Sécurité sociale en agriculture, le monopole de la MSA doit-il être conservé ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ombre du berger Mathieu Mauriès
L'ombre du berger Mathieu Mauriès
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Réforme

Avec huit procès rien que sur l’année 2018, un berger tente de démontrer que la MSA exerce un monopole illégal sur les agriculteurs français. Au-delà des questions de droit que les tribunaux trancheront, des questions de société se posent, en particulier sur la nécessité (ou non) de conserver un régime particulier de sécurité sociale pour le monde agricole.

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey est journaliste et auteur de « Tu m’as laissée en vie, suicide paysan veuve à 24 ans ».

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WikiAgri est un pôle multimédia agricole composé d’un magazine trimestriel et d’un site internet avec sa newsletter d’information. Il a pour philosophie de partager, avec les agriculteurs, les informations et les réflexions sur l’agriculture. Les articles partagés sur Atlantico sont accessibles au grand public, d'autres informations plus spécialisées figurent sur wikiagri.fr

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Lire l’article de WikiAgri sur le cas particulier du berger Mathieu Mauriès

Il y a quelques années, le mouvement des libérés (de la sécurité sociale) avait défrayé la chronique par ses thèses visant à remettre en cause notre régime social. Aujourd’hui, ce combat trouve son prolongement en agriculture, où un éleveur (chèvres et brebis) a contracté une assurance privée pour se couvrir, et refuse de régler les cotisations que lui impose la MSA, mutualité sociale agricole. Parfois, c’est lui, Mathieu Mauriès, qui est mis au tribunal pour refus de paiement des dites cotisations, parfois c’est lui qui contre-attaque pour combattre le monopole en agriculture de la MSA. Au total, 8 procès ont eu lieu rien qu’en 2018, et ce n’est pas fini, un des appels étant déjà fixé au 10 décembre 2019… Vous pouvez lire tous les détails sur cette affaire personnelle dans un article dédié de WikiAgri.

Au-delà, la question du monopole de la MSA est posée. Pour plusieurs raisons. D’abord certaines posées par Mathieu Mauriès parmi ses argumentaires juridiques : la MSA argue (elle renvoie systématiquement à ce lien) que le système ne peut fonctionner qu’avec les cotisations de tous les agriculteurs, selon un système de solidarité. Sauf qu’aujourd’hui, la MSA ne fonctionne plus de cette manière. Le nombre d’agriculteurs ne cesse de baisser, donc de toutes façons la masse des cotisations aussi. Et parmi ceux qui restent, ceux qui sont en redressement judiciaire sont de plus en nombreux : il s’agit donc d’envoyer de plus en plus de prestations, avec des cotisations affaiblies ou reportées avec les agriculteurs en difficultés. Et donc, de fait, l’ensemble des cotisations ne couvre plus les frais, il faut faire appel à d’autres sources de financement. C’est déjà en cours. Autre phénomène, le nombre d’agriculteurs a donc baissé… Mais également le revenu agricole puisque, selon les chiffres officiels fournis justement par la MSA, un tiers des paysans sont désormais à moins de 350 € par mois. Dans le même temps, les effectifs de la MSA ont aussi baissé apparemment dans des proportions équivalentes (de 19 000 en 2008 à 16 000 en 2017, d’après leurs rapports d’activité), mais évidemment pas les salaires internes comment payer en dessous du Smic un salarié administratif ? De fait, le poids de la structure elle-même pèse plus lourd pour l’agriculteur.

Autre raison, l’ouverture à la concurrence. Dans leur activité principale, les agriculteurs sont de plus en plus soumis à la concurrence, y compris mondiale. Les céréales dépendent depuis longtemps des marchés mondiaux. Le lait, depuis la fin des quotas (avril 2015), y est soumis également sauf pour ses appellations spécifiques quand elles sont valorisées par ses coopératives. Les fruits et légumes, tout comme la betterave sucrière, sont soumis aux accords de libre-échange internationaux qui souvent autorisent l’entrée en Europe de produits concurrents. Sur leur marché, donc, on leur demande de savoir produire et vendre en tenant compte de la concurrence. Seulement eux, pour les produits qui leur sont dédiés, ils n’ont pas le même choix. L’ouverture à la concurrence, ils la subissent, mais ne peuvent pas l’exercer à leur tour. Par exemple, les retraites agricoles figurent parmi les plus basses perçues en France, et sont donc gérées par la MSA. L’ouverture à la concurrence, si elle était autorisée (les procès en cours de Mathieu Mauriès sont appelés à faire jurisprudence), offrirait aux agriculteurs la possibilité de souscrire un régime différent pouvant éventuellement leur permettre de toucher plus le moment venu.

En réponse à mon article sur Mathieu Mauriès, l’ancien président de la MSA (désormais à la retraite) Gérard Pelhâte (que je connais pour avoir eu l’opportunité de l’interviewer par ailleurs) m’a interpelé sur Twitter (lien ici) en donnant son opinion : « (…) Les anti Sécu sont depuis toujours des individualistes forcenés. Sans Sécu, pas d’allocations familiales, de retraites, de soins selon ses besoins (…) Diffuser des opinions séditieuses, sans les recadrer dans le même document, laisse à penser qu'elles ont une certaine légitimité, et n'alerte pas sur le caractère dangereux pour la société et ses fondements du vivre ensemble. »

Il est évidemment dans son rôle vis-à-vis d’un système qu’il a cautionné. Au-delà, ses arguments portent aussi, et l’ensemble des réflexions, pour et contre, méritent certainement que le monde agricole se penche sur la question sans obligatoirement attendre qu’un tribunal ne le fasse à sa place : faut-il, oui non, conserver le monopole de la MSA ?

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