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Comment l’extrême-gauche est en train de noyauter le volet revendication des Gilets jaunes
©ABDULMONAM EASSA / AFP

Révolutionnaires

Si le mouvement des Gilets jaunes est officiellement d'aucune couleurs, deux tendances semblent s'en détacher : un poujadisme proche de l'extrême-droite et une extrême-gauche souvent d'obédience trotskiste, cette dernière étant de plus en plus influente.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Atlantico : Pouvez-vous nous décrire ces deux natures au sein du mouvement des Gilets jaunes ?

Sylvain Boulouque : Chez les Gilets, jaunes il y a plusieurs types de nature extrêmement variables. L'enquête de la fondation Jean Jaurès a bien montré qu'il y avait deux France qui y étaient représentées. Une de droite, voire même d'extrême droite, pour ce qui concerne ceux qui proviennent du sud et du nord-est du pays. Et une de gauche pour ce qui concerne la France de l'Ouest. Nous avons donc une véritable superposition entre les différentes formes de blocage qui peuvent exister et les cartes électorales.

Une majorité de Gilets jaunes du sud-est et du nord ont voté pour le Front national. Dans la France de l'Ouest, c'est plutôt la France Insoumise. Il y a donc vraiment cette partition qui existe. On le voit autour d'un certain nombre de points de blocage aussi où l'on ne trouve pas les mêmes slogans.

L'extrême gauche tente aujourd'hui de noyauter la plateforme des "revendications sociales" des Gilets jaunes. Pouvez-vous nous raconter cela ?

Effectivement, une partie des gauches radicales tente de participer au mouvement des Gilets jaunes avec des revendications sociales qui leur sont propres. Pour certains Gilets jaunes, la question principale est la question fiscale alors que pour d'autres, c'est surtout une question sociale qui porte autour du pouvoir d'achat et qui essaie de mêler les questions environnementales et fiscales. En fonction des discours nous avons donc des Gilets jaunes de gauche et d'autre de droite.

Ce qu'il se passe, c'est qu'au niveau local vous avez des militants, en fonction de leur disponibilité, qui s'investissent, vont discuter et participent au mouvement. Ils participent à l'élaboration d'un certain nombre de plateformes revendicatives en apportant leur spécificité. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a parfois convergence de luttes. On va avoir une demande à la fois de baisse fiscale et d'augmentation des salaires. Le problème des Gilets jaunes, c'est que l'on peut y trouver tout et son contraire même au sein d'une même plateforme.

Si l'on regarde plus globalement, au niveau de la proportion des uns et des autres, le mouvement est plutôt d'une double inspiration. Un premier aspect qui très clairement un vieil héritage de la protestation paysanne propre à Henry Dorgeres, et un autre plus inspiré de la "révolte poujadiste" qui a été étudié également par les historiens Dominique Borne et Romain Soullac sur le mouvement campant plutôt des protestations fiscales et une révolte souvent assez violent et à droite de l'échiquier politique.

Y parviennent-ils selon vous ?

C'est très compliqué à dire. Si l'on prend les Gilets jaunes de la banlieue Est de Paris, non seulement, ils y parviennent, mais ils ont également structuré le mouvement dans tout l'Est parisien. Tous les Gilets jaunes qui n'existaient pas au début du mouvement et qui y sont maintenant (dans les départements de l'est donc) sont plutôt de gauche. L'extrême gauche n'arrive pas spécialement à noyauter, mais ils créent un mouvement qui n'existait pas dans un certain nombre de lieux.

Dans les Hauts de France, nous avons eu un investissement par ce qu'il reste des militants communistes dans la deuxième et la troisième semaine du mouvement. On voit clairement que ce qu'il reste de l'appareil du Parti communiste a tenté de participer et d'investir le mouvement.

On sent, à travers plusieurs sondages d'opinion une véritable demande d'autorité en France. Si l'extrême gauche parvenait à s'imposer sur des revendications sociales "extrêmes" , n'y aurait il pas un risque qu'une opposition au mouvement prenne de plus en plus une forme de recherche d'autorité, et d'ordre, dans un mouvement de forte polarisation du pays ?

C'est un risque renforcé par le fait qu'il y a des provocations multiples qui viennent dans les manifestations parisiennes en début de journée plutôt de la droite radicale et en fin de journée plutôt de la gauche radicale. Cela alimente le sentiment de désordre.

Deuxième point, vous avez effectivement chez une grande partie des Gilets jaunes un penchant autoritaire que l''on retrouve plutôt chez ceux qui proviennent de la France du Nord et de la France du Sud-Est. Ce qui reprend la carte de l'électorat frontiste. Il y a une majorité de points de barrage où ce sont souvent des militants frontistes qui animent le mouvement.

S'ils créent du désordre, ils sont également capables de tenir un discours autoritaire. C'est un peu paradoxal. Là-dessus il faut voire qu'il y derrière, même si c'est minoritaire, une part de la droite radicale qui cherche à transformer le mouvement pour créer une impression de désordre généralisée et accentuer la demande d'ordre au point d'en arriver à une demande d'un homme providentiel.

Quel pourrait être le risque de cette polarisation ?

Le risque est multiple. Il y a des tentations de guerre civile diverses et variées. Nous avons une gauche radicale qui cherche l'affrontement systématique avec les forces de l'ordre dans une optique révolutionnaire. Ils espèrent transformer la société de fond en comble.

Mais de l'autre côté nous avons une droite radicale de plus en plus organisée de manière clandestine. Il y a des projets de tentative d'assassinat à l'encontre du président de la République. Cette dimension génère un climat anxiogène dans la société et une inquiétude très forte dans les services de sécurité.

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