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L'arsenal budgétaire d'Edouard Philippe va-t-il sauver le quinquennat d'Emmanuel Macron et permettre de continuer à réformer le pays en profondeur ?
©Fred DUFOUR / POOL / AFP

Calendrier des réformes

Le Premier ministre vient de dévoiler, dans les colonnes du JDD, une série de mesures. Le gouvernement sera-t-il être en mesure d'intensifier le rythme des réformes ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Chômage, retraites, heures supplémentaires, prestations sociales…Que pensez-vous de l'arsenal budgétaire présenté par Edouard Philippe dans le JDD ?

Philippe Crevel : Le Premier Ministre entend en ces derniers jours du mois d’août fixer le cap de la rentrée qui sera marquée comme chaque année par l’examen du projet de loi de finances et du projet de financement de la sécurité sociale. Après une année 2017 qui s’est conclue en apothéose avec une croissance supérieure à 2 % et un déficit public inférieur à 3 %, 2018 apparaît bien moins heureuse avec un ralentissement économique, une hausse du prix du pétrole et une montée des incertitudes. Le Gouvernement entend reprendre la main en s’engageant dans un plan de maîtrise des finances publiques en réduisant le rythme de progression des dépenses sociales qui absorbent près du tiers du PIB, un record mondial. Cette politique par nature peu populaire dans un pays drogué à la dépense. Il aurait été plus structurant de modifier les règles d’attribution des prestations et de réaliser des économies pérennes. L’exonération de charges sociales des heures supplémentaires reprend une des mesures initiées par Nicolas Sarkozy en 2007. Cette exonération était alors double, charges sociales et impôt sur le revenu. La mesure version Philippe donnera de la souplesse pour les entreprises qui peinent à embaucher. En effet, malgré trois millions de chômeurs, le nombre de postes non pourvus s’accroît. Elle sera également bénéfique pour le pouvoir d’achat des salariés qui accepteront de faire des heures supplémentaires. En revanche, cela ne modifie pas en profondeur notre barème des charges sociales qui est complexe et qui ne permet pas une montée en gamme du fait de la concentration des allègements de charges sur les bas salaires. Les effets de seuil sont contreproductifs tant pour les salariés que pour les employeurs.
Le plan du Premier Ministre aurait plus crédible s’il comportait de véritables mesures structurelles permettant de réorienter en profondeur notre économie vers le haut de gamme, vers les secteurs à forte intensité technoilogique.

Comment interpréter cette volonté de maintenir le "rythme" des réformes malgré le ralentissement de l'activité économique.

Le Gouvernement, à travers son gel partiel de certaines prestations sociales, cherchent avant tout de parer au dérapage programmé des dépenses publiques. Une moindre croissance signifie moins de recettes et plus de dépenses sociales. En outre, 2019, avec l’intégration du CICE dans le barème des charges sociales, est une année difficile pour les finances publiques. En effet, le CICE fonctionne avec un décalage de un à deux ans pour le paiement. Avec son intégration, le gouvernement devra donc acquitter les crédits d’impôt pour les années précédentes auxquels s’ajoutent la minoration de charges qui sera calculé en année N. Il faut, par ailleurs, qu’il finance la suppression progressive de la taxe d’habitation et les promesses de dépenses. Or, depuis 2017, le volet économie se fait attendre. 1600 postes de fonctionnaires ont été supprimés en 2018 et 4500 le seront en 2019. Avec un total de plus de 2 millions de fonctionnaires, nous sommes avec ces suppressions dans l’épaisseur du trait. L’objectif sur 5 ans est de 50 000. Il faudrait donc une accélération notoire durant les 3 dernières années. En qui concerne les autres économies, le plan est annoncé mais toujours reporté. Le Gouvernement d’Edouard Philippe comme les précédents comptait sur la croissance mais, manque de chance, une nouvelle fois, elle se dérobe sous ses pieds. La faute en reviendrait aux autres mais il faut l’avouer la France fait moins bien que la moyenne de la zone euro. La question n’est pas le ralentissement économique mais la portée des réformes. Il faudrait non pas temporiser mais accélérer pour modifier en profondeur le pays en sortant du tout dépense publique.

Concrètement que va changer la fin de l'indexation des retraites sur l'inflation ?

Depuis 10 ans, tous les gouvernements jouent avec l’indexation des pensions soit en changeant les dates de revalorisation, soit en opérant des gels plus ou moins totaux. Durant de nombreuses années, les pensions étaient revalorisées le 1er avril. La loi du 20 janvier 2014 portant réforme des retraites a repoussé cette date de revalorisation au 1er octobre. Puis, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a reporté cette revalorisation au 1er janvier de chaque année. Ces reports successifs ont abouti à une perte de revalorisation d’un an des pensions. Par ailleurs, en 2015, François Hollande avait décidé un gel des pensions pour un an. En période de faible inflation, les effets d’un gel sont réduits. En revanche, en cas de redémarrage de la hausse des prix, la perte de pouvoir d’achat est évidemment plus nette. La mesure d’Edouard Philippe de ne revaloriser les pensions que de 0,3 % devrait au minimum engendrer une perte de pouvoir d’achat de 1,4 % pour les retraités. Pour une pension moyenne de 1300 euros par mois, le manque à gagner sur un an est de 218 euros. Pour un couple de retraités ayant des pensions de 4500 euros, la perte est de plus de 750 euros sur un an. Sachant que la mesure de moindre revalorisation est prévue pour durer deux ans, en 2019 et en 2020. Sur deux ans, le retraité avec une pension de 1300 euros par mois pourrait perdre sur l’année 570 euros. Les retraités ont déjà du supporter la hausse de la CSG de 1,7 point. Ils ne pourront compter que sur la suppression de la taxe d’habitation pour minorer leurs pertes.

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