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Laurent Wauquiez cible habilement les faiblesses d’Emmanuel Macron mais oublie une partie du problème
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Mention bien, mais peut mieux faire

Dans une interview donnée aux Echos, Laurent Wauquiez assure qu' "Il faut engager un vrai plan de réduction de la dépense publique qui s’accompagne d’un big bang fiscal ".

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Comment évaluer les propositions formulées par Laurent Wauquiez dans son interview donnée aux Échos ? Derrière l’aspect politique, comment préjuger des résultats que pourraient apporter ces réformes économiques ?

Michel Ruimy : La France a la caractéristique navrante de posséder un système fiscal qui, à la fois, frustre ses contribuables, coûte cher à l’Administration, et nuit à l’attractivité du pays. Ceci dérive des méandres de l’Histoire. En effet, il est le résultat de l’empilement de dispositifs qui poursuivent souvent plusieurs objectifs à la fois, ou plusieurs fois le même objectif. Il est donc lourd, complexe et peu cohérent.

L’idée de Laurent Wauquiez de remettre à plat la fiscalité pour rendre l’impôt plus lisible et plus juste et, en même temps, réduire les dépenses publiques n’est pas nouvelle. Nombreux, avant lui, ont déjà fait écho sur la nécessité d’une profonde réforme fiscale. Pour autant, ce qu’il propose est-il nouveau ? Non !

De plus, il est réducteur dans son analyse en attribuant la crise actuelle aux « profondes erreurs d’Emmanuel Macron ». En effet, celle-ci révèle surtout les erreurs et les insuffisances des politiques qui se sont engagés sur la voie de la facilité et du laxisme durant plusieurs décennies.

Ensuite, la question n’est plus de savoir si des erreurs ont été commises mais comment en sortons-nous. Sur le fond, nous retrouvons des phrases, des concepts généraux et vagues, des platitudes telles que celles qu’on a déjà entendues ou lues de la part de différents politiciens au cours de ces dernières années mais toujours pas d’idées clairement énoncées, ni de stratégie crédible.

Qu’aurait fait la Droite si elle avait été élue ? Aurait-elle vraiment pu éviter le ras le bol général qui couvait depuis longtemps ? Alors, pourquoi ne lui a-t-on pas fait confiance en élisant un président sorti de son camp ? Bref, une critique permanente et facile.

Au plan pratique, Laurent Wauquiez se paie de mots. Le « big bang » fiscal est impossible en France non pas d’un point de vue technique car il est toujours possible, par exemple, de supprimer un certain nombre de niches fiscales dont l’intérêt budgétaire ou économique n’est pas démontré, mais d’un point de vue politique, quand on observe déjà ce qui se passe quand le Gouvernement transforme l’ISF ! En d’autres termes, comment faire travailler plus de fonctionnaires sans augmentation de salaires ?

En outre, vouloir diminuer les impôts sans préciser les services de l’Etat qui seront restreints en conséquence, c’est promettre de « raser gratis ».

Enfin, il oublie juste une chose dans son raisonnement : le temps. En combien de temps, envisage-t-il d’effectuer l’ensemble de ces réformes ?

En évitant d’aborder les questions économiques européennes et les enjeux qu’elles représentent pour la France, Laurent Wauquiez ne passe-t-il pas trop rapidement sur les enjeux macroéconomiques qui pourraient être décisifs dans le cadre de son projet de Big Bang fiscal ?

En fait, ce n’est pas surprenant car la ligne du parti LR sur le volet économique est brouillée. Ceci explique que le président des Républicains ne pipe mot sur le contexte macroéconomique européen et les engagements de la France.

De plus, les circonstances sont, cette année, particulièrement défavorables pour sa formation politique, qui traverse une crise d’identité depuis son échec à la présidentielle de 2017. En effet, les élections européennes de mai sont d’autant plus délicates à aborder pour la Droite classique (et d’autant plus cruciale pour lui qui n’est pas parvenu jusqu’ici à s’imposer dans l’opinion, même à Droite) qu’elle doit trouver la bonne formule pour faire entendre ses positions, à mi-chemin entre celles, plus aisément identifiables, du parti présidentiel (proeuropéen) et de l’extrême droite (hostile à l’Union européenne).

Un récent sondage crédite la liste LR de 8% des intentions de vote (1 point devant le parti de Nicolas Dupont-Aignan qui se rêve plus fort que Laurent Wauquiez) tandis qu’il vise 15% ! Un niveau modeste au regard des 20% obtenus par l’UMP lors des élections de 2014.

N’oublions pas toutefois que les élections européennes seront une photographie à l’instant T de la situation politique nationale et personne ne pourra en tirer des enseignements définitifs futurs.

Comment rendre un tel big bang possible, permettant, à la fois, la baisse des impôts, et la réduction des dépenses ?

Traçons, tout d’abord, les grandes caractéristiques de la fiscalité française. La France impose fort, et redistribue beaucoup. En 2017, le taux de prélèvements obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales) s’élevait à 46,1 % du Produit intérieur brut (PIB) et la France se plaçait en deuxième position au sein de l’Union européenne, derrière le Danemark.

Ensuite, concernant l’entreprise, la fiscalité est trop centrée sur le travail. Or, faire reposer le financement de la protection sociale essentiellement sur les revenus du travail peut nuire à l’emploi. D’autre part, le taux d’impôt sur les sociétés est « facialement » élevé (33,3% contre 22,8% en moyenne dans l’Union européenne) mais rapporte peu (2,7% du PIB).

Quant à l’impôt sur le revenu des ménages, il est fortement concentré sur les hauts revenus et a un rendement faible (9% du PIB). Moins d’1 ménage sur 2 acquitte cet impôt, les 10% des ménages les plus aisés en payent les deux-tiers, et les 1% les plus aisés près d’un tiers.

Par ailleurs, l’impôt sur la consommation est à contre-courant des autres pays. La France se distingue de ses principaux voisins par un relativement faible recours à la TVA, impôt principalement assis sur la consommation, qui rapporte 7 points de PIB contre 9 à 10 points de PIB dans les pays nordiques.

Enfin, une fiscalité environnementale peu utilisée. La France reste en retard en matière de taxes environnementales par rapport à ses voisins européens.

Dans un tel contexte, comment et par où, commencer le travail ?

Le « grand soir fiscal » pourrait passer, en conservant le prélèvement à la source et la prime d’activité, par la fusion de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de l’impôt sur le revenu (IR) en retenant le meilleur de chacun c’est-à-dire l’assiette large de la CSG et la progressivité de l’IR. Ceci se traduirait par une progressivité plus continue et par un nombre plus important de contribuables, ce qui éviterait une concentration de l’IR vers les plus hauts revenus. En outre, une fraction de ce nouvel impôt (à déterminer) financerait la Sécurité sociale. Le quotient familial serait transformé en crédit d’impôt égal par enfant quel que soit le revenu des parents (système existant en Allemagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni…), ce qui assure une redistribution en faveur des familles modestes. Enfin, certaines niches fiscales devront disparaître.

Aucune de ces voies de réforme n’est facile, mais une réforme est nécessaire pour rendre notre impôt plus simple, plus clair, plus juste et mieux accepté.

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