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Pourquoi Emmanuel Macron n’a pas grand chose à craindre de Jean-Luc Mélenchon et de sa menace de transformer les élections européennes en “référendum anti-macron”
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Universités d'été

Quelles seraient les conséquences pour Emmanuel Macron en cas de mauvais score aux européennes ?

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico :  Dans un entretien accordé jeudi à La Provence, Jean-Luc Mélenchon a déclaré vouloir  faire du scrutin européen un "référendum anti-Macron" et appelle aux électeurs qui le souhaitent à "le sanctionner" par leur vote. Même s'il s'en retrouverait affaibli politiquement, quel serait réellement le problème dans le cas où Emmanuel Macron obtenait un mauvais score aux européennes ?

Jean Petaux : La position de Jean-Luc Mélenchon et son appel aux électeurs n’est  ni originale ni politiquement pertinente. Elle est purement circonstancielle et correspond à ce que l’on peut communément nommer une forme d’opportunisme. Traditionnellement tous les scrutins autres que celui qui correspond en France depuis 1965 à « la mère des élections » (le scrutin présidentiel vers quoi tout converge et d’où tout procède) sont utilisés comme des « élections intermédiaires » destinées à envoyer des signaux plus ou moins forts au gouvernement en place. Donc appeler à sanctionner le gouvernement et Emmanuel Macron par un vote hostile à la liste LREM aux prochaines Européennes du printemps 2019 consiste à s’octroyer, par avance, une victoire qui n’en sera pas une puisqu’elle procèdera du cours normal de la vie politique et des consultations électorales détournées de leur sens premier au profit d’un sens caché.
En mars 1977, aux élections municipales, la Gauche unie sort victorieuse dans de nombreuses  villes considérées comme, presqu’à jamais, acquises à la droite. C’est le cas dans l’Ouest de la France de Saint-Malo à La Roche-sur-Yon, de Brest à Poitiers en passant par des villes qui n’avaient pas vu un élu communiste depuis 1947 : Angers, Laval, Nantes, etc. Le président Giscard d’Estaing et son premier ministre (nouvellement installé à Matignon) Raymond Barre ont reçu le message 5/5 : ils étaient désavoués et les législatives suivantes de 1978 promettaient d’être « chaudes » pour la droite. Cela amena VGE à prononcer un de ses plus fameux discours, celui de Verdun-sur-le-Doubs et si l’Union de la Gauche ne s’était fracassée sur le mur de ses divisions en septembre 1977 il y a fort à parier que la victoire présidentielle de Mitterrand en mai 1981 aurait été précédée d’une victoire de la Gauche à l’Assemblée trois ans plus tôt. On pourrait ainsi, aisément, multiplier les exemples. Seulement une éventuelle défaite d’une liste LREM aux Européennes de 2019, comparable à celle qu’a connu le PS aux Européennes de 2014 voire d’une ampleur plus importante, comme celle rencontrée par la liste Rocard aux Européennes de 1994 dûment torpillée par François Mitterrand soutenant (plus qu’en sous-main) la liste de Bernard Tapie, ne remettrait pas du tout en cause la légitimité d’Emmanuel Macron. L’exemple le plus clair qui a existé c’est celui du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen du 25 mai 2005. Le « non » l’ a emporté, cela a conduit au départ de Jean-Pierre Raffarin de Matignon (lequel était d’ailleurs « cramé » dès la défaite des listes se réclamant de la majorité gouvernementale aux Régionales de 2014 survenu un an plus tôt) et à son remplacement par Dominique de Villepin mais n’a pas entamé la légitimité présidentielle de Jacques Chirac élu, trois ans plus tôt, en mai 2002, par un score de 82% des suffrages exprimés face à Jean-Marie Le Pen.
En proposant un « référendum anti-Macron » Jean-Luc Mélenchon cherche à dramatiser à son profit l’élection européenne en la réduisant à un choix binaire et volontairement manichéen : « pour ou contre Macron ». L’Europe mérite mieux, la position et la politique européenne de la France méritent beaucoup mieux et Jean-Luc Mélenchon lui-même est meilleur quand il n’est pas aussi caricatural et quand il propose un projet alternatif en lieu un place d’un combat ad hominem entre lui et son adversaire préféré, Emmanuel Macron.

