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Les marchés financiers américains et européens marchent-ils au cannabis ?
©Reuters

Signaux de fumée

Les marchés semblent en ce moment assez irrationnels. Est-ce lié à leur penchant pour le cannabis (à visée thérapeutique bien entendu) ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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C’est à se le demander : les bourses américaines sont toujours orientées à la hausse, rejointes par les européennes. Et pourtant le prix du pétrole monte, en liaison avec les tensions sur l’Iran – ce qui fera monter encore l’inflation aux États-Unis et en Europe, donc les taux courts et longs, donc pèsera sur la croissance. Et pourtant les tensions montent aussi, entre États-Unis et Chine, avec la guerre des tarifs douaniers. Et pourtant la situation iranienne se détériore de jour en jour, dans l’attente du 4 novembre où les sociétés qui achètent, transportent ou assurent le pétrole iranien seront exclues du marché et du système bancaire américain, sauf à avoir obtenu une exemption… de l’administration américaine. Et que se passera-t-il pour les sociétés chinoises qui commercent avec l’Iran? 

Et oui : les marchés financiers sont moins inquiets avec la Chine. Ils se disent que la hausse des droits de douane américains sur les importations chinoises est passée de 20% prévus à 10% « seulement ». Bon signe ! La Chine réagit, mais sur un mode qui paraît contenu. Les alternances sont constantes, côté américain, entre manifestions de force et désirs de dialogue. Et la Chine répond toujours, mais toujours un ton plus bas. Les États-Unis veulent certes un moindre déficit commercial, mais surtout plus de garanties sur leurs droits de propriété et sur l’accès au marché chinois de leurs entités bancaires et financières. Et les marchés financiers apprécient la démarche, se font à la méthode et pensent même qu’elle pourra réussir. 

Et oui : les marchés financiers sont moins inquiets avec l’Iran. Ce pays ne pèse pratiquement plus sur le marché du pétrole, quand les États-Unis (surtout), mais aussi le Canada, le Brésil, l’Irak, la Russie et l’Arabie saoudite exportent de plus en plus, sans compter le retard technologique iranien dans le secteur. Les marchés se disent que l’Iran va lâcher du lest quand ils regardent le taux de change de la monnaie au marché noir, à 145 000 rials contre 44 000 officiels, et l’inflation à 190% (en juillet) selon Steve Hanke, économiste à la Johns Hopkins University, contre les 18%, officiels. Et ils pensent de même pour la Turquie, qui devrait (au moins) fortement ralentir, avec des taux à 24% pour une inflation officielle à 18%.

Et oui : les marchés européens regardent Mario Draghi, avec ses trésors de patience. Il maintient sa politique de taux bas (en espérant la prolonger avec un successeur plus compréhensif que Jens Weidmann, le patron de la Banque centrale allemande et candidat). Ils relativisent même ce qui se passe en Italie. Pour les marchés, décidément high, les tensions en Europe pourraient s’apaiser et les difficultés d’Emmanuel Macron ne pas trop peser sur les taux longs, même si la croissance commence à ralentir en France.

Et oui : rien ne vaut la dette publique française ! Certes, le « papier » le plus sûr de la zone euro est de plus en plus rare, le bund allemand, avec l’excédent budgétaire du pays, plus le stock détenu et gardé par la BCE (au moins 20%). Donc la France paraît relativement sûre, épaulée certes par l’Allemagne, et surtout elle émet, elle, de la dette, « grâce » à son déficit ! Le rendement du bon du trésor allemand est ainsi à 0,49% pour une inflation à 2% et le français à 0,80% pour une inflation à 2,3%. Le taux réel allemand est à -1,51% et le français à -1,50% ! L’euthanasie franco-allemande des épargnants européens et non européens fonctionne bien : prime payée à la sécurité ! 

Et oui : dans ce monde de moins en moins explicable, les marchés d’actions européens suivent ceux des États-Unis, qu’ils jugent mieux informés. S’ils montent là-bas, indépendamment de tout ce que l’on entend ici, c’est sans doute que les nouvelles continuent à y être bonnes !

Et pourtant, c’est un optimisme que ne partagent pas les chefs d'entreprises américains. Les trois quarts des sociétés du pays (74,3%) estiment qu'elles souffriront de la deuxième salve de hausses de taxes décidée par Donald Trump, contre 60% pour la première, selon une étude de la Chambre de commerce américaine en Chine (AmCham), publiée le 13 septembre. 47,2% des groupes prévoient un « fort impact négatif », contre 21,5% pour les premières. Les investisseurs regardent aussi le marché obligataire où le rendement des obligations du Trésor américain à dix ans est repassé depuis mai au-dessus du « seuil symbolique » de 3%, faisant monter les taux allemands et français. 

Et pourtant, c’est ce duel entre Etats-Unis et Chine qui conduit aussi l’institut IW allemand à diminuer ses prévisions de croissance pour l’Allemagne en 2018 et 2019 : 1,8% en 2018, 1,4% en 2019 contre 2% auparavant pour ces deux années. Selon lui, les exportations vont baisser et les entreprises moins investir.

Comment les marchés financiers vont-ils donc atterrir, eux qui ne regardent plus que les bonnes nouvelles, ou appellent « bonnes » de moins mauvaises ? Le ralentissement des pays émergents est-il seulement une façon de prolonger une croissance américaine qui fonctionne à la demande interne ? Une aubaine pour financer le déficit américain ? Augmenter les droits de douane et pousser au rapatriement d’activités n’est-il pas inflationniste dans un pays en plein emploi et qui souffre, aussi, de problèmes de formation et de productivité ? Tout n’est donc pas forcément si rose, même si Donald Trump gagne ses premières joutes avec le Mexique et le Canada. Alors : cesser le cannabis, ou passer à du « plus dur » ?

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