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Cette dangereuse tentative d’OPA des minorités sur notre démocratie
©SAUL LOEB / AFP

Dictature de la minorité

Les phrases, les situations qui semblaient autrefois anodines deviennent des crimes. Nous sommes tous coupables - d’avoir bu un verre, d’avoir blagué sur les femmes, de manger de la viande, d’avoir offensé une minorité quelconque - et les inquisiteurs nous guettent.

Jean-Michel  Quatrepoint

Jean-Michel Quatrepoint

Jean-Michel Quatrepoint est journaliste. Après onze ans passés au Monde, il a dirigé les rédactions de l’Agefi, de la Tribune et du Nouvel Economiste. Il a été pendant quinze ans le patron de La Lettre A. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont La Crise globale (Mille et une nuits, 2008) et Le Choc des empires (Gallimard, 2014).

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Atlantico : Votre livre,  "Délivrez-nous du Bien !", écrit avec Natacha Polony et publié aux éditions de l'Observatoire, est avant tout une charge contre certaines grandes évolutions sociétales et ses "nouveaux curés" qui, en érigeant un Bien exclusif, désignent comme coupable toute personne qui ne souscrit pas à leur credo. Pourquoi dénoncer le caractère religieux de cette "nouvelle inquisition" ?

Jean-Michel Quatrepoint : Ce sont des bigots ! Vous êtes sommés d'adhérer au dogme, et si vous n'adhérez pas au dogme, vous êtes excommuniés en vue d'une rééducation. On est bien dans une religion, qui veut vous obliger à penser, dans le cadre des dogmes. Revenons pour l'illustrer sur le problème du féminisme. Bien évidemment, les femmes voulaient être égales en droit aux hommes. Il était même incroyable qu'il ait fallu attendre le Général de Gaulle avant qu'on leur donne le droit de vote. C'était cela le combat réel du féminisme, celui qui demandait les mêmes droits. Nous pensons que les femmes et les hommes doivent être bien évidemment égaux en droit comme d’ailleurs tous les êtres humains, mais il sont différents et complémentaires. L'être humain progresse de ces complémentarités et de ses différences. Il faut accepter la différence. Mais on essaye de nous imposer une seule vision, un seul modèle, et les féministes les plus extrêmes (dans le cadre des genders théories etc.) vont vers l'androgynie. Le vrai féminisme indispensable était pour l'égalité des droits. Historiquement, dans les pays occidentaux, l'objectif est atteint, même s'il reste un certain nombre de domaines dans lesquels il pourrait y avoir des améliorations.

Mais les combats de ces minorités partent toujours d'un bon combat qui un jour obtient des résultats. Le jour où ils obtiennent ces résultats se pose alors la question : "qu'est-ce que nous devenons, en tant qu'association, qu'ONG ?". C'est à ce moment-là que ces groupes, pour pouvoir continuer à exister et même tout simplement à survivre financièrement,poussent le bouchon toujours un peu plus loin. Et là on bascule dans le déséquilibre. De la même façon qu'il y a eu des déséquilibres en défaveur des homosexuels, des femmes et des minorités. Mais ceux-ci sont en passe d’être gommés, et le balancier passe totalement de l'autre côté. On en arrive à des aberrations sur la négation du genre humain, comme dans le cas des spécistes. Prenons le cas des végans : il est très compréhensible que certains souhaitent suivre ce régime. C'est parfaitement leur droit. Mais qu'ils n'empêchent pas les autres de manger de la viande.

Là, on est dans la religion et dans l'excommunication.

Vous rassemblez les différentes parties de ce grand mouvement moralisateur sous une bannière, celle du "minoritarisme", qui considère que le bienfait de la minorité, surtout si elle est opprimée, est supérieur au nécessités de la majorité. Ne faut-il pas y voir avant tout l'affaiblissement de tout idéal commun ?

Bien sûr. L'intérêt de la communauté et de la majorité sont dévalués. Ce n'est pas neutre que ce mouvement vienne des Etats-Unis, puisque les Etats-Unis se sont construits sur la "Tyrannie de la Majorité" décrite par Tocqueville. Pour éviter celle-ci, on développe des groupes de pressions et des minorités, dont l'action conjointe aboutit finalement à faire le progrès social. Mais le néo-libéralismed’aujourd’hui accouche d’une hyperindividualisation, poussée jusqu'à l'absurde. L'individu est au-dessus de tout. Au-dessus du bien commun. Cela peut s’expliquer par rapport à l’affrontement avec le communisme, qui au nom du collectif bafouait les droits individuels. Mais maintenant l'hyperindividualisme bafoue les droits collectifs. Là aussi, le balancier est parti trop loin. La technologie, la civilisation du mobile accompagne tout cela. Quand vous voyez le narcissisme des selfies et ces gens qui ne regardent plus le monde que par leur portable ! Dans ce contexte, on se retrouve avec des minorités activistes, qui en veulent toujours plus et qui souhaitent imposer aux autres leur vision du monde.

