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Jackson Hole le 24 août : le Président de la Fed fait une leçon d’économie au Président des États-Unis
©Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Pour les nuls

Le président de la Fed Jérôme Powell a justifié sa politique de relèvement des taux américains auprès de la Maison Blanche.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Encore deux hausses avant la fin de l’année : les taux d’intérêt américains à court terme vont monter en septembre et sans doute aussi en décembre de 0,25%.  4 hausses dans l’année donc, comme annoncé en janvier, même si le Président Trump exprime de plus en plus son déplaisir devant ces hausses qui soutiennent un dollar qu’il voudrait plus faible, pour exporter plus sans doute. Pas de vraie nouvelle donc pour les marchés, qui auraient pourtant aimé un discours de Jérôme Powell bien plus viril, en insistant peut-être sur une accélération des hausses, ou craint un plus mou, disant qu’il est possible de ralentir le mouvement, puisque l’inflation est à 2%, sans risque perceptible d’accélération. Un Powell viril aurait agité la bourse, inquiète d’une future salve de tweets trumpiens, mais elle aurait aimé. Un Powell mou aurait fait pire, faisant monter les taux longs et baisser la bourse, tant les marchés veulent une banque centrale américaine fidèle à ses objectifs d’inflation et de plein emploi. Ils la veulent indépendante aux pressions, surtout politiques, surtout présidentielles. Jérôme Powell a donc répété son message, impavide face aux tweets, et les marchés (au fond) apprécient, même si ce n’est pas palpitant. Les banques centrales ne sont là pour le suspense et l’agitation, d’autres s’en chargent (no name).

Une leçon de base d’économie : c’est pourquoi le Président de la banque centrale américaine s’est lancé au fond dans une leçon de politique monétaire à destination non pas de ses auditeurs (qui sont au courant, souhaitons-le), mais du Président. Il en lira peut-être des passages, en rage. L’idée de fond est que la politique monétaire suit toujours les mêmes objectifs, l’inflation à 2% et le chômage le plus bas possible, qui sont en partie contradictoires – c’est tout le problème, en fonction des informations statistiques qu’elle reçoit, de celles qu’elle traite et de sa communication, pour expliquer son action et convaincre les Américains, les marchés, le monde. Mais l’économie change, elle est fondamentalement incertaine (et Jérôme Powell commence par citer son vieux prédécesseur sur ce sujet : Alan Greenspan). Pour avancer dans ce monde incertain et changeant, où par exemple les salaires américains montent moins qu’avant avec des salariés moins mobiles, où le déficit budgétaire est un problème majeur avec une population vieillissante, sans compter la difficulté à comprendre la faiblesse actuelle de la productivité, il faut revenir à l’essentiel, en le simplifiant. 

Pour avancer vers 2% d’inflation (un chiffre choisi depuis longtemps et conservé), et atteindre le taux de chômage le plus bas (taux de change naturel, nommé U*, u étoile), il faudrait en théorie pousser autant que le possible la croissance potentielle en maniant le taux d’intérêt d’équilibre (r*, r étoile), qui lui non plus ne s’observe pas ! Et Jerome Powell se lance alors dans une comparaison (sans doute humoristique) où la politique monétaire devient une course aux étoiles ! Il faut faire naviguer au mieux le vaisseau Amérique dans une pluie d’astéroïdes et dans des espaces changeants, en quête de ces lointaines étoiles : la plus forte croissance et la meilleure trajectoire de taux d’intérêt pour atteindre le plus faible taux de chômage. Stars War !

Mais il faut revenir sur terre, et c’est alors que Jerome Powell nous répète que la valeur mesurée qu’il cherche à atteindre est 2% d’inflation : c’est là le plus sûr. Il faut ancrer toujours les anticipations d’inflation vers 2% pour éviter tout dérapage en allant trop vite dans la hausse des taux, au risque de la récession, ou en allant trop lentement, au risque d’accélérer l’inflation : c’est là le mieux. Ce rythme de hausse régulière des taux est donc le bon, le sien, répète Jerome Powell, qui se dit bien sûr prêt à agir en cas de ralentissement de l’économie ou de montée des prix. Il fera alors whatever it takes, mais ce sont deux risques qu’il ne voit pas. 

Soyons pratiques : « la leçon » de Jerome Powell est simple et ses conséquences annoncées, une hausse des taux en septembre en attendant l’autre. Les seul objectif mesurable est à portée (2%) et l’autre (le plein emploi) est plus compliqué à mesurer, sachant que le plein emploi n’implique plus aussi mécaniquement l’inflation qu’avant et plus encore que les agents économiques perçoivent mieux qu’avant. Nul ne sait encore comment le Président Trump va réagir à cette leçon, mais il ne gagne rien à demander à la Fed ce qu’elle ne peut faire : lui obéir. A la Fed comme à d’autres, d’ailleurs.

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