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Pénurie en vue. De plus en plus de diabétique dans le monde, de moins en moins d’insuline disponible ?
©NOAH SEELAM / AFP

Le fossé

Le prix de l'insuline a augmenté de 150% en seulement cinq ans.

Alain  Braillon

Alain Braillon

Alain Braillon est un médecin de santé publique. Il a travaillé au CHU d'Amiens. Il a notamment travaillé sur les effets néfastes du tabac sur les femmes enceintes et leur foetus, attribué sa disgrâce aux très nombreux articles qu'il a publiés dans des revues médicales internationales de haut niveau. Des articles critiquant l'organisation de la pharmacovigilance, les politiques de santé publique concernant en particulier l'alcool et le tabac.

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Atlantico : D'après un article de la BBC, trois entreprises, Novo Nordisk, Eli Lilly and Company et Sanofi, contrôlent 99% du marché de l'insuline. L'article souligne que cet état de faits peut nuire à l'approvisionnement en insuline. En quoi cette cartellisation pose-t-elle un problème à la population diabétique ?

Alain Braillon : Il est heureux qu’Atlantico ose aborder de ce sujet, les média français et leurs experts en économie de la santé semblent dans le coma. L’alerte sur le cas précisde l’insuline date de2016 et le New York Timestitrait « Brisons le racket de l'insuline »
L’absence de concurrence, c’est l’absence d’alternative et donc de choix. Le consommateur ou l’utilisateur est donc captif. Dans cette situation de monopole le problème de l’approvisionnementest donc celui du prix. Le produit est disponible mais à un prix de vente qui n’a aucune mesure avec le cout de production du produit. Aux USA, un malade insulino-dépendant sur quatre est obligé deréduire l'utilisation d'insuline en raison de son coût. En effet le prix de l’insuline a augmenté de 150% en 5 ans. Les conséquences sont bien sur dramatiques.
Les académies américaines des sciences, de l'ingénierie et de la médecine viennent de publier desrecommandations visant à rendre les médicaments plus abordables.

Quelle forme prend cette cartellisation ?


La cartellisation c’est unepratiqueanti-concurrentielle pourcontrôler marché. Tout le monde connait l’OPEP pour le pétrole.James Randall, le président d’Archer Daniels Midland (agro-industrie) et leader du cartel de la lysine, résume très bien le principe: "Le concurrent est notre ami et le client est notre ennemi." 
Cela peut prendre plusieurs formes et est d’autant plus facile que le nombre deproducteurs ou vendeurs est réduit.Plusieurs entreprises peuvent s’entendre sur les prix, se partagerdes zones géographiques ou des parts de marché. 
Certes il y a des lois contre la cartellisation. Pour l’insuline elles ont déjà été utilisées en 1941, Eli Lilly, Sharp &DohmeSquibb ont été accusés par le ministère de la Justice américain d’entente sur les prix. Aux États-Unis ces loissont anciennes (Sherman 1890, Clayton 1914). L'Union européenne a attendujusqu'en 2003 sa directive qui a été appliquée contre Servier, AstraZeneca et Lundbeck. Mais les profits sont devenus si importants et les amendes si faibles que ces loisne sont plus qu’un écran de fumée.
Mais aussi il y a des mécanismes plus subtils que les ententes illégales. Il y a d’abord les fusions/acquisitions qui limitent la concurrence de fait.En 2016 Shire a acquis Baxalta pour 32 milliards de dollars. En 2017, Johnson & Johnson a acquis Actelion pour 30 milliards de dollars. Cela touche aussi le secteur des génériques.(Globalization and Health 2017,13:62) Il y a aussi les accords légaux créant des quasi-cartels. Selon Cortellis Deals Intelligence Database, Pfizer disposait de plus de 200 accords de collaboration (licences, recherche, commercialisation )en cours avec des «concurrents». Enfin, il y aledroitde brevets qui en soi limite la concurrence et qui évolue en ce sens. Surtoutil permet despoursuites judiciaires, un moyen excellent pourd’empêcher l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché. Le problème n’est pas que la poursuite soit justifiée mais qu’elle soit longue et couteuse pour décourager celui qui veut entrer sur le marché. Uncasen 2017 estemblématique car il a opposé deux poids lourds aux USA,Sandoz v Amgen.(JAMA Intern Med 2018;178:5-6)

La BBC souligne que la situation pourrait être d'autant plus critique que la population de diabétique de type 2 devrait augmenter de 20% ... Faut-il dès lors craindre une pénurie ?


Prédire l’avenir c’est compliqué. Encore plus quand on écrit sur des sujets que l’on ne maitrise pas. En effet, le traitement dudiabète de type 2repose d’abord sur des règles de vie simple (activité physique et poids normal) et ensuite sur différentsmédicaments, l’insuline ne doit être utilisée que dans des cas particuliers. C’est le diabète de type 1 (schématiquement du sujet jeune) qui nécessite de l’insuline. 
Ce type de « nouvelles » devrait être facilement évitable avec une analyse simple sur la forme : a) la nouvelle est-elle bien établie ? b) la nouvelle est-elle plaisante ? ; c) la nouvelle est-elle utile ?Celle-ci est ni établie, ni plaisant et ni utile … 
Surtout, il n’y a jamais de pénurie dans un système libéral, hormis le cas où elle est organisée, comme moyen d’augmenter les prix et donc le profit. 

Pour aller plus loin, se reporter aux travaux de Marc-André GAGNON professeur à la àl’Université Carleton. 

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