L'origine de ce nouveau "Bien" vous ramène systématiquement aux Etats-Unis, où sont presque toutes nées les différences mouvances néo-féministes, antispécistes, antiracistes et autres  telles qu'on les connait aujourd'hui. Comment expliquer le développement rapide et la prospérité de ces théories tout à fait propres au modèle américain en France ?

La France a longtemps eu un modèle qui lui était propre : la République. Avec la séparation de l'Eglise et de l'Etat, on séparait la conscience privée qui était du domaine privé et l'espace public où on devait respecter les croyances des autres sans les afficher. On le voit avec le problème du voile. Les Américains attaquent depuis toujours cette "laïcité" française, qui est assimilée par eux à du racisme ou de l'ostracisme envers les minorités, notamment la minorité musulmane.

Vous déclarez que les combattants du Bien et le "minoritarisme" sont les "idiots-utiles" du néolibéralisme. Vous prenez comme exemple l'explosion du nombre des ONG. Qu'est-ce qui est problématique dans cette évolution qui vous fait dire qu'il ne s'agit que d'un "business idéologique" ?

Les ONG au départ étaient de deux types. Il y avait la conception française qui étaient "médicales' et "humanitaires", et ne s'occupaient pas de politique locale. Les ONG anglo-saxonnes se sont développées, elles, avec une volonté d'ingérence. C'est une arme idéologique. Elles ont pour objectif de se substituer à une partie des actions des Etats.  Elles se situent entre le marché et  les entreprises  d’un côté et lesEtats et organisations  internationales de l’autre. C'est dans cette brèche que les ONG anglo-saxonne se sont engouffrées. Elles sont à la fois un business et une idéologie. C'est ce qui se passe avec George Soros par exemple. Il utilise l'argent qu'il a gagné par la spéculation pour promouvoir l'idée qu'il se fait de l'organisation politique du monde.

Face à ce genre d'adversaires, vous déclarez "Nous sommes les vrais progressistes", clamez-vous à la fin de votre livre. N'est-ce pas difficile d'opposer ce termes à des mouvances qui semble l'avoir accaparé ?

Effectivement, il y a un problème en France, depuis que la gauche a abandonné un certain nombre de combats avec la disparition de la lutte des classes. Celle-ci a été remplacée par la lutte des races, des sexes, et par ce concept dominant/dominé, victime/bourreau. Le bourreau aujourd'hui, pour ces minorités activistes,c’est l'homme blanc hétérosexuel. Les victimes sont tous les autres. Les femmes victimes du patriarcat, les homosexuels victimes pendant longtemps de l'opprobre, les noirs du racisme, l'Islam de l'islamophobie etc.

La gauche, elle, a adopté cette vision multi-culturaliste et a fait un calcul électoral,tout comme les démocrates américains ont joué les minorités contre la majorité. Et la majorité c’était la classe moyenne blanche. Le résultat est qu'Hillary Clinton a été battue et Trump élu. Le résultat en France est que la gauche a explosé en vol. Parce que la majorité existe et ne veut pas se faire laminer. Et surtout elle ne veut pas qu'on considère qu'elle est coupable. Et c'est ici que vient la question de la repentance. Il faut que l'Histoire soit écrite par les historiens et non en fonction de l'air du temps. L'histoire n'est pas univoque. Chaque pays a ses drames, ses succès. Ce n'est ni tout blanc, ni tout noir. L'histoire n'est pas un dogme. Nous demandons à ce qu'on revienne dès lors à des débats raisonnables. Et que la raison l'emporte sur les émotions ou les anathèmes. Ces minorités se sont imposéesaux  politiques qui vont à la pêche aux voix et qui craignent les réseaux sociaux. Elles imposent leur vocabulaire, tel le langage inclusif. Et elles  proclament être pour le progrès. Mais le progrès, c'est de faire progresser toute l'humanité. Pas seulement permettre la GPA, la PMA, etc. Ou de considérer que faire l'amour avec des animaux est égal à l'amour humain. 

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