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 Carlos Ghosn : la fin d’un empereur de l’industrie automobile. Renault s’effondre en Bourse
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Atlantico Business

La justice japonaise fait tomber Carlos Ghosn pour malversation sur la rémunération, le titre Renault chute en Bourse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Selon le quotidien japonais Asahi, informations confirmées par la direction de Nissan, le président du groupe Renault Nissan a été arrêté à Tokyo pour violation de la réglementation financière japonaise. En termes plus clairs, Carlos Ghosn est soupçonné d’avoir sous-évalué sa rémunération et surtout d’avoir utilisé de l’argent du groupe à des fins personnelles. La direction de Nissan a fait savoir que le conseil d’administration allait statuer sur son départ de la présidence du groupe. C’est toute la gouvernance de l’alliance Renault- Nissan qui est remise en question.

Cette affaire a fait l’effet d’une bombe sur les marchés financiers où le titre Renault a chuté de plus de 15% revenant à un plus bas depuis 3 ans. Au Japon, l’action Nissan s’est effondrée.

Cette affaire tombe au plus mauvais moment pour le groupe Renault-Nissan qui commençait à susciter quelques inquiétudes quant à la solidité de sa stratégie.

Le talent de Carlos Ghosn n’est pas en cause. Sur la planète toute entière, le monde des affaires reconnaît que Carlos Ghosn est sans doute l’un des patrons d’entreprise les plus emblématiques, parce que l’un des plus performants.

Tout le monde se souvient que c’est lui qui a sauvé Nissan de la faillite il y a près de 20 ans, en redressant cette maison ancestrale pour en faire une entreprise vedette dans le monde de l’automobile. Tout le monde reconnaît que c’est lui qui , au pouvoir chez Renault depuis 13 ans, a mené une stratégie gagnante en développant le low cost et en tissant des liens gagnant-gagnant avec Nissan, pour en faire au final le premier constructeur mondial avec plus de 10 millions de véhicules vendus par an. Un groupe que l'on disait prêt à aborder la révolution digitale et l’autonomie.

Or, l’alliance Renault-Nissan (à laquelle il faut ajouter Mitsubishi) est un groupe très particulier. C’est une alliance de sociétés juridiquement indépendantes, avec des participations croisées entre Renault et Nissan, mais techniquement très liées. L’alliance formait un système industriel qui parvenait à dégager des synergies sur les fabrications, le commercial et la recherche.

Mais le vrai pivot de cette Alliance, le centre de gravité, c’était Carlos Ghosn, qui s’était ainsi taillé un pouvoir qui agaçait à la fois les concurrents et les gouvernements. Carlos Ghosn dirige 120 000 salariés et 38 usines à travers le monde.

La France, qui détient encore près de 15 % du capital de Renault, avait du mal à supporter la sur puissance de Carlos Ghosn, la façon qu‘il avait de défier l’Etat, le manque de transparence de sa gestion du groupe, tout en reconnaissant que les résultats étaient au rendez-vous. Alors, si les rapports avec le pouvoir français étaient tendus, à Bercy comme à l’Elysée on supportait « puisque ça marche ». 

L’année dernière, devant l‘émotion suscitée dans les syndicats et auprès des actionnaires face à la rémunération de Carlos Ghosn, le pouvoir politique français a fait pression pour obtenir une baisse de rémunération.

En février 2018 très précisément, le gouvernement français (présent à 15 % au capital du constructeur automobile) avait autorisé la reconduction de son mandat de président pour quatre années supplémentaires, soit jusqu’en 2022. Mais à condition d’accepter de réviser à la baisse son confortable salaire qui était officiellement de 6 millions d’euros pour sa seule fonction de président de Renault. Ce qui a provoqué un bras de fer entre Carlos Ghosn et Bercy.

En avril 2016, déjà, l’assemblée générale des actionnaires de Renault avait voté contre le montant du salaire de Carlos Ghosn. Mais le PDG était passé en force, provoquant la colère d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie : "Quand des gouvernances sont défaillantes parce qu’elles pensent que tout est permis et qu’il n’y a plus de comportement en responsabilité et en éthique, on est obligé de rouvrir des sujets comme celui de la loi".

Sous la menace d’une loi, Carlos Ghosn accepte finalement une baisse de 30 %. "J’ai dit très clairement à Monsieur Ghosn que nous ne pouvions pas voter pour un dirigeant qui avait des rémunérations aussi élevées" a expliqué Bruno Le Maire, successeur d'Emmanuel Macron à Bercy.

En réalité, Bercy n’a de contrôle que sur la partie française de son salaire. Mais quand on regarde en détail, c’est vrai, cette baisse apparente dissimule bien autre chose et notamment des stock options sur des actions qui ont beaucoup monté. Le 16 décembre 2017, par exemple, Carlos Ghosn a dégagé une plus-value de 6 millions d’euros sur l'exercice de stock-options. En 2020, il pourra même bénéficier de 8 millions supplémentaires s'il revend les 100 000 actions gratuites obtenues en 2016. Une rémunération en stock-options qui s'ajoute donc à son salaire de PDG.

Maintenant, il faut aussi ajouter le salaire qu’il percevait comme président de Nissan et de Mitsubishi, soit au total près de 15 millions d’euros selon les analystes et sans doute beaucoup plus, selon la justice japonaise et même la direction de Nissan où l’enquête a été menée depuis de longs mois.

De l’avis de beaucoup d’experts, Carlos Ghosn ne pourra pas survivre à cette affaire et à Tokyo, comme à Paris, il sera contraint de ne pas terminer son mandat.

Cela étant, cette chute en plein vol arrive à un moment très compliqué pour trois raisons

1ère raison : l‘équilibre de cette alliance mondiale tenait à l’autorité et au savoir faire de Carlos Ghosn. Or, dans ce groupe très complexe, la succession n’a pas été préparée. Renault et Nissan possèdent des compétences en interne, mais sont-elles préparées à prendre le relais d’un groupe très complexe ? Nul ne le sait.

2e raison : l’alliance Renault-Nissan structurait le secteur au niveau mondial. Le groupe, par exemple, avait pris de l’avance dans les relations que le secteur pouvait avoir avec les GAFA sur la mise au point de la voiture électrique. Il avait réussi à challenger l’industrie allemande qui détenait des positions dominantes.

3e raison : l’industrie automobile était arrivée en haut de cycle. Il fallait trouver des relais de croissance. Carlos Ghosn s’était donné pour mission de préparer l’alliance à affronter le prochain cycle portant sur la mobilité, l’électrique et la maturité des marchés chinois.

Le conseil d’administration de Nissan a demandé le départ de Carlos Ghosn. Le conseil d’administration de Renault et le gouvernement français ne pourront pas rester très longtemps sans réagir.

Pour revoir l’histoire de Renault et la saga produite par JMS prod,

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