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Comment repenser l’école dans un monde où la science démontre que la réussite scolaire est façonnée par les gênes
©Reuters

Ethique

Une étude menée sur des vrais et faux jumeaux montre que le capital génétique jouerait un rôle très important dans l'apprentissage.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Une étude internationale menée par six chercheurs tend à démontrer l'importance du capital génétique dans l'apprentissage des enfants. L'étude, menée sur 12 000 vrais et faux jumeaux montre une corrélation de résultats bien plus importante entre les vrais jumeaux par rapport aux faux jumeaux. Les chercheurs indiquent que l'influence des gênes reste substantielle, comment expliquer ces résultats ?

Laurent Alexandre : Ces résultats sont la confirmation d'études antérieures. On a plusieurs cohortes qui ont permis de déterminer la partie génétique de nos capacités, notamment celle mise en place par Robert Plomin, du King's College de Londres il y a maintenant 25 ans et qui a déjà démontré la part prépondérante de la génétique dans nos capacités d'apprentissage, notamment dans la lecture.

Contrairement à ce qu'on pensait ce n'est pas parce que les bourgeois donnent plein de bouquins à lire à leurs enfants que ces derniers savent bien lire. C'est parce que les bourgeois ont transmis de bons gênes à leurs enfants. C'est une triste réalité qui nous laisse deux possibilités. Soit on la regarde en face et on essaye de lutter contre cette réalité, (ce que proposent les signataires de cette étude), soit on ne fait rien. 

A mes yeux il faut identifier les enfants qui ont des variants génétiques qui vont en faire de mauvais lecteurs et concentrer nos moyens sur ces derniers car ceux qui ont un bon capital génétique s'en sortiront toujours. 

Aujourd'hui on met la tête dans le sable au nom des bons sentiments. A titre personnel cela me révolte. Les intellectuels se lavent les mains des difficultés des gamins qui ont un mauvais patrimoine génétique. Il vaut mieux regarder les choses en face et mettre au point des techniques d'accompagnement pour réduire les inégalités intellectuelles au lieu de refuser de les voir.

N'a-t-on pas alors trop tendance en France à surestimer le facteur environnemental et à oublier le facteur génétique dans l'apprentissage ?

Il faut voir qu'une bonne partie des biologistes et généticiens français vénéraient Staline, jusqu'au patron du CNRS. Il y a beaucoup de scientifiques  de gauche affirmaient que tout était environnemental et rien génétique. Staline a d’ailleurs mis au goulag tous les généticiens bourgeois qui pensaient que l’ADN avait une influence sur nous et le Parti communiste français a applaudi (le PCF a reconnu son erreur, il y a quelques années). Il y a encore beaucoup de gens qui pensent que nos capacités ne dépendent pas de notre patrimoine génétique et sont très choquées par l'idée même que l'on puisse aborder la génétique de l'intelligence.

Mais, je le répète,  repérer les enfants qui ont un mauvais patrimoine neuro-génétique permettrait de mettre le paquet précocement. Evidemment, cela supposerait de cesser de penser par cette approche tout-environnement.

A mon sens, les enseignants qui sont convaincus que l'environnement est la clé et que la génétique ne compte pas commettent une erreur. D'abord parce qu'ils se chargent d'une responsabilité écrasante qu'ils ne méritent pas car si leurs élèves échouent ce sera obligatoirement de leur faute.

Est-ce qu'il n'y a pas un risque à vouloir absolument trier les individus selon les gênes et le niveau d'intelligence ce qui pourrait laisser un stigmate de long terme à des individus n'ayant pas encore fait leurs études ?

Clairement. Le dépistage pose toujours d'énormes problèmes et soulève de nombreuses questions. Ecartons nous un instant de la génétique de l'intelligence et prenons le cas de la maladie de Huntington. Faut-il dépister dans des familles à risque  de la maladie de Huntington ou est-il préférable de ne pas savoir? Dans le cas de cette maladie, paradoxalement, le fait de savoir que l'on va en mourir n'augmente pas le risque de dépression. C'est contre-intuitif mais c'est la réalité. 

Maintenant même si les conséquences sont évidemment moins funestes, le dépistage des nombreux gènes impliqués dans l'intelligence poserait également des problèmes sociaux, avec un risque de stigmatisation. C'est un problème compliqué pour lequel il n'y a pas de solution simple. Evidemment cela nécessitera un encadrement. Mais ce qui est sûr c'est qu'il est hypocrite de refuser de voir cette réalité génétique. Faire l'autruche comme on le fait actuellement va empêcher d'aider les gamins qui ont un handicap génétique par rapport à d'autres. Au contraire, il faut aider ces enfants, leur donner plus de moyens par rapport à ceux qui sont avantagés, j'en suis convaincu. 

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