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Armement des policiers municipaux : les gênantes contradictions du rapport Fauvergue
©SEBASTIEN NOGIER / AFP

Conclusions

Les députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot ont rendu un rapport ce mardi qui incite notamment à rendre obligatoire l'armement des policiers municipaux.

Mathieu Zagrodzki

Mathieu Zagrodzki

Mathieu Zagrodzki est politologue spécialiste des questions de sécurité. Il est chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales et chargé de cours à l'université de Versailles-St-Quentin.

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Atlantico : Un rapport parlementaire a été remis ce 11 septembre par les députés Jean-Michel Fauvergue et  Alice Thourot qui préconise notamment de rendre obligatoire l'armement des policiers municipaux. Il comporte 78 propositions pour améliorer la coordination entre les forces de l'ordre, la police municipale et les agents de sécurité privée. Quel pourrait être l'avantage de l'extension des prérogatives et des moyens alloués à la police municipale ? En quoi est-ce une décision nécessaire ?

Mathieu Zagrodzki : Le principal argument en faveur de l'armement des policiers municipaux est de dire qu'ils sont aujourd'hui exposés à des dangers pas forcément différents que ceux auxquels sont exposés leurs collègues policiers nationaux ou gendarmes et que, de fait, ils doivent bénéficier de la même capacité de protection et de riposte.
Sur la sécurité en général l'argent est – convaincant. Le fait d'armer la police municipale dans des petites communes rurale ne va pas apporter grand-chose à la sécurisation des lieux sachant que ce sont des personnels qui gèrent des conflits de voisinage, des infractions au stationnement ou encore veillent à l'application de règlements relatifs à la police de l'environnement donc ce n'est pas forcément indispensable.
Sur l'extension de leurs prérogatives, cela ne va pas forcément soulager la police nationale mais va faire faire des choses à la police municipale pour lesquelles leurs collègues n'ont plus de temps. Le fait que la police nationale soit débordée et ne puisse plus tout gérer est une certitude. La logique serait donc de confier des missions initialement réservées à la police nationale à des policiers municipaux. Ce qui pose la question de la nature de la fonction de la police municipale et des différences qui deviendraient de plus en plus ténues au moins sur la partie voie publique.

Pour autant, si ces propositions sont appliquées, quels problèmes est-ce que cela pourrait soulever notamment en termes de moyens et de formation ?  N'est-ce pas contradictoire de baisser les dotations des collectivités et en même temps demander plus d'efforts à ces dernières pour assurer la sécurité ?

En faisant cela on peut dire qu'on légitimisme et l'on "fait monter en gamme" le métier. Mais d'un autre côté on fait peser sur ces effectifs et les municipalités des responsabilités financières supplémentaires.
On oblige les municipalités à des dépenses supplémentaires de la fourniture d'armes aux formations et si incident il doit y avoir un jour, cela va faire peser une responsabilité juridique et financière en plus sur les collectivités dont les caisses sont exsangues. Les aides financières de l'Etat se tarissent, on est dans un contexte extrêmement compliqué ne serait-ce que sur le plan économique pour le petites communes et en plus on va leur mettre une obligation, une responsabilité supplémentaire sur les élus locaux. Je ne suis pas sûr que la nouvelle soit bien accueillie.
Vous avez raison de souligner cette contradiction si ces investissements viennent à se confirmer ils se feront au détriment d'autres investissements comme dans les travaux publics par exemple ou vont conduire à une hausse des impôts locaux. Etrange pour un gouvernement qui prétend vouloir alléger la pression fiscale qui pèse sur les Français.

Louis Aliot a dénoncé ce matin sur LCI une "décharge de responsabilité " de l'Etat et une "privatisation de la sécurité dans notre pays". Dans quelle mesure peut-il avoir raison ?

C'est excessif de parler de privatisation. Donner plus de pouvoir aux municipalités n'est pas privatiser. De sa part cette déclaration est "intéressante" quand on sait que le Rassemblement National (ex FN) est loin d'être réticent aux renforcements des forces de police. Après il est dans son rôle d'opposant il est normal qu'il soit critique envers la chose. Mais dans l'absolu on peut présenter cela comme une mesure d'égalité, c'est-à-dire qu'il n'y aura plus de distinguo entre les polices et on peut considérer que les Français auront tous le droit au même type de protection.
Mais ce n'est qu'une égalité d'apparence car comme dit précédemment il y a des communes qui pourront faire face à l'investissement et d'autres pas.
Par contre sur la question de la décharge de "responsabilité" de l'Etat cela fait sens. Cela revient à dire que la petite, moyenne délinquance et les incivilités, l'Etat n'a plus le temps de s'en occuper et va se décharger de ses fonctions régaliennes sur les municipalités. Mais le calcul relève d'un cours de maths de collégien quand on sait qu'il y a, à peu près, 22 000 policiers municipaux en France pour un peu plus de 240 000 policiers nationaux et gendarmes. Soit un rapport de un à 10 entre les forces municipales et nationales. Les premières ne pourront donc jamais s'occuper pleinement de ces problématiques, tout simplement car elles n'ont pas les ressources humaines suffisantes. Si elles devaient augmenter significativement leurs effectifs ce serait encore une fois au prix d'investissements trop importants pour la plupart des communes de France.

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