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Qui attendent-ils : petite radioscopie des électeurs de droite à travers le prisme de leurs attentes
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

L'Homme Providentiel

Candidats favoris, idées phares, éclairage sur les attentes des sympathisants de droite avec David Nguyen de l'IFOP.

David Nguyen

David Nguyen

David Nguyen est directeur conseil en communication au Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop depuis 2017. Il a été conseiller en cabinet ministériel "discours et prospective" au ministère du Travail (2016-2017) et au ministère de l'Economie (2015-2016). David Nguyen a également occupé la fonction de consultant en communication chez Global Conseil (2012-2015). Il est diplômé de Sciences-Po Paris. 
 
Twitter : David Nguyen
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Atlantico: En observant les derniers sondages concernant les attentes des Français à la fois sur la politique économique ou des questions plus sociales, que peut-on en conclure sur les attentes de l'électorat de droite ?

David Nguyen : Avant de pouvoir répondre à la question des attentes des électeurs de droite, je pense qu’il faut essayer de définir qui ils sont aujourd’hui, surtout après le big bang électoral de 2017.  Si l’on regarde le premier tour de la dernière présidentielle, 60% des électeurs de Nicolas Sarkozy de mai 2012 ont voté François Fillon, 17% Emmanuel Macron et 14% Marine Le Pen. C’est donc un électorat qui s’est majoritairement reporté sur un candidat de droite traditionnel, au programme économique libéral et aux orientations sociétales dures, en matière d’immigration comme de droits des minorités. D’un point de vue sociologique, François Fillon a été particulièrement fort auprès des retraités, des travailleurs indépendants, des cadres et des diplômés, même s’il a été dépassé par Emmanuel Macron dans ces deux dernières catégories. Cet électorat filloniste plutôt aisé et âgé déclarait enfin s’être déterminé en priorité selon trois thèmes au moment du vote : la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la délinquance et la lutte contre le chômage. A titre de comparaison la moyenne des Français plaçait en trio de tête la lutte contre le chômage, la lutte contre le terrorisme et la santé. On voit donc que l’électorat de droite de mai 2017 avait – et ce n’est pas une surprise - une plus forte appétence pour les questions régaliennes que l’ensemble des Français.

Aujourd’hui ces préoccupations restent centrales à droite, même s'il faut bien avoir en tête que l'électorat Les Républicains s'est réduit, notamment du fait de l'attraction exercée par Emmanuel Macron auprès du centre-droit. Selon un sondage mené par l’Ifop en août 2018, les sympathisants Les Républicains sont avant tout préoccupés par « la sécurité et la lutte contre le terrorisme » (81% jugent ce thème tout à fait prioritaire, contre 62% des Français en moyenne), « la lutte contre l’immigration clandestine » (71% tout à fait prioritaire, contre 44% des Français en moyenne) et « la lutte contre la délinquance (60% tout à fait prioritaire, contre 45% des Français en moyenne). On retrouve donc cette priorité absolue donnée au régalien. Mais les proches des Républicains se distinguent également de la moyenne des Français par une plus forte inquiétude concernant la maîtrise du niveau des impôts et la réduction de la dette publique. A l'inverse, ils se soucient moins de protection de l’environnement, de lutte contre la précarité ou de défense des services publics. Enfin, en matière sociétale, il est frappant de voir que les sympathisants Les Républicains sont la seule tendance politique à être majoritairement opposée à la PMA (38% favorables, contre 62% des Français favorables en moyenne). Pour résumer, être sympathisants Les Républicains aujourd'hui c'est vouloir l'ordre sur tous les plans : sécuritaire, économique et sociétal. 

A-t-on observé une évolution de celles-ci ?

En réalité, plus qu’une évolution des préoccupations des électeurs de droite, on a observé une évolution de la structure de l’électorat de droite après l’élection d’Emmanuel Macron. Comme nous l'avons dit, seuls 17% des électeurs de Nicolas Sarkozy ont voté pour le candidat d’En Marche au premier tour de la présidentielle de 2017. Au moment de la présidentielle, la droite n'était donc pas encore séduite par LREM contrairement à une grande partie des sympathisants socialistes (la moitié des électeurs de François Hollande 2012 ont voté Emmanuel Macron dès le premier tour en 2017). Mais c'est après l'élection, pendant les premiers mois du quinquennat, que le charme a opéré. Tout une partie de l’électorat de centre-droit a adhéré à la politique menée par Emmanuel Macron. Tout simplement parce que l’Elysée mettait en place avec succès les réformes attendus par la droite sur le plan économique. Ordonnances travail, réforme de l’ISF et de la SNCF, ces politiques, menées de surcroît avec un style très vertical et un Premier ministre de droite, ne pouvaient que plaire à ces électeurs. En décembre 2017, une large majorité de sympathisants LR avait une bonne opinion d’Emmanuel Macron. C’est seulement depuis l’été 2018 et le ralentissement des grandes réformes économiques, suivies des hésitations du gouvernement au sujet de l'Aquarius et des dérèglements dans la pratique du pouvoir liés à l’affaire Benalla et aux démissions de ministres importants, que la droite a commencé à se détourner d’Emmanuel Macron. Il faut ajouter à cela une grande colère chez les retraités, électeurs traditionnels de droite, qui ont vu leur pouvoir d’achat diminuer à partir du premier semestre 2018 et qui ont le sentiment d’être la principale cible fiscale de ce quinquennat. On en compte parmi les gilets jaunes. 

Aujourd’hui, il y a toujours une partie des électeurs de droite qui ne se reconnaissent pas dans Les Républicains et qui restent donc proches de La République En Marche (par exemple un quart des électeurs de droite aux européennes de 2014 déclarent qu’ils voteront pour LREM aux européennes de 2019), mais la magie du début du quinquennat est retombée. 

Les structures LR ont elles su évoluer aussi rapidement que leur électorat ? Quel décalage peut-on constater entre l'offre politique LR et les souhaits de son électorat ?

Tout dépend encore une fois de ce qu’on appelle l’électorat de droite. Si on parle des Français qui se déclarent aujourd’hui proche du parti Les Républicains, alors oui l’offre politique proposée par Laurent Wauquiez leur correspond : une position dure sur l’immigration, sur l’Islam, une opposition frontale à la PMA et une dénonciation de la pression fiscale. Mais si on parle des électeurs de centre droit, un moment séduits par Emmanuel Macron et aujourd’hui déçus par le gouvernement, ces derniers ne se reconnaissent pas non plus dans le discours très à droite des Républicains. Enfin si on considère l’électorat frontiste, la droitisation de Laurent Wauquiez ne fonctionne pas du tout auprès d’eux, tout simplement parce qu’on préfère toujours l’original à la copie. L’électorat frontiste est un électorat antisystème qui ne fait plus confiance aux partis de gouvernement tels que Les Républicains.

Au final, cette difficulté qu’ont Les Républicains à dépasser le cœur de leur électorat se constate dans les intentions de vote pour les européennes de 2019 : leur liste (qui n’a certes pas encore désigné de candidat) stagne pour le moment autour de 14% contre 20% pour LREM et 22% pour le Rassemblement National.

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