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Élections en Bavière : y a-t-il encore une coalition pour gouverner vraiment le pays ?
©CHRISTOF STACHE / AFP

Allemagne

Les estimations des télévisions publiques allemandes confirmaient dimanche à 20h la tendance annoncée : une CSU en tête, mais qui subirait une baisse de l’ordre de 10 points de moins qu'à la précédente élection. Au contraire, les Verts approchent les 18%, et l'AfD grimpe à 11%. Le SPD fait un score catastrophique.

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant est professeur émérite de civilisation allemande à l'Université de Lille et directeur de la revue Allemagne d'aujourdhuiIl a récemment publié avec Hans Stark "Les relations franco-allemandes: vers un nouveau traité de l'Elysée" dans le numéro 226 de la revue Allemagne d'aujourd'hui, (Octobre-décembre 2018), pp. 3-110.
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Atlantico : Du point de vue purement bavarois, comment devrait dès lors s'organiser le pouvoir dans le Landtag de Munich ? Une coalition CSU-Vert est-elle envisageable ?

Jérôme Vaillant : Un premier constat s’impose : les deux formations qui font partie à Berlin de la Grande coalition subissent une grave défaite puisque les Chrétiens-sociaux, le « parti frère » de la CDU, habitués, sauf exception, à avoir la majorité absolue en Bavière, perdent, en effet, un peu plus de dix points par rapport aux élections de 2013 ; quant aux Sociaux-démocrates, ils perdent 11 points et réalisent leur moins bon score jamais obtenu en Bavière ou même dans tout autre Land. La défaite est donc particulièrement cuisante pour le SPD ; celle de la CSU est, quant à elle, tempérée par le fait qu’elle reste effectivement  le premier parti de Bavière et se trouve en position de pouvoir former un gouvernement de coalition avec un seul autre parti – comme elle a déjà dû le faire, d’ailleurs, une première fois en 2008 avec les Libéraux (FDP), sous la conduite de Horst Seehofer. La défaite est également atténuée pour elle par le fait que, appréciée ces dernières semaines à 33-35% dans les sondages, elle devrait finalement dépasser les 37%, ce qui facilitera la formation d’une majorité avec le groupement des Electeurs indépendants. C’est l’option privilégiée le soir-même des élections par les deux formations, favorables à une coalition bourgeoise et conservatrice, ce qui met un terme aux espoirs qu’avaient pu nourrir quelques dirigeants verts en Bavière de devenir un partenaire incontournable pour la CSU malgré de nombreuses incompatibilités programmatiques. Ensemble CSU et Electeurs indépendants auraient 108 sièges sur 200.
Le succès des Verts en Bavière n’en est pas moins considérable puisque, avec près de 18% des voix, ils doublent leur résultat de 2013. Ce sont eux les réels vainqueurs de ce scrutin même si ce résultat ne leur permet pas d’accéder au pouvoir. Cette montée en puissance des Verts est un signal très fort pour le niveau fédéral alors que le parti libéral, avec seulement 5% des voix, reste dans l’incertitude : un score inférieur à 5% l’exclurait du Landtag de Munich.
Troisième constat qui peut être fait au soir du scrutin bavarois. L’AfD, dont l’entrée au parlement régional de Bavière ne faisait pas de doute, était créditée de 14 à 15% des voix, certains commentateurs le voyait déjà être le véritable challenger de la CSU dont le président Horst Seehofer avait repris les grands thèmes sur l’immigration dans l’espoir de reconquérir l’électorat de droite en Bavière. L’AfD obtiendrait finalement 11% des suffrages, soit moins que le score de 12,6% réalisé lors des élections fédérales du 24 septembre 2017. La participation ayant été plus élevée de quelques points qu’en 2013, ce résultat montre que la montée de la droite populiste en Allemagne n’est pas irrésistible. En réunissant plus de 200.000 personnes à Berlin le 13 octobre la grande manifestation contre le racisme et la xénophobie sur le thème de l’indivisibilité des droits de l’homme a peut-être montré le chemin.

Comment expliquez-vous ces résultats ? Sont-ils surprenants ?

Ces résultats ne sont pas vraiment surprenants dans la mesure où les nombreux sondages de ces derniers mois permettaient à quelques points de pourcentage près de s’y attendre. La montée en puissance des Verts s’en dégageaient même si celle-ci ne semble pas avoir retenu l’attention qui se portait davantage sur la crainte de voir l’AfD progresser alors que celle-ci piétinait, sauf vers la fin de la campagne électorale,  dans les sondages portant sur la Bavière. 
La débâcle du SPD est, elle, plus forte que prévu, mais elle a presque un caractère anecdotique au plan local vu que le SPD n’arrive plus en Bavière depuis une quinzaine d’années à dépasser le seuil des 20%. Au plan fédéral, c’est cependant un sérieux avertissement pour la direction du SPD et pour sa présidente Andrea Nahles, qui ne parvient pas à tenir sa promesse de rénover le parti et de le rendre plus distinct de la CDU d’Angela Merkel.

Le très bon score des Verts ne rend-il pas encore plus envisageable (et cohérent ?) l'option écartée par Angela Merkel d'une coalition "jamaïcaine" ?

L’option « jamaïcaine » a déjà été exclue par la CSU qui n’a pas suffisamment de points communs avec les Verts. En cela la CSU, nettement plus conservatrice que son « parti-frère » se distingue de la CDU du Schleswig-Holstein qui dirige le Land depuis 2017 avec les Verts et les Libéraux ou de celle de la Hesse qui est gouvernée par une coalition de la CDU avec les Verts. Les électeurs éliront en Hesse un nouveau Landtag le 28 octobre prochain.
La confirmation de la progression des Verts et de la désaffection des électeurs pour les partis de la grande coalition permet au mieux de regretter que la tentative de constituer une coalition « jamaïcaine » de gouvernement au lendemain des élections fédérales de septembre 2017 ait échoué. C’était une tentative intéressante de renouveler les coalitions gouvernementales au niveau fédéral, dans une période d’éparpillement des voix des électeurs un essai pour rassembler les partis et les confronter, avec toutes leurs différences, à la nécessité de gouverner ensemble. A noter que ce n’est d’ailleurs pas Angela Merkel qui a écarté cette possibilité, ce sont les Libéraux qui ont quitté la table des négociations, obligeant la chancelière à chercher son salut dans la solution plus traditionnelle d’une grande coalition.

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