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Pollution de l’air : voilà combien d’années de vie nous perdons rien qu’en respirant
©Money SHARMA / AFP

Santé

Des chercheurs d’une université de Chicago ont estimé qu’en moyenne sur terre, la pollution de l’air coûtait 2.6 années de vie par personnes. Evidemment, les résultats varient en fonction de là où vous vous trouvez.

Thomas Bourdrel

Thomas Bourdrel

Le docteur Thomas Bourdrel est médecin radiologue. Il est également responsable du collectif Strasbourg Respire.

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Atlantico : A quel niveau la santé est-elle impactée par la pollution atmosphérique ? Quelles maladies sont des conséquences de cette mauvaise qualité de l'air ?

Thomas Bourdrel : Le principal impact sanitaire de la pollution de l'air s'observe après plusieurs années d'exposition, avec une augmentation nette du risque de maladies cardiovasculaires (infarctus et accident vasculaire cérébraux essentiellement), d'asthme et de cancers principalement du poumon mais également du sang (leucémie de l'enfant). Les particules ultrafines (nanoparticules) issues du trafic routier sont les plus dangereuses en raison de leur petite taille leur permettant d'atteindre la circulation sanguine et de là tous les organes et même le fœtus. Ces particules diesel sont également toxiques en raison de leur composition, en effet, leur surface est recouverte d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes et responsables d'effets majeurs sur le coeur (infarctus), le cerveau (Accident vasculaire, maladies neurodégeneratives) et sur la grossesse. Les particules issues du chauffage au fuel ou au bois sont de composition similaire aux particules diesel. Les particules essences contiennent en général moins d'HAP à leur surface qu'une particule diesel et sont donc potentiellement moins dangereuses surtout si l'essence contient de l'éthanol 5% (SP 95) ou 10% (E10). Les particules de freinage contiennent essentiellement des métaux (cuivre et fer) dont la toxicité est moins établie que les particules issues du pot d'échappement diesel, les particules de freinage sont majoritaires dans l'air du métro.  
Parmi les gaz ,les plus dangereux sont les NOx (oxydes d'azote) principalement le NO2 (dioxyde d'azote) toxique pour le système cardiovasculaire et respiratoire

Les chiffres semblent indiquer une certaine amélioration ces dernières années dans les pays occidentaux. Peut-on être aussi catégorique ?

il serait plus juste de dire que la pollution change et que nos indicateurs ne sont plus - depuis longtemps - adaptés. Certains polluants diminuent effectivement tels que le dioxyde de souffre (SO2), mais concernant le plus toxique des gaz, le NO2 (dioxyde d'azote), il ne diminue pas en ville et a même tendance à augmenter en raison des diesels récents (y compris Euro 6) qui émettent de grande quantité de NO2. 
Un diesel émet 6 à 10 fois plus de NO2 qu'un essence. De plus en ville, les systèmes de dépollution du NO2 fonctionnent mal car le moteur ne peut atteindre la température nécessaire. 
Concernant la pollution aux particules, on nous fait croire qu'elle diminue car on ne dose que les "grosses" particules, les PM10, alors que la pollution "moderne" notamment routière n'en émet quasiment plus,mais émet des particules encore plus toxiques: des particules ultrafines (nanoparticules) qui ne sont toujours pas dosées dans l'air ambiant car l'union européenne tarde à fixer des normes.  Pourtant ce n'est pas nouveau, les experts alarment depuis 15 ans sur la dangerosité des particules ultrafines liées au trafic routier, dont la part a paradoxalement tendance à augmenter en raison des filtres à particules qui ne retiennent pas les nanoparticules en dessous d'une certaine taille.

Les politiques de lutte contre la pollution atmosphérique sont-elles suffisamment adaptées et efficaces pour combattre cette menace ?


il y a besoin - pour éviter les oppositions sociales de type gilets jaunes- d'adapter les mesures: en effet le diesel pose surtout un problème de santé publique majeur en ville essentiellement où il devrait donc être interdit purement et simplement! A Tokyo cela a permis de faire baisser la mortalité respiratoire de 22% en 7 ans! 
Mais, en dehors des villes, on pourrait imaginer de laisser un peu tranquille les gros rouleurs ruraux qui font peu de trajets en villes et qui ont d'avantage besoin de leur voiture. 
En zone rurale il faut par contre davantage lutter contre la pollution des vieux chauffages au bois (sans parler des pesticides) 
En ville il est également indispensable de développer les espaces verts, car nous savons désormais que vivre à proximité d'espaces verts en ville, permet de diminuer les maladies cardiovasculaires, asthmatiques et allergiques.
Enfin, il faut arrêter ce laxisme envers les grosses industries polluantes - appelées industries "classées"- et qui bénéficient paradoxalement de moins de contrôles et de plus de liberté que d'autres petites industries moins polluantes! Il faut donc davantage taxer les pollueurs et moins les utilisateurs. Par exemple, le diesel est reconnu cancérigène certain par l'OMS depuis 2012, pourquoi ne pas interdire sa vente plutôt que d'augmenter uniquement son prix à la pompe? Pourquoi ne pas davantage taxer ceux qui produisent et vendent ces moteurs diesels?
Enfin si l'on veut vraiment progresser en matière environnementale et sanitaire il faut que la qualité de l'air soit sous l'égide du ministère de la santé et non plus sous celui exclusif du ministère de l'écologie. Et il faut  revoir les indicateurs, arrêter de ne prendre en compte que le C02, ce qui a conduit les gouvernements successifs à encourager fiscalement le diesel, d'autant plus que l'on sait désormais que sur l'ensemble du cycle de vie un diesel émet plus de CO2 qu'un essence. Autre exemple, l'Ademe encourage la production d’énergie par incinérateur alors qu'en zone urbaine ces émissions sont très toxiques pour les riverains
C'est une des raisons qui nous a poussé à nous réunir entre experts médecins, chercheurs et associations spécialistes de la pollution de l'air,  pour former le Collectif Air-Santé-Climat. Ce collectif sera là pour délivrer une parole scientifique indépendante, combattre les lobby et leurs désinformations et aider les décideurs

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