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Emmanuel Macron, les maires et les gilets jaunes : la stratégie de la fuite en avant
©Thibault Camus / POOL / AFP

Le roi en son palais

Qu'on se le dise, qu'on se le répète, Emmanuel Macron ne lâchera rien!... (pour le moment du moins), car "il n'en a pas le droit". C'est ce que le chef de l'Etat a tenté de plaider devant un aréopage de maires invités à l'Elysée.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Critiqué pour avoir manqué à sa promesse de se rendre chaque année au Congrès des Maires de France, le Chef de l'Etat a tenté d'enrayer la polémique en promettant d'y revenir l'année prochaine, dans un contexte qu'il espère sans doute plus apaisé.

En  attendant ce retour dans l'arène, c'est depuis un pupitre installé dans la salle des Fêtes de l'Elysée qu'il s'est livré, deux heures et demie durant, à une opération séduction auprès des deux mille édiles qui avaient répondu "présent" à son invitation. On ne saura pas combien d'élus ont boycotté cette rencontre, car, par définition, ceux qui ont pu expliquer leur refus sur des plateaux de télévision (à l'instar du Maire de Cannes David Lisnard -LR) n'étaient pas nombreux.

Surfant sur sa parfaite connaissance des dossiers techniques, et n'ayant qu'à répondre à des questions sans avoir à affronter de contradictions, Emmanuel Macron a tenté d'installer une connivence, voire une forme de complicité avec ceux qui rament quotidiennement sur le terrain, pris en tenaille entre l'Etat tout puissant et leurs administrés. Emmanuel Macron a surjoué  la compréhension face aux doléances exposées par des élus toujours courtois... "Je sais que vous aussi, certains jours vous en avez marre, vous doutez. Je vais vous le dire, si ça peut vous consoler vous n'avez pas le monopole des engueulades et vous n'avez pas le monopole des doutes", a-t-il lancé un moment...

Si hier soir il a surtout été question de cette DGF  (Dotation générale de fonctionnement), que l'Etat ne cesse de réduire, d'intercommunalités, de fusions métropole-départements, de "différenciation", c'est pourtant bien le mouvement des Gilets Jaunes, ce concentré de tous les ingrédients du nouveau malaise Français, qui était dans toutes les têtes. "Transformer la pâte humaine, ça ne se fait pas en 15 jours ...C'est très dur ce qu'on est en train de faire collectivement, mais enfin! C'est  un enjeu formidable et si on  réussit, on pourra être fier pour nos enfants et petits enfants", a plaidé le Chef de l'Etat en tentant de rassurer son auditoire pas forcément convaincu...

Pas sûr en effet  que les édiles se soient sentis concernés par ce "collectif" dans lequel Emmanuel Macron tente de les entrainer. Car, dit-il " si je sens une inquiétude face à tous les changements, parfois des incompréhensions, je sens beaucoup d'attente, il ne faut rien céder face à un vent mauvais qui voudrait que tout soit la faute de l'élu". Ceux qui l'avaient entendu évoquer le "dialogue" la veille pendant son déplacement en Belgique, avaient-ils mal entendu ? Bien sûr que non. Mais entre temps la thèse du "on ne lâche rien, sinon on ne pourra plus réformer" portée par le Premier Ministre a repris le dessus. Et ce, malgré les appels au "dialogue" de plus en plus insistants en provenance de l'Assemblée, où les députés La République en Marche tentent de relayer et de décrypter ce qu'ils voient et entendent dans leurs circonscriptions.

C'est également le message que tenterait de faire entendre le Président de l'Assemblée Richard Ferrand auprès de l'Elysée. C'est ce que le président du Modem, François Bayrou, dit ouvertement dans une interview au Figaro où, en termes voilés, il appelle à renoncer à "la nouvelle étape d'augmentation des taxes sur les carburants... prévue au mois de janvier. Cela mérite que nous y réfléchissions", dit-il. Tout en admettant que "la trajectoire d'une augmentation progressive des prix pour conduire à une baisse de la consommation des hydrocarbures, avait été définie à partir de 2007, sous l'impulsion de Nicolas Hulot", François Bayrou concède: "Peut-être n'avons-nous pas assez réfléchi au "progressivement". Et de suggérer "l'idée d'une modulation des taxes en fonction du coût du baril du pétrole, pour que le prix à la pompe ne subisse pas de fluctuations trop pénalisantes", autrement dit il prône le rétablissement de la TIPP flottante mise en place sous le gouvernement Jospin en 2001, qui permettait de baisser le prix du carburant lorsque le prix  du baril explosait.

François Bayrou dont le soutien à Emmanuel Macron a été déterminant pendant la campagne de 2017, ajoute que " le prix du carburant est un sujet, mais peut-être pas le vrai, ni le seul sujet. C'est un élément déclencheur, un détonateur, mais la matière explosive est plus large" et il enfonce le clou en déclarant qu'une "démocratie, c'est aussi le Parlement et les mouvements politiques qui ont la responsabilité d'ouvrir le débat". Et il décroche  ce dernier tacle à l'adresse de l'exécutif " il leur faut des antennes pour comprendre ce qui se passe. Au travers de tels mouvements, ce sont les courants profonds d'une société qui s'expriment, même là où on ne les attend pas. Ils doivent affronter ce défi d'un pays fracturé, et donc conduire un très gros travail de pensée et d'imagination. C'est ce qui manque le plus". Précisons qu'hier soir le Maire de Pau, était placé au premier rang à l'Elysée, juste devant Emmanuel Macron. Coup de poignard de la part d'un allié ? Ou bien François Bayrou tient-il  le rôle de " lanceur d'alerte"  qui viendrait au secours d'Emmanuel Macron et lui permettrait d'entrouvrir une porte de sortie de la crise actuelle à travers la mise en place d'une vaste réflexion avec les corps intermédiaires que sont les syndicats, les partis politiques, et d'éviter une explosion sociale en France ?

François Bayrou met l'accent sur cette "sorte de sécession de la base de la société contre son prétendu sommet" et cette "remise en cause profonde de la manière dont nous pensons le pouvoir". Il concède que cette sécession "remonte à des décennies", mais il suggère que cette rupture s'est creusée avec la verticalité du pouvoir exercé par Emmanuel Macron. "Il n'y a pas d'arrogants autour de moi, le gouvernement donne énormément", a déclaré le chef de l'Etat au détour d'une réponse à la question d'un maire qui n'était pas celui de Pau.

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