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Annonces d'Edouard Philippe : les chaînons manquants du dispositif politique macronien
©AFP

Gestes suffisants ?

Gel de certaines mesures controversées et du prix de l'électricité et prime de mobilité ont été les principales annonces du Premier ministre.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Y avait-il la moindre chance que les que les mesures d'apaisement concoctées lundi soir à l'Elysée, soient de nature à faire tomber la colère des Gilets Jaunes ? Réponse: aucune ! Il fallait une certaine dose de naïveté pour le croire. "Nécessaires, mais pas suffisantes", commentaient d'ailleurs, lucidement, de nombreux députés de la majorité après l'annonce par Edouard Philippe de l'instauration d'un moratoire de six mois sur l'augmentation des taxes sur le carburant, des prix du gaz et de l'électricité, ainsi que la suspension du durcissement du contrôle technique pour les véhicules de plus de quatre ans. Six mois pour permettre à l'exécutif de revoir sa copie en matière de fiscalité écologique? En tous cas six mois au cours desquels se sera déroulée "une grande concertation" entre citoyens et élus. Six mois qui devraient permettre au gouvernement de chercher d'autres solutions pour financer la transition énergétique. Six mois enfin qui seront entrecoupés par la campagne des élections européennes. Presque une éternité.  

Les plus optimistes veulent croire que cette "concertation" de trois à quatre mois qui sera mise en place dans quelques jours va permettre aux élus de "remettre l'Eglise dans le village", selon l'expression du député de l'Eure Bruno Questel, de montrer comment les réformes déjà mises en place "entrent dans la vie des gens". Les modalités du déroulement de cette opération sont encore floues. On ne sait pas sous quelle houlette elle sera menée. Mal dirigée, pas maitrisée, elle peut facilement s'emballer et déraper. Dans le cas précis, la concertation peut se transformer en "États Généraux" avec un parfum de Révolution, à l'issue incertaine. Sur certains barrages on commence d'ailleurs à rédiger les cahiers de doléances .  

Alors, s'il s'est trouvé de rares "Gilets Jaunes modérés" pour préconiser une suspension du mouvement en attendant l'issue de la concertation, l'immense majorité d'entre eux a rejeté les concessions gouvernementales bien trop faibles à leurs yeux car ils n'avaient pas besoin de traducteur pour comprendre que suspension ne signifie pas abandon, mais simplement report. Les consommateurs ne vont bénéficier que d'un délai. Or c'est l'annulation pure et simple qu'ils revendiquent, soutenus par une grande majorité des Français. Seule une annonce choc aurait été de nature à faire bouger les Gilets Jaunes. Sur les plateaux de télévision leurs porte-paroles ont tranquillement expliqué que ces mesures d'apaisement arrivent trop tard; ce qui aurait été envisageable pour eux il y a trois semaines, ne l'est plus aujourd'hui. Le mouvement s'est durci, les Gilets Jaunes commencent à se structurer; ils sont conscients de leur force et font monter les enchères. Aujourd'hui le prix de l'essence est passé au second plan de leurs revendications qui portent davantage sur l'augmentation des salaires et sur la fiscalité. Dans ce domaine la palette est large : elle va l'augmentation conséquente du SMIC à l'abandon de l'augmentation de la CSG pour ceux qui touchent de petites retraites, en passant par le rétablissement de l'ISF pour les plus riches. 

Les députés vont débattre de ces mesures cet après midi à l'Assemblée Nationale. Edouard Philippe répétera peut-être qu'"aucune taxe ne mérite de mettre en danger l'unité de la Nation". Pour l'heure, elle l'ébranle sérieusement! Le débat sera sanctionné par un vote qui s'annonce sans surprise...et sans conséquence immédiate puisque le gouvernement n'engagera pas sa responsabilité. Les oppositions de droite comme de gauche vont voter contre. Dans tous les rangs la tonalité est la même: trop peu, trop tard. Soucieuse de ménager à la fois son électorat qui n'aime pas le désordre et de ne pas se couper des Gilets Jaunes, la Droite LR réclame le rétablissement de l'état d'urgence et pose des préalables tels que l'annulation de la hausse des taxes, pour ouvrir le dialogue. Marine Le Pen dit "craindre" que ces mesures n'apaisent pas la colère. La Gauche (France Insoumise, Socialistes et Communistes), unie pour la circonstance va faire rebondir le débat en déposant une motion de censure. Chacun de leur coté, les députés LR et Socialistes avaient montré à l'aide de graphiques et de "simulateurs" à quel point l'augmentation des taxes allait grever le budget des automobilistes pendant tout le quinquennat Macron. Pour autant ce ne sont pas eux que les Gilets Jaunes appellent à la rescousse. Pour l'heure les Français ont surtout compris que les annonces d'Edouard Philippe ne correspondent qu'à un sursis . Et le porte-parole du gouvernement a déjà fait un pas supplémentaire ce matin en annonçant que faute de solution acceptable trouvées dans les six prochains mois, les hausses seront abandonnées... Encore un petit effort, et ce sera chose faite avant le 1er juillet.

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