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L’étrange convergence économique d’Emmanuel Macron et Matteo Salvini
©AHMAD GHARABLI / AFP

Politique commune

Entre les gouvernements italien et français, a priori, peu de points communs et pourtant…

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Les politique économiques et sociales mises en œuvre, ces dernières semaines, sont assez convergentes, voire ressemblantes. Le Gouvernement italien entend distribuer davantage de revenus quand le Gouvernement français a prévu une augmentation du pouvoir d’achat. Le gouvernement italien réfléchit à l’instauration d’un revenu universel quand, en France, les pouvoirs publics augmentent la prime d’activité, qui est un revenu public destiné aux personnes gagnant autour du SMIC.

Les gouvernements français et italien veulent soutenir le revenu des ménages, des salariés aux revenus faibles. La situation des deux pays en matière de niveau de vie est assez différente. En France, le revenu disponible des ménages a, en euros constants, augmenté de 25 % depuis 1999. Il n’a baissé que de 2011 à 2015. En Italie, il est en 2019 inférieur de 2 points à son niveau de 1999. Il a diminué de manière constante de 2011 à 2017. Il a connu une légère hausse en 2018. En France, de 1999 à 2009, la hausse moyenne annuelle du revenu disponible brut était de 2 % quand en Italie, elle n’était que de 1 %.

Les deux pays se rejoignent par le fait que l’augmentation du salaire réel est constamment supérieure aux gains de productivité. De 1999 à 2018, le salaire réel a augmenté, en France de 23 % quand la productivité n’a progressé que de 17 %. En Italie, les salaires réels ont augmenté de 6 % mais la productivité a reculé de 3 points toujours sur la même période. Le partage des revenus s’est effectué en faveur des salariés mais comme il y avait eu ou pas de gains de productivité, cela a contribué à dégrader la compétitivité de l’économie. Il en a résulté une chute de la profitabilité qui dégrade l’investissement et accroît l’endettement des entreprises.

Pour améliorer le revenu des actifs, le Gouvernement français a opéré un basculement de certaines cotisations sociales sur la CSG. Cette opération a provoqué une bronca chez les retraités, ces derniers ne profitant pas de la baisse des cotisations. Pour éteindre l’incendie social lié aux « gilets jaunes », le Président de la République a décidé d’augmenter la prime d’activité financée sur fonds publics. Le Gouvernement italien a également opté pour une augmentation des prestations conduisant comme en France à une hausse du déficit public. Le déficit devrait atteindre 3,5 % du PIB en France et 2,7 % en Italie en dégradation par rapport à 2016 et 2017. Le Gouvernement italien souhaite poursuivre dans cette voie avec le développement d’un revenu universel qui est au cœur de l’opposition avec Bruxelles.

La viabilité des politiques mises en œuvre de part et d’autre des Alpes pose question. La dette française pourrait franchir la barre des 100 % du PIB en 2019 quand celle de l’Italie dépasse déjà les 130 %. L’Italie est déjà confrontée à un écart de taux avec l’Allemagne significatif. Il atteint plus de 2,5 points. Pour le moment, la France échappe à la suspicion des marchés mais cette situation pourrait changer en cas de dérapage avéré du déficit budgétaire et de poursuite des violences sociales.

Les deux pays souffrent avant tout d’un faible taux d’emploi. Il est de 60 % en Italie et de 65 % en France quand il s’élève à plus de 70 % aux États-Unis, en Allemagne, en Suède ou au Japon. Un faible taux d’emploi pèse sur la croissance potentielle. Le moteur économique des deux pays est anémié. En outre, cela conduit à un volume important de dépenses sociales. En France, les prestations sociales représentent plus du tiers du PIB. En Italie, leur poids est de 30 %.

La France et l’Italie doivent faire face au faible niveau de compétence de leur population active. Dans le classement PIAAC de l’OCDE, la France se classe au 21e rang et l’Italie au 25e rang loin derrière le Japon, les États d’Europe du Nord ou l’Allemagne. La France et l’Italie se caractérisent également par un nombre élevé de jeunes déscolarisés et sans travail. La proportion des jeunes de 15 à 29 ans non scolarisés et sans travail est de 25 % en Italie et de 17 % en France. Par ailleurs, les deux pays ont également en commun un recours important aux cotisations sociales. Elles atteignent 11,5 % du PIB en France et 8,5 % en Italie contre 6,5 % en Allemagne ou 8 % en Espagne.

L’Italie a perdu le temps d’une génération, 20 ans. Elle est le seul pays de la zone euro dans lequel la situation des ménages s’est dégradée depuis l’instauration de la monnaie unique. À la différence de la France, l’Italie doit faire face à un rapide déclin démographique avec un taux de fécondité de 1,4 % (contre 1,92 % en France). Ce déclin joue en défaveur de sa croissance. Les antagonismes régionaux constituent un autre handicap. La solidarité des régions riches vis-à-vis des régions pauvres est de plus en plus difficile à organiser. Au-delà de ces quelques différences, les deux pays doivent jouer sur l’augmentation du taux d’emploi et sur la progression des gains de productivité. L’accent devrait être mis sur l’investissement et l’innovation ainsi que sur les modalités de création d’emploi.

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