actif de la France Insoumise, il en fut le candidat pour la 2ème circonscription de l'Isère lors des législatives de 2017. Il est une des figures qui font la jonction entre les islamistes, les ultras identitaires "Arabes" (dont il fait parti), les "décoloniaux" et une partie de l'extrême gauche.
Cela va encore plus loin lorsque des femmes sont concernées. "Arabe" est de genre neutre : un ou une Arabe. "Arabette" n'existe pas. Donc "beur" est aussi censé être de genre neutre : un ou une Beur. Mais c'est sans compter le sexisme. Aux yeux des ultras identitaires "Arabes" (ils se définissent ainsi), qu'ils soient islamistes ou pas, les femmes d'origine maghrébine sont la propriété de la communauté. Le machisme fait partie de la panoplie. Si les hommes sont assignés à leurs origines, les femmes le sont encore plus du fait de leur vagin. Pour désigner celles qui ne se conforment pas totalement aux codes de cette communauté, les identitaires usent d'un terme encore plus péjoratif que "beur" : "beurette". Comme le terme "beur", il définit les filles d'immigrés d'Afrique du nord. Elles sont assignées à la culture de leurs parents. Avec le temps et l'influence orientaliste, le sens évolua vers l'érotisme. Bridées par le patriarcat de leur communauté, les "beurettes" seraient plus sensuelles, plus érotiques, et aimeraient plus le sexe que les autres femmes dès qu'elles ont la possibilité de se lâcher. "Beurette" est devenue une catégorie pornographique à part entière.
Pour la recherche du mot "beurette", les premières pages de résultats proposés par Google sont des sites pornographiques.
Pour la recherche du mot "beurette", les premières pages de résultats proposés par Google sont des sites pornographiques.
Comme pour "bougnoule", les ultras identitaires musulmans ont adopté ce terme péjoratif pour désigner les françaises d'origine maghrébine qui désirent s'émanciper des règles tacites de la communauté. Ils ont une telle facilité à intégrer le vocabulaire issu du racisme colonial qu'ils perpétuent ce qu'ils prétendent combattre.
Quand il s'agit de sexisme, leur imagination est particulièrement fertile. "Beurette" connaît ainsi des déclinaisons. Il y a la "beurette à chicha" : jeune femme d'origine maghrébine qui, au lieu d'être à la maison pour remplir les tâches qui lui sont dévolues, sort et traîne dans les bars à chicha, lieux tacitement réservés aux hommes. Elle est très maquillée, habillée de façon sexy et fréquente des garçons dans un jeu de séduction. Elle n'a aucun problème à monter dans la voiture ou l'appartement d'un homme pour le satisfaire sexuellement. Ce stéréotype sexiste est l'angoisse de nombreuses femmes qui craignent que cette réputation leur tombe dessus. C'est aussi la hantise de nombreux frères qui surveillent leurs sœurs. La réputation familiale est portée par les filles. Il suffit qu'une jeune femme soit maquillée, porte un pull un peu trop près du corps, les cheveux au vent et marche dans la rue à une heure où elle est censée être à la maison, et sa réputation sera faite. Sans même être entrée dans un bar à chicha…
Il y a aussi les "beurettes à khel". Elles sont celles qui auraient des relations amicales ou amoureuses avec des hommes noirs (khel, en langue arabe). Le racisme et l'ultra identitarisme étant bien ancrés chez certains, il est très mal vu qu'une "Arabe" ait une relation avec un homme qui ne soit pas de sa "communauté". Comme il n'y a quasiment plus de juifs dans les quartiers, les pires à leurs yeux sont les noirs. Une "beurette à khel" est perçue comme une traîtresse qui se serait salie.
En constatant le niveau sexiste et insultant du terme "beurette", imaginez le niveau de "collabeurette"…
"Collabeurette" : une insulte raciste et sexiste
Si un "collabeur" ou une "collabeurette" est mis en avant par un parti politique ou même un article de presse, il ou elle cumulera l'étiquette de "Arabe de service". Les variantes peuvent être multiples : "bougnoule de service", "arabe au service du sionisme", "collabeurette au service de ses maîtres", etc. Le dernier exemple en date est celui de Zineb El Rhazoui. Apostat d'origine marocaine, ex journaliste de Charlie Hebdo qui a échappé au massacre de la rédaction, elle n'a de cesse de critiquer l'islam et de lutter contre l'islamisme. On peut ne pas être d'accord avec elle sur certains propos. Mais rien ne justifie les insultes et les menaces de mort. Ces dernières semaines, elle concentre à elle seule toute la haine des ultras identitaires musulmans. Elle a eu droit à tous les synonymes et toutes les déclinaisons de la traîtresse maghrébine. Son courage force l'admiration. Par les violences verbales exprimées, qui viennent combler leur manque d'arguments intellectuels, ses détracteurs racistes ne réalisent pas qu'ils illustrent par l'exemple ce que Zineb dénonce. Ils ont ainsi renforcé son aura médiatique. Ce qui les a confortés dans leur délire : ce serait la preuve qu'elle serait une "Arabe au service du sionisme (les j… sionistes tiendraient les médias) pour cracher sur les musulmans afin de faire plaisir à ses maîtres".
"Khobzistes" est l'autre terme créatif. Il est le moins connu, mais il a ma "préférence" pour son inventivité. C'est un terme assez ancien né en Algérie. Il est tiré du mot arabe "khobz" qui veut dire "pain". A l'origine, les "khobzistes" sont des profiteurs du système économique et social algérien, prêts à user de toutes les astuces pour grappiller quelques miches de pain sans avoir besoin de travailler ou de s'investir. Son sens a évolué en France. Les islamistes se le sont appropriés pour désigner les "Arabes"/musulmans qui auraient trahi leur "communauté" en adoptant les valeurs républicaines pour une miche de pain : un poste de député, secrétariat d'État ou ministère. Il désigne aussi tout travailleur social, tout militant, qui lutte pour la laïcité et contre l'islamisme. Il désigne également tout imam, islamologue et théologien progressiste. Bref, tout "Arabe" qui ne joue pas à la "pleureuse" victimaire communautariste, affirme sa citoyenneté et son attachement à la République. D'après l'extrême droite musulmane, sa seule motivation serait la fameuse miche de pain : l'appât du gain, l'espoir de décrocher un emploi ou une reconnaissance officielle.
Jamel Debbouze insulté de "khobziste"
Sonia Mabrouk insultée de "khobziste"
Jimmy Parat est de ces intégristes qui aiment proférer des termes racistes contre des musulmans (pour lui, toute personne d'origine maghrébine est forcément musulmane). Ancien élu municipal à Bagnolet, il est secrétaire général du parti politique islamiste "Français ET Musulmans" dont il fut le candidat aux législatives de 2017 en Seine-Saint-Denis.
Capture d'écran d'un commentaire de Jimmy Parat sur sa page Facebook.
Il est de ces intégristes qui aiment proférer ces termes racistes contre des musulmans (pour lui, toute personne d'origine maghrébine est forcément musulmane). Ancien élu municipal à Bagnolet, il est secrétaire général du parti politique islamiste "Français ET Musulmans" dont il fut le candidat aux législatives de 2017 en Seine-Saint-Denis (0,97% des voix au 1er tour).
Le terme "harki" ou "néo harki" est, selon moi, le plus violent.
Les musulmans rationalistes sont une cible pour l'extrême droite musulmane. Les islamistes les considèrent au mieux comme des mauvais musulmans, sinon comme des traîtres ou des vendus. Marwan Muhammad est l'un de ces islamistes. En avril 2011, le CCIF organisa une conférence sur son thème victimaire habituel : "islamophobie, notre responsabilité face à l’injustice". A l'époque porte-parole de cette association d'extrême droite, Marwan Muhammad n’eut pas de mots assez durs pour discriminer et disqualifier les musulmans trop ouvert à ses yeux : J’en ai marre de voir des néo-Harkis me représenter à la télévision ! Que veut-il dire par là ? Les Harkis étaient des algériens ayant combattu aux côtés de la France pour maintenir l’Algérie française. Suite à l’indépendance, ils ont fui l’Algérie ou ont été massacrés sur place par les Algériens indépendantistes car considérés comme des traîtres. Dans le langage islamiste, nommer quelqu’un de "néo-Harki" est une accusation de supposée traîtrise à sa supposée communauté. Autrement dit, les musulmans rationalistes sont les traîtres de la communauté musulmane, comme les Harkis ont été les traîtres de l’Algérie. Quand on connaît le sort qu’ont connu les Harkis, cette déclaration n’est pas très rassurante… Cette dénomination se veut d’une forte portée, pour faire comprendre que le degré de trahison est si élevé qu’ils sont considérés comme les pires des traîtres.
Tous ces musulmans et apostats sont les principales victimes : victimes de discrimination de la part des intégristes, victimes de discrimination de la part d'une partie de la société à cause de la mauvaise image de l'islam renvoyée par ces mêmes intégristes, et victimes de l'indifférence d'une partie de la gauche qui a préféré les abandonner au profit des intégristes.
Si je reprenais la logorrhée des ultras identitaires musulmans, nous sommes tous au service de quelque chose. Mes origines ne sont pas arabes mais maghrébines. Les Arabes sont de la Péninsule Arabique et ont colonisé le Maghreb, ce qui est différent. Je ne "collabore" pas avec les Français. Je suis Français !  Un Français au service de mon pays auquel je dois tant et dont je sers la République du mieux que je peux. Mes "miches de pain" sont chaque recul des racistes victimaires que sont les islamistes et les "décoloniaux", chacune des avancées féministes face au voile et au sexisme religieux.
Les identitaires, tels Taha Bouhafs, sont aussi des "collabeurs". Ils collaborent avec l'extrême droite musulmane pour être leur clé d'entrée. Ils créent le lien et les convergences qui permettent de rendre acceptables l'islamisme politique et le racisme victimaire aux yeux d'une partie de la gauche comme la France Insoumise ou le NPA. Ces militants ultras identitaires "Arabes" (ils nient leurs origines maghrébines et berbères) offrent une visibilité non négligeable aux islamistes en participant à leur stratégie. Ils sont bien des "Arabes de service", au service de l'intégrisme musulman.
Ce racisme est le corollaire de la montée du communautarisme dont les islamistes sont les charpentiers. Des militants, idéologues ou associations d'extrême droite comme le CCIF poussent à la partition du pays en tentant à la moindre occasion de différencier les français selon leur religion et/ou leur couleur de peau, et de les dresser les uns contre les autres. Tout est fait pour que l'islam soit l'identité première des concernés.
La lutte contre ces commerçants identitaires (islamistes, "décoloniaux"), leur communautarisme et leur racisme, doit être une priorité absolue. Sinon, la rupture avec une partie de la population, dont l'islam sert de paravent, sera consommée à moyen terme. Les "bougnoules", "collabeurs" et autres "Arabes de service" ne sont pas seulement des cibles. Ils sont aussi, malgré eux, les signaux d'alarme d'une catastrophe annoncée.
(1) Marwan Muhammad, Foul Express, Editions Sentinelles, 2014, p. 123.

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