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Intentions de vote aux européennes : LREM paye le prix des gilets jaunes
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Chute

Un sondage Ifop exclusif pour Atlantico montre que depuis août, les intentions de vote aux élections européennes pour la liste La République En Marche sont tombées à 19%, tandis que celles en faveur du Rassemblement national progressent, à 22%.

 Ifop

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Comment expliquer ce retour en force du RN qui semble retrouver sa position antérieure au premier tour de l'élection présidentielle de 2017 ? 

Jérôme Fourquet : On constate effectivement au fil des vagues d'enquêtes européennes qui se succèdent une progression assez sensible du Rassemblement national, qui était mesuré à 17% à la fin de l'été, 20% à la fin du mois d'octobre, et maintenant à 22% à la veille de la mobilisation des Gilets jaunes. Cela étant sans doute en lien avec cette dynamique. Ce qui est intéressant, c'est que le RN était resté discret jusqu'il y a très peu de temps, sa principale dirigeante Marine Le Pen s'était faite assez rare dans les médias, et pour autant, cette dynamique positive s'est enclenchée. Il faut sans doute y voir le fait que le RN, mécaniquement, peut-être aussi en fonction des déboires connus par Jean-Luc Mélenchon, est parvenu à récupérer le dossard de principale formation contestataire d'opposition à Emmanuel Macron. Il y a eu un double mouvement, celui-ci étant le premier. Le second mouvement est un tassement très net de la popularité d'Emmanuel Macron et une montée de la contestation et du mécontentement à son égard. Si on remet les pièces du puzzle dans l'ordre, on a depuis cet été une érosion très sensible de la popularité d'Emmanuel Macron et une progression du mécontentement et le RN est parvenu à restaurer son statut de principal opposant, hautement enviable dans une période ou l'exécutif et le président de la République deviennent impopulaires. C'est cela qui s'est joué et la colère des Gilets jaunes n'en est que l'ultime illustration ou le dernier avatar puisque nous sommes sur une contestation qui touche des publics ou des thématiques qui sont travaillées de longue date par le RN.

Avec un total gauche de 29%, peut-on parler de score historiquement bas alors que les Français jugent LREM davantage comme un parti de droite ? 

Nous sommes à un niveau historiquement bas, cela est très net, mais cela ne date pas d'aujourd'hui au regard des résultats de la présidentielle de 2017, ou nous étions pratiquement au même niveau. On l'explique par le big bang qui a été provoqué par la victoire d'Emmanuel Macron et l'émergence d'une vaste formation centrale qui continue de mobiliser encore 20% des voix, et dont certains électeurs votaient traditionnellement pour des formations sociales-démocrates, écologiste ou PS. Cet étiage très bas, historiquement. Ce qui est intéressant, c'est effectivement de voir que ce niveau est resté le même alors même qu'Emmanuel Macron est entré dans une période de très haute impopularité. Dit autrement, cela signifie que toute une partie des déçus de gauche qui avaient voté pour Emmanuel Macron n'opèrent pas de retour significatif vers la gauche française. Quand on regarde dans le détail de cet espace de gauche, deux autres éléments rendent cette faiblesse du total gauche encore plus grave. D'une part, c'est la perte de vitesse des Insoumis, leur liste était mesurée à 14% à la fin du mois d'août et nous sommes aujourd'hui à 10%, ce qui est clairement le résultat de la séquence de la perquisition de Jean-Luc Mélenchon, qui a abîmée singulièrement l'image de ce mouvement. D'autre part, en ce qui concerne l'autre compartiment de cette grande gauche – le créneau gauche de gouvernement de Hamon aux écologistes – on constate aujourd'hui que cet espace qui est mesuré à 15% des voix est très fragmenté. Puisque ni les EELV, ni le PS, ne parvient à ce jour à en prendre le leadership. L'émergence de "Place Publique" est également le symptôme de cette fragmentation, et peut être une volonté d'organiser et de structurer ce courant-là. Cela était aussi l'enjeu de l'idée d'une liste dirigée par Ségolène Royale, dont l'objectif était de faire la synthèse de ces électeurs pour permettre au parti de retrouver son hégémonie ; au moins sur cet espace. Il faut noter tout de même que cet espace s'est élargi depuis la présidentielle parce qu'à ce moment, Benoît Hamon avait le soutien des écologistes, pour un total de 6%, qui est devenu 16% aujourd'hui en comptabilisant l'ensemble. Cette progression s'est faite sur les deux ailes, d'une part parce que la FI n'est plus qu'à 10% alors qu'il était à 19%, et que Emmanuel Macron est passé de 24 à 19%.

On constate également que l'hypothèse d'une tête de liste LREM, avec Bernard Guetta, en l'état, n'apporte aucune plus-value à la République en Marche par rapport aux vagues d'enquêtes précédentes qui avaient testées avec d'autres personnalités, ou sans tête de liste.

De La FI aux LR, tous deux en baisse depuis le mois d'août, qui sont les perdants de ces dernières semaines ? 

Le principal perdant est la France Insoumise, puisque l'objectif du parti de Jean-Luc Mélenchon depuis la présidentielle était de consolider son électorat et de l'élargir avec un très grand activisme sur tous les conflits sociaux, tout en étant parvenu à être perçu par les Français comme le principal opposant à Emmanuel Macron. Nous ne sommes plus du tout dans cette configuration parce qu'il s'agit désormais de tenter de recréer ou de repréempter l'espace électoral qui était le sien à la présidentielle, parce qu'avec 10% pour la Fi et 2% pour les communistes, nous sommes très loin de ses 20% de 2017. La difficulté supplémentaire est que la FI avait été très active sur toutes les luttes sociales depuis 18 mois avec comme grand leitmotiv la convergence des luttes. Ce que l'on constate aujourd'hui, mais on le verra le 17 novembre au soir, c'est que la convergence des luttes semble s'être opérée sur le terrain via le mouvement des Gilets jaunes avec lequel Jean-Luc Mélenchon a eu une très grande prudence au début, même s'il explique aujourd'hui à ses adhérents qu'il faut y participer. Cependant, même si le RN n'est pas à la manœuvre, ce mouvement des Gilets jaunes est plutôt tendanciellement -même s'il est trans-partisan et apolitique – vers une inclinaison politique sur les thématiques et les clientèles travaillées par le Rassemblement national plutôt que sur celles de la France Insoumise. Parce que potentiellement, la vraie grande contestation sur le terrain de la politique d'Emmanuel Macron, est en train de se faire en marge des syndicats et de la gauche radicale qui regardent cela plutôt en spectateurs.

Ce qui est intéressant aussi, c'est que les Républicains de Laurent Wauquiez ne bénéficient pas vraiment, c'est le moins que l'on puisse dire, de la colère grandissante à l'égard du gouvernement. Ils ne bénéficient pas non plus de la sortie de Benjamin Griveaux sur "la France de Wauquiez qui serait celle qui fume des clopes et qui roule au gasoil", on ne voit pas de mouvement consécutif à l'émergence des Gilets jaunes quand on regarde les chiffres attentivement. Ce mouvement vient plutôt souffler du vent dans les voiles du RN que dans celles des LR. Et lorsque l'on regarde les scores, 19% pour LREM et 22% pour le RN, 13% pour les LR, et 10% pour la FI, objectivement, l'opposition principale au macronisme c'est bien le Rassemblement national. 

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