Au regard de la faible efficacité des appels aux levées en masse lancés par le leader de la France Insoumise ces derniers mois, que penser de cette stratégie ? Peut-elle s'avérer payante selon vous ?

A court terme (et à condition que le score de la liste France Insoumise soit supérieur à celui de la liste LREM et de ses alliés, ce qui est vraiment loin d’être acquis) le « coup » peut s’avérer gagnant pour Jean-Luc Mélenchon. Il pourra, avec ses relais et ses fidèles, plastronner et bomber le torse en se présentant comme l’adversaire numéro 1 d’Emmanuel Macron, le premier qui aura fait mordre la poussière à « l’usurpateur de mai 2017 ». Mais cette posture (encore une fois plus improbable aujourd’hui que réellement envisageable) ne pourra perdurer dans le temps sans la proposition d’un projet politique alternatif et crédible autrement dit un peu plus sérieux que les propositions démagogiques et populistes des « holomélenchongrammes » de 2017. C’est bien-là la limite atteinte par les fameuses « fêtes à Macron », « timballes et casseroles contre Macron » et autre appels aux levées quasi-insurrectionnelles du pseudo-printemps chaud de 2018 que seuls les nostalgiques vermoulus de mai 68 et les boutonneux adulescents d’aujourd’hui lançaient aux côtés de Mélenchon, Corbière, Coquerel, Ruffin et consorts... Dans le désert.

Les derniers sondages pour les élections européennes (12 juillet 2018 par Ipsos pour Le Monde et Sciences Po) indiquent 13% d'intentions de votes pour la France Insoumise contre 26% pour LREM et le Modem.  On sait que Jean-Luc Mélenchon compte sur des ralliements à gauche et sur des alliances autour d'une volonté commune pour l'Europe. N'y a-t-il pas un paradoxe entre vouloir faire des ralliements pour porter un projet et faire des déclarations en appelant à voter non pas pour le projet mais pour un vote sanction ? Qu'est-ce que cela révèle de la pensée politique de Mélenchon ?

Les ralliements attendus par Jean-Luc Mélenchon sont loin d’ être acquis… La participation électorale, traditionnellement très faibles aux Européennes, viendra totalement dénaturer et parasiter la lecture politique que l’on pourra faire de cette consultation. Quant à la pensée politique de Mélenchon le moins que l’on puisse dire, avec un minimum de charité, c’est qu’elle est relativement frustre. Ce qui est d’ailleurs assez étonnant chez cet homme à la riche culture politique qui a  biberonné à la formation politique trotskyste, de loin la plus exigeante, rigoureuse et complète des écoles politiques…  Elle se résume à : « tout faire pour prendre le pouvoir, pour moi et personne d’autre ». Nombre des élus de la France Insoumise (en particulier au sein du groupe parlementaire) sont parfaitement conscients du caractère purement « perso » du jeu de leur « tête d’affiche », mais plus par réalisme que par loyauté ils feignent de l’ignorer. Pour autant le « feuilleton de l’été » que s’est révélé être « Le MédiaTV » a parfaitement montré comment le « bloc de la France Insoumise » est parcouru de tensions, de chapelles, de querelles et d’ambitions personnelles, affectivo-relationnelles, pécuniaires et, pour tout dire, digne des Télénovellas sud-américaines. Avec humour on considérera qu’il n’y a là rien que très logique pour une mouvance politique et partisane se réclamant dans un joyeux mélange détonnant du Guévarisme, du Chavisme, du Bolivarisme et autres « mouvements Picaros » qui ne dépareraient pas chez Hergé… Du Venezuela à Télé Globo au Brésil, on change de langue mais pas de continent…  Clairement Mélenchon n’a pas de projet alternatif sérieux et crédible à proposer. C’est le propre des courants populistes, hier et aujourd’hui : à défaut de caresser une ambition politique pour le pays dans lequel ils distillent leur petit poison ils caressent tout simplement le peuple dans le sens du poil. Demos-agogein (Demos-agogein ) : « conduire le peuple » (sous-entendu : « là où il veut aller », autrement dit « du côté où vont le faire tomber ses pires penchants »…).

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