Révolutionner le système fiscal pour revitaliser le consentement à l’impôt<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Révolutionner le système fiscal pour revitaliser le consentement à l’impôt
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Contribution publique

La colère des Gilets jaunes est le révélateur, entre autres frustrations, d’une forte dégradation du consentement à l’impôt, ce consentement qui est le fondement de notre système fiscal depuis la Révolution de 1789.

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

Voir la bio »

Voté par l’Assemblée Constituante, la Déclaration des Droits de l’Homme dispose en son article 14 : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Notre Constitution de 1958 a réaffirmé dans son préambule les principes définis par la Déclaration de 1789.

En se contentant de répondre à la colère de millions de Français par de nouveaux ajouts au patchwork fiscal instable de près de 4000 pages, le Président Macron constatera rapidement commeLouis XIV :« Quand je donne une place, je fais un ingrat et cent mécontents ». Alors comment revitaliser le consentement à l’impôt ?

On entend que notre système fiscal ne serait pas juste et que ce sentiment d’injustice serait la cause de la dégradation du consentement à l’impôt. Une fiscalité n’est pas juste ou injuste en elle-même. C’est le projet politique sous-jacentqui estjuste pour certains et injuste pour d’autres. La fiscalité est seulement un outil qui peut être efficace ou inefficace à réaliser le projet, et rien d’autre.La Déclaration de 1789 fonde le consentement à l’impôt sur le droit des citoyens à vérifier la nécessité de l’impôt et à en suivre l’emploi. Posé autrement,le consentement n’existe que si le citoyen peut constater l’efficacité de l’impôt à réaliser le contrat social.

Or ce que nous disent les Gilets Jaunes, c’est que dans un pays où l’impôt est censé régler tous les problèmes et où il est l’un des plus élevés au monde, ils seraient en droit de jouir du meilleur système éducatif, de la sécurité la plus élevée, du système de santé le plus performant etc. Or, ils font le constat chaque jour d’une dégradation de l’école, de la sécurité et de l’hôpital, entre autres. Notre système fiscal est devenu inefficace et donc répulsif.

Il est intéressant de constater que cette révolte contre l’impôt est associée à une perte du sentiment de représentativité des citoyens par les élus.

Efficacité de l’impôt et représentativité démocratique doivent donc être retrouvées pour sortir de la crise actuelle. Seule une révolution fiscale autorisera cette sortie et cette révolution, c’est la décentralisation du système fiscal par l’introduction de trois niveaux de fiscalité indépendants (Etat, région et commune) fondés sur le principe de subsidiarité.

La dépense d’Etat doit être limitée aux fonctions régaliennes (sécurité intérieure et extérieure + diplomatie + justice civile), au financement des grandes infrastructures nationales etdesinstances internationales. La région prendra en charge l’enseignement (de la maternelle à l’enseignement supérieur) et les infrastructures régionales. Aux communes seront réservées les autres tâches.

Il n’existe aucune raison de penser aussi que la centralisation et l’uniformisation du système de santé et de protection sociale soient les garantes de leur efficacité. Les problématiques sanitaires dans une région industrielle sont différentes de celles dans une région où le troisième âge est dominant. La protection sociale dans une région jouissant du plein emploi ne doit pas être appréhendée à l’identique de celle dans une région ayant un fort taux de chômage. C’est pourtant le cas à ce jour.

La centralisation de l’impôt et son uniformisation sur un territoire non-homogène pénalisent certains territoires et en favorisent d’autres. Le principe d’une fiscalité localisée permettrait à chaque territoire de faire jouer ses avantages compétitifs naturels ou historiques et de compenser ses désavantages. Localiser la fiscalité – si la mobilité géographique est facilitée - autorise également l’émergence de projets politiques divers sur le territoire, pouvant répondre à des aspirations ou à des spécialisations différentes entre les citoyens sans que les uns n’aient le sentiment de subventionner indûment les autres.

Serait-ce la fin de l’unité nationale ? Au contraire, l’unité nationale est d’autant plus forte qu’elle est concentrée sur les valeurs fondamentales de la Nation. C’est lorsque l’Etat tente d’imposer des contraintes secondaires qui n’affectent en rien les valeurs fondamentales de la Nation qu’il affaiblit son autorité. A l’Etat, la charge du projet national qui écrit notre histoire. Aux régions et aux communes de gérer le bien-être quotidien des citoyens, celui-ci pouvant être vécu et donc choisi librement localement.

Quitte à bousculer nombre d’a priori, s’il doit subsister une solidarité nationale dans les circonstances de force majeure, l’efficacité réelle des politiques d’aménagement du territoire n’a jamais été démontrée. Pour paraphraser un constat fait en matière d’aide internationale : les pauvres des régions riches subventionnent les riches des régions pauvres. C’est le développement du commerce entre les régions qui contribue à la prospérité des régions. Ce développement n’a pas besoin d’aides mais d’un cadre favorisant l’activité économique. Or ce cadre émerge d’autant plus facilement que les forces vives locales jouissent de liberté à cette fin.

Repenser entièrement notre système fiscal en le rapprochant du citoyen aurait une seconde vertu : renforcer la représentativité des élus et redonner confiance aux citoyens en leurs représentants.

Il est évident qu’une telle révolution fiscale nécessiterait plusieurs années pour aboutir, ne serait-ce que pour permettre le transfert au niveau régional et communal des compétences indispensables à sa réussite. Dès à présent, les super-régions récemment créées jouissent de la taille critique pour élaborer et gérer des budgets importants. Les électeurs pousseraient à l’intercommunalité ou même à la fusion de communes afin de regrouper les ressources locales. Le niveau du département devrait être supprimé car l’interlocuteur principal des communes serait les régions.

Pour ce qui est de la taxe carbone enfin, chaque citoyen devrait se voir alloué un crédit de CO2 et ne subir une taxation qu’au-delà d’une émission supérieure à ce crédit. Est-il normal qu’un conducteur rural de diesel, y compris ancien, subisse une taxe carbone alors qu’un citadin sans véhicule mais voyageant par les airs pour ses week-ends n’en supporte pas ? Le mieux étant l’ennemi du bien, y compris en matière fiscale, ce crédit devrait être simple et compréhensible, même s’il était très approximatif dans son suivi. Les moyens de paiements centralisés et transparents qui se mettent en place, autorisent un tel calcul. Voilà de quoi apaiser les gilets jaunes et rendre la fiscalité écologique acceptable par les citoyens.

Une telle révolution est à notre portée pour autant que la volonté et le courage de l’entreprendre soient présentes.Le Président Macron avait appelé son programme électoral « Révolution ». Le temps est peut-être venu de le mettre en œuvre, au moins au plan fiscal, et de se réconcilier ainsi avec les Français.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !