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Rentrée scolaire : vaut-il mieux de bons programmes ou de bons profs pour vos enfants (indice : la France joue la mauvaise carte) ?
©FREDERICK FLORIN / AFP

Reprise des cours

Les programmes scolaires sont malheureusement souvent privilégiés au détriment des professeurs.

François Dubet

François Dubet

François Dubet est sociologue spécialiste de l'éducation, professeur à l'Université Bordeaux II et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : N'a-t-on pas une tendance en France à privilégier les programmes plutôt que de porter l'attention sur les professeurs ? Concrètement, entre de bons programmes ou de bons profs qu'est-ce qui prévaut ? 

François Dubet : Il est vrai que nous avons eu longtemps tendance à plus nous intéresser aux normes plus qu'à l'efficacité des pratiques, à faire comme si les normes étaient immédiatement réalisées. De même, nous avons fait comme si tous les enseignants faisaient la même chose et de la même manière. Or, cette illusion ne tient plus depuis une trentaine d'années car toutes les études montrent que les systèmes scolaires sont plus ou moins efficaces, que les établissements sont, eux aussi plus ou moins efficaces et équitables, et que les enseignants sont, enfin, plus ou moins efficaces et équitables. Ceci dit, on ne sait pas toujours très bien ce qui fait qu'un enseignant est efficace et équitable. En tous cas pas assez bien pour promouvoir un modèle unique. Par exemple, si je suis convaincu de l'utilité des sciences cognitives, je ne crois pas que nous en soyons au point où les sciences cognitives se transformeraient directement en pratiques pédagogiques efficaces. Elles empêchent plutôt de faire des bêtises, comme de ne pas comprendre les mécanismes de l'erreur. 
Quoi qu'il en soit, c'est un progrès de s'intéresser à l'efficacité des enseignants car le programme est moins important que la capacité que nous avons de le transmettre aux élèves. Cette observation n'est pas une critique des enseignants qui sont souvent dévoués et motivés mais qui ne sont pas assez armés professionnellement.  

Jean-Michel Blanquer a consacré la première année du quinquennat aux élèves et centre ses efforts pour cette rentrée sur les enseignants. Est-ce-la preuve que l'on va dans le bon sens ? Qu'est-ce qui est prévu ? Pour autant, cela suffira-t-il a pallier les décennies de manque d'investissement en la matière ? 

François Dubet : Avec les écoles normales d'instituteurs, la troisième République avait consacré beaucoup d'efforts à la formation des instituteurs. Mais pour les professeurs de lycée, il n'y avait pas de formation professionnelle, le niveau académique était sensé suffire et progressivement, la formation des instituteurs s'est secondarisée. Bien sûr les IUFM, puis les ESPE, ont essayé de corriger le tir, mais nous restons dans un système où la formation professionnelle est relativement secondaire par rapport à la formation académique. La formation en cours de carrière reste légère et volontaire. Bref, nous avons eu du mal à concevoir que l'enseignement est un métier auquel on devrait être formé comme le sont les médecins, les ingénieurs, les infirmières ou les travailleurs sociaux. Un métier dans lequel la transmission est aussi décisive que la maîtrise des savoirs. Ceci se manifeste par un recrutement tardif et aussi par des difficultés croissantes de recrutement. Jean-Michel Blanquer, comme ses prédécesseurs, essaie de corriger le tir, mais pour autant on ne passe pas véritablement vers une formation dans des écoles professionnelles, comme c'est le cas dans les pays où l'école est plus efficace que chez nous. 

Qu'est-ce qui devrait être amélioré dans la formation des enseignants ? Qu'est-ce qui pêche aujourd'hui ?

François Dubet : Il me semble que le véritable changement serait le basculement vers des écoles de l'enseignement vers lesquelles les étudiants se destineraient quelques années après le bac, comme c'est le cas pour les ingénieurs par exemple, un choix professionnel central. Les connaissances disciplinaires resteraient acquises à l'université, mais par des étudiants se destinant à l'enseignement, des étudiants faisant des stages, allant voir d'autres systèmes, apprendraient des méthodes, à travailler avec les autres, bref, seraient des professionnels. Aujourd'hui, beaucoup d'enseignants font ce travail, mais c'est une forme d'engagement personnel, plus qu'un vrai modèle professionnel. 
Ce basculement aurait, me semble-t-il, deux avantages. Le premier serait, peut-être de donner une image plus positive de la profession et d'attirer les bons étudiants. Le second, serait d'avoir un recrutement socialement plus équilibré car le recrutement à Bac plus 4 ou Bac plus 5 exclut en fait les bons élèves issus des milieux modestes qui ne tiennent pas aussi longtemps dans le système universitaire. 
Il reste que nous gagnerons à ne pas nous focaliser sur les ambitions des programmes, programmes que bien des élèves ont du mal à ingurgiter, et à nous interroger de manière plus modeste et plus modeste sur l'efficacité des pratiques. 